Pendant que l’Ontario démantèle les protections environnementales, voici le peu qu’il en couterait pour rétablir 100 espèces
Le projet de loi 5 du gouvernement de l’Ontario, s’il est adopté, aura des conséquences dévastatrices sur les espèces en péril à travers la province. En s’appuyant sur la justification d’accélérer le développement, il pourrait rapidement pousser vers l’au-delà des espèces en voie de disparition.

Intitulé Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en libérant son économie, le projet de loi 5 enlève les protections environnementales essentielles comme la Loi sur les espèces en voie de disparition et retire toute exigence d’efforts de rétablissement. Il élimine aussi la prise de décision fondée sur la science, redéfinit les habitats et donne au cabinet provincial le droit d’outrepasser les règlementations avec des « Zones économiques spéciales ».
Cela menace encore davantage les populations déjà vulnérables — des populations déjà en voie de disparition comme le carcajou, le pluvier siffleur et le loup gris. Et cela, même si les données démontrent le déclin catastrophique des populations d’espèces, dans le monde et aussi ici chez nous.
Mais cette tendance peut être renversée. Des recherches menées par le WWF-Canada et l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) montrent ce qu’il faut pour rétablir la biodiversité en Ontario, et ce qu’il en couterait.
Disponible en prépublication durant sa révision par les pairs — avec des recherches conduites bien avant que le projet de loi 5 soit présenté — notre nouvelle étude constate l’état de la biodiversité dans le sud de l’Ontario, et en particulier l’écorégion du lac Simcoe-Rideau, un haut lieu des espèces en péril.
Cette région comprend Ottawa, Kingston et Kitchener, et elle est par conséquent grandement affectée par l’urbanisation dense et la dégradation et la destruction des habitats. Des espèces comme le loup de l’Est, l’effraie des clochers et la tortue mouchetée, toutes protégées à l’heure actuelle en vertu de la Loi sur les espèces en péril, sont confrontées à de multiples menaces.
Notre étude s’est concentrée sur 133 espèces de l’écorégion du lac Simcoe-Rideau qui sont en déclin ou culturellement importantes pour les Premières Nations locales. Nous avons utilisé un outil décisionnel appelé la gestion des menaces prioritaires (GMP), développé par la professeure et docteure en biologie Tara Martin et son équipe de l’UBC, et qui prend en considération les couts, les bénéfices et la faisabilité. Nous avons ensuite prédit les résultats probables pour ces espèces suivant différentes stratégies, politiques et scénarios de financement en matière de conservation jusqu’à la fin de 2050.
Nos constats montrent que sans intervention, 98 % de ces espèces sont en voie de disparition locale. Mais la bonne nouvelle est que nous savons quel chemin emprunter pour éviter cette issue.

L’étude GMP a déterminé huit stratégies de conservation — comme la protection et la restauration d’habitats, des politiques et bonnes pratiques visant l’industrie, et des politiques et des lois gouvernementales — qui, si mises en œuvre, pourraient assurer la survie de 75 % des espèces (100 sur 133) en Ontario.
Et le cout? Seulement 113 millions de dollars annuellement, ce qui équivaut à une dépense de 7 $ par personne par année pour le gouvernement de l’Ontario. Pour mettre ce montant en perspective, il s’agit de 0,048 6 % du budget de 232,5 milliards $ de l’Ontario pour 2025-2026 annoncé en mai.
Plutôt que de traiter les espèces comme un obstacle à éliminer, l’Ontario devrait investir dans la nature comme pilier essentiel d’une province prospère. Les habitats dont ces espèces en péril dépendent sont aussi des écosystèmes qui nous apportent des bénéfices nets en séquestrant le carbone, en nettoyant l’air et l’eau et en soutenant les pollinisateurs pour que les agriculteur.rice.s puissent faire pousser notre nourriture.
Protéger l’économie de l’Ontario signifie aussi protéger l’environnement de la province. Nous avons seulement besoin de libérer la volonté politique de le faire.