Megan Leslie et la transformation des possibilités en réalités en 2021

Dans les Carnets de terrain de janvier dernier, nous avions interviewé la P.-D. G. du WWF-Canada, Megan Leslie, sur l’année qui s’annonçait. (Et disons que 2020 a bousculé toutes nos prévisions!) Nous tentons à nouveau l’exercice, même si les quelques semaines de la nouvelle année se révèlent déjà assez particulières.

Sunrise over icy landscape in Churchill
© WWF-US / Elisabeth Kruger

Comment gères-tu tout ce qui se passe, et qu’est-ce qui te rend optimiste en 2021?

Il n’est pas réaliste de penser que nous pouvons être positif.ve.s en tout temps. Beaucoup d’évènements se déroulent partout dans le monde, de la pandémie à la politique, de la crise climatique au déclin de la nature, et ça peut être accablant. Moi-même, je le ressens ainsi parfois.

Par contre, je réussis à rester optimiste parce que je sais ce qui est possible. Je sais que c’est possible de lutter contre les dérèglements climatiques à l’aide de la nature. Je sais que c’est possible de ramener les habitats dont les espèces ont besoin pour renverser leur déclin. Je sais que c’est possible de travailler avec les orientations autochtones et de combiner ce savoir aux meilleures connaissances scientifiques pour protéger et gérer la nature.

Et c’est d’ailleurs ce que nous faisons au WWF! Alors chaque fois que je me sens accablée, je pense à tout ce qui est possible et cela m’inspire à travailler encore plus fort pour transformer ces possibilités en réalités.

Qu’est-ce que tu retiens des impacts environnementaux de l’année dernière, qu’est-ce que cette expérience mondiale nous a enseigné, et comment pouvons-nous avancer pour résoudre la double crise du climat et de la perte de biodiversité?

Nous avons tou.te.s entendu des témoignages sur des animaux qui reprennent possession des espaces urbains, des dindes sauvages se promenant au centre-ville de Winnipeg à la famille de renards installée sur la rive de Toronto. Nous savons aussi que les émissions de gaz à effet de serre ont globalement baissé.

C’est comme regarder dans une boule de cristal qui nous montre un avenir potentiel. Sauf que c’est un avenir que nous devons choisir, cela ne va pas arriver tout seul. Les impacts environnementaux de l’an dernier – appelons-les « les impacts inversés » – nous ont montré que nous pouvons renverser la perte de biodiversité et atténuer les dérèglements climatiques. Je souhaite que nous tou.te.s, en tant qu’individus, gouvernements et sociétés, prenions le temps d’imaginer notre avenir et de planifier le chemin à parcourir pour transformer la vision de la boule de cristal en réalité.

Que considères-tu comme ton fait saillant de 2020 en matière de conservation et comment pouvons-nous l’utiliser comme tremplin?

Après les constatations de la Commission de vérité et réconciliation, nous nous sommes demandé quel était le rôle du WWF-Canada. Notre nouvelle approche de travail implique d’adopter la conservation menée par les Autochtones. Par le passé, la conservation a ignoré la force du savoir et de l’expérience autochtones à nos risques et périls. Beaucoup reste à faire pour redresser les torts, non seulement pour la réconciliation, mais aussi pour le bien de la nature et de la planète.

Cette approche nous a aidé.e.s à continuer notre travail de conservation durant les restrictions découlant de la pandémie. Par exemple, alors que la plupart des travaux de terrain étaient annulés à cause des restrictions de déplacement, le relevé des ours polaires à Coral Harbour a pu être complété parce que ce projet était une initiative menée par les Inuit.e.s de cette communauté. De la même façon, la collecte de données sur l’eau douce a pu continuer sur la côte Ouest, grâce à la collaboration de la Première Nation Katzie.

Je suis fière de ce que nos partenaires autochtones ont accompli l’an dernier – sans oublier le début d’une collaboration avec le Conseil de Mushkegowuk pour protéger les réservoirs de carbone mondialement importants des basses-terres des baies d’Hudson et James – et j’ai hâte de voir la suite!

Qu’est-ce qui t’emballe le plus de l’année à venir pour le WWF-Canada?

Megan Leslie
© Meghan Tansey Whitton

Le vaccin! J’ai hâte qu’un vaccin contre la COVID-19 nous aide à surmonter cette pandémie et que nous puissions remettre tous ces efforts dans la lutte contre la double crise du climat et de la perte de biodiversité.

Je suis aussi très enthousiaste à propos de notre travail de cartographie du carbone. En sachant où sont situés les plus riches réservoirs de carbone du paysage canadien, nous serons en mesure de mieux les protéger. Saviez-vous que 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre viennent de la destruction de la nature? Quand nous coupons les forêts et creusons le sol des milieux humides, des tourbières et des prairies, nous libérons ce carbone dans l’air.

Ce travail de cartographie nous permettra aussi de localiser le potentiel de stockage du carbone. Parce qu’en restaurant la nature, nous réalisons l’effet inverse, c’est-à-dire capter le carbone de l’atmosphère et le séquestrer à nouveau. Des cartes précises nous donneront la marche à suivre, indiquant où nous devons concentrer nos efforts pour obtenir le plus grand retour sur l’investissement.

Je suis aussi emballée par la façon dont le recul de la nature et la perte de biodiversité sont enfin pris au sérieux, et par la discussion qui a lieu sur la scène internationale. Notre premier ministre s’est joint au Pacte des dirigeants pour la nature et a inscrit le Canada dans la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples.

Tout cela signifie que nous nous sommes engagé.e.s devant le monde à faire notre part pour renverser le déclin des espèces. Nous attendions ce genre de reconnaissance internationale depuis longtemps, et je suis contente de voir que nous faisons les premiers pas. Maintenant que les premiers pas sont faits, passons à la marche, puis à la course!

Un dernier mot pour nos sympathisant.e.s?

Cette pandémie est si difficile pour tant de gens, je me sens privilégiée que nos sympathisant.e.s continuent de nous appuyer à leur façon. Nous avons dû annuler l’Ascension de la Tour CN au début de la pandémie et nos sympathisant.e.s ont quand même amassé des fonds pour nous en faisant une ascension virtuelle. D’autres personnes ont assisté à nos Cafés WWF en ligne, et d’autres sont resté.e.s en contact grâce aux médias sociaux. De plus, nos donateur.rice.s ont renouvelé leur soutien malgré la récession mondiale!

Cela va au-delà de ce que nous pouvions demander et c’est très motivant de voir des individus redoubler d’efforts pour soutenir notre travail. Nous avons certainement les meilleur.e.s sympathisant.e.s que nous pouvions espérer, vraiment!