Notre contribution à la protection de l’ours polaire, le superprédateur de l’Arctique

Environ 16 000 ours polaires, ou nanuq en inuktitut, vivent, se reproduisent et règnent sur la banquise de l’Arctique canadien. Ce superprédateur vit majoritairement au Nunavut, dans un rayon de deux-millions de kilomètres carrés, avec des sous-populations qui s’étendent jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, au Québec, au Manitoba, à Terre-Neuve-et-Labrador ainsi qu’en Ontario. Le Canada abrite près des deux tiers de la population mondiale d’ours polaires, ce qui lui confère une responsabilité majeure dans la conservation de cette espèce emblématique dont l’habitat se réchauffe de jour en jour.

Ours polaires sur une falaise
Une ours polaire et son petit dans leur tanière au bord d’une falaise, le long d’un fjord du nord-ouest de l’ile de Baffin © Joshua Ostroff / WWF-Canada

En tant que l’unique organisation non gouvernementale (ONG) dotée d’un bureau permanent au Nunavut, le WWF contribue à assumer cette responsabilité grâce à son Fonds pour la conservation des espèces de l’Arctique (FCEA), qui a financé plus de 100 projets d’intendance et de recherche depuis 2016. Les travaux sur les ours polaires ont consisté à cartographier les habitats propices à l’aménagement des tanières, à mettre à jour les estimations de sous-populations et à réduire les conflits avec les humains, qui peuvent survenir lorsque ces imposantes créatures s’aventurent dans les communautés.

Whale Cove, un petit hameau de près de 500 âmes niché sur la rive ouest de la baie d’Hudson, dans la région de Kivalliq, au Nunavut, est l’une de ces communautés. Le gel tardif de la banquise causé par les dérèglements climatiques pousse de plus en plus souvent les ours polaires vers les villes. Mais comme Stanley Adjuk, ex-maire de la communauté, a déclaré (en anglais seulement) en 2023 : « Il s’agit de leur route migratoire. C’est nous qui occupons leur territoire. Whale Cove est situé sur une route qu’ils empruntent depuis des lustres. »

Ainsi, depuis 2019, nous mettons le FCEA au service du programme de patrouille et de surveillance afin d’assurer une coexistence paisible entre humains et ours polaires. Dans le cadre de ce programme, un duo de patrouilleur.euse.s, chapeauté par l’organisation Issatik Hunters and Trappers, parcoure la région en VTT ou en motoneige durant la haute saison afin d’éloigner les ours et de protéger la population.

Victoria Kidlapik, gestionnaire de la patrouille des ours polaires à Whale Cove, montre l'application SIKU sur son téléphone alors qu'elle est sur une motoneige. 
Victoria Kidlapik, gestionnaire de la patrouille des ours polaires à Whale Cove, montre l’application SIKU sur son téléphone alors qu’elle est sur une motoneige.

Au cours de la dernière année, l’équipe a adopté SIKU, une application mobile créée par et pour les Inuit afin de signaler les observations d’animaux sauvages et de diffuser divers renseignements environnementaux comme l’état de la glace de mer. Elle utilise l’application pour documenter les observations d’ours polaires et les éléments qui les attirent, comme la présence d’autres animaux, et améliorer ses méthodes de conservation et de diffusion des données de suivi.

Une autre façon pour le WWF de faciliter cette coexistence consiste à promouvoir l’Inuit Qaujimajatuqangit (IQ), une forme de savoir ancestral transmis de génération en génération qui porte notamment sur la cohabitation avec la faune et la nature en général.

Cofinancée par le FCEA, la série documentaire Nanuk Narratives explore des moyens d’accroitre l’accessibilité, la portée et la mise en pratique du savoir inuit dans la gestion à long terme des populations d’ours polaire et la pérennité de la récolte.

La série diffusée en inuktitut documente les expériences des membres de la communauté inuite de l’Arctique de l’Est (Nunavut, Nunatsiavut et Nunavik) en lien avec la sous-population d’ours du détroit de Davis. Elle vise à enseigner aux générations d’aujourd’hui et de demain à cohabiter avec ce superprédateur de façon sécuritaire et respectueuse en puisant dans la sagesse des générations passées.

Le FCEA a également financé les travaux d’intégration de l’IQ dans les relevés scientifiques de populations. Comme les ours polaires vivent dans des régions vastes et isolées, l’évaluation de ses populations et des conditions dans lesquelles elles évoluent représente un défi de taille.

Deux ours polaires observent un piège photographique
Deux ours polaires observent un piège photographique © naturepl.com / Steven Kazlowski / WWF

Afin d’obtenir des résultats plus précis, nous avons travaillé en collaboration avec le gouvernement du Nunavut et l’organisme Integrated Ecological Research à concevoir une approche plus globale. L’an dernier, nous avons commencé à intégrer l’IQ des communautés locales dans le processus décisionnel et le travail sur le terrain au bassin Foxe, entre l’ile de Baffin et la baie d’Hudson, pour renforcer la collecte de données grâce aux savoirs issus des récits de cohabitation des Inuit avec les ours polaires.

Plus au sud, nous finançons également une étude pluriannuelle sur le terrain dirigée par la communauté dans la région marine d’Eeyou, à la baie James, qui combine savoirs traditionnels et connaissances scientifiques dans l’optique d’approfondir les connaissances sur la sous-population d’ours polaires qui vit dans la région la plus méridionale de la planète.

Mené en collaboration avec les gouvernements autochtones locaux, les organisations de chasse et de trappe ainsi qu’une équipe de recherche de l’Université McGill, ce projet se sert de pièges photographiques et de pièges à poils pour rassembler des données au sujet de la génétique, de l’alimentation, de l’état corporel et de l’habitat de cet ursidé, tout en mettant au point des techniques non invasives afin de rassurer les différentes communautés autochtones de l’Arctique.

Par Joshua Ostroff et Missy MacLellan