RPVC 2025 : « Notre nouvelle génération ne saura probablement jamais à quoi ressemble un saumon sauvage » Ross Hinks, Première Nation Miawpukek
Notre Rapport Planète vivante Canada (RPVC) 2025 a utilisé 5 099 inventaires de populations pour 910 espèces afin de faire le suivi de la perte d’espèces au fil du temps. Mais l’état de santé des écosystèmes ne peut être pleinement capté par un seul système de savoir. Le RPVC 2025 inclut donc des perspectives autochtones de tout le pays.

Ross Hinks a passé la plus grande partie de sa vie au sein de la Première Nation Miawpukek, une petite communauté Mi’kmaq à Conne River, Terre-Neuve. Il a grandi en pêchant sur la rivière avec son père – leurs vies dépendaient de ce qu’ils pouvaient tirer du territoire et de la mer. Il travaille pour sa nation depuis environ 45 ans, et il est maintenant directeur des ressources naturelles de la communauté où il milite pour l’implication de la Nation Miawpukek dans les projets de développement.
En tant que Mi’kmaq, Ross Hinks possède une vaste connaissance du territoire et des espèces qui l’habitent. Il a passé sa vie à cumuler des connaissances et à renforcer ses convictions sur les relations entre les espèces de sa région et sur la façon de coexister harmonieusement avec elles. Ces connaissances, acquises par le contact direct de milliers de personnes avec la nature, sont transmises de génération en génération.
Voici ce que nous a confié Ross à propos des changements qu’il remarque sur le territoire des Miawpukek et de ce qui devrait être fait pour assurer la stabilité des espèces :
Je suis sur cette terre depuis maintenant 62 ans et, déjà, j’ai pu observer pendant cette courte période des changements importants, dont beaucoup sont dus au développement.
Dans notre région, le poisson est en déclin depuis 30 ans. Auparavant, nous pouvions pêcher le capelan juste devant chez moi, et la morue, le maquereau, et plein d’autres poissons partout dans la baie. Maintenant, le poisson ne vient plus à nous. La population de saumon a diminué drastiquement depuis la venue des industries et nous craignons qu’il s’ajoute à la liste des espèces en voie de disparition si rien n’est fait. Aujourd’hui, nous devons nous avancer loin au large pour pêcher, peu importe le type de poisson.
D’autres espèces de la région, comme la martre d’Amérique et l’érioderme boréal, sont en péril, et cela nous inquiète.

Le déclin des espèces menace les moyens de subsistance
La perte des espèces est une perte des traditions, des moyens de subsistance et de tout ce que nous défendons. Je ne suis pas une personne religieuse, mais je crois que la nature se compare à l’église : quand on se trouve sur le territoire de nos ancêtres, le sentiment qui nous habite est le même.
C’est sur le territoire que nous apprenons à comprendre comment la communauté s’est formée, ici même, près de la rivière – ce fjord regorgeant de poissons qui nous a mené.e.s jusqu’ici. Et maintenant, ce moyen de subsistance qui assurait autrefois notre survie a pratiquement disparu.
La nouvelle génération ne saura probablement jamais à quoi ressemble un saumon sauvage. Les seuls qu’elle verra seront ceux vendus dans les épiceries, plutôt que ceux nageant dans nos rivières.
Notre communauté assure la surveillance à sa façon
Il y a environ 15 ans, je pêchais le long de la rivière Conne à côté d’un Ainé, et il m’a dit : « Ross, cette rivière est morte. » Jusque-là, je pensais qu’elle s’était un peu dégradée, mais lui avait le recul des années et voyait à quel point la rivière était appauvrie. Et cette tendance n’a cessé de s’accentuer depuis.
Notre communauté compte beaucoup d’Ainé.e.s. Leur surveillance n’est pas officielle, mais elle est reconnue. On nous encourage d’ailleurs à leur demander de nous raconter comment c’était à l’époque. Il.elle.s ne recueillent pas de données chiffrées, mais connaissent les tendances et voient ce qui arrive aux espèces dont nous dépendons.
Donc, à mon avis, il s’agit bien de surveillance, mais elle n’utilise pas l’approche scientifique occidentale.
Une cogestion essentielle dès le départ
En plus de bénéficier de financement et de formation, nous devons participer aux discussions avec le gouvernement et les autres organisations dès l’ébauche des projets d’extraction des ressources, et être rémunéré.e.s pour notre contribution. Il faut aussi faciliter l’intégration du savoir de nos Ainé.e.s.
Nous avons besoin d’un accès total dans la cogestion directe des ressources. Nous avons élaboré un protocole de consultation sur le développement de l’industrie, et il faut en tenir compte. Nous avons aussi besoin de personnes qui pourront nous appuyer, et réfuter ou interpréter ce qu’on nous dit : parfois, le langage est très complexe et s’adresse aux gens de l’industrie.
Nous avons besoin de tout cela pour assurer la santé des populations d’espèces et nous devons faire entendre notre voix. Notre présence ne devrait pas servir à cocher une case.
Notre Rapport Planète vivante Canada 2025 révèle le déclin moyen le plus sévère des populations d’espèces à ce jour. Découvrez ce qui se passe dans les habitats à travers le pays et de la façon dont nous pouvons freiner et renverser la perte d’espèces avant qu’il ne soit trop tard.