Les aires marines protégées doivent faire partie d’un réseau pour être efficaces (car les espèces marines se déplacent)
Au regard des dérèglements climatiques, des solutions existent pour aider à ralentir le déclin mondial de la biodiversité – mais elles requièrent une planification réfléchie et de solides partenariats. L’IMPAC5, le cinquième congrès international sur les aires marines protégées (AMP) en cours à Vancouver, a pour but d’aider à façonner la manière dont le Canada et le monde planifient et mettent en œuvre le 30×30, leur nouvel engagement à protéger 30 % des zones maritimes d’ici 2030.
Il est essentiel que nous le fassions de la bonne façon, en y incluant des réseaux d’aires marines protégées.
Selon le ministère des Pêches et des Océans, 14,66 % du territoire marin canadien (842 821 km2) est actuellement protégé et le gouvernement fédéral a deux cibles en vue : un engagement national à conserver 25 % du territoire marin et côtier d’ici 2025, et un accord international signé au sommet de la COP15 sur la biodiversité à Montréal d’atteindre 30 % de protection d’ici 2030. Cela signifie que le Canada n’a que sept ans pour plus que doubler ses aires marines protégées et de conservation.
Toutefois, se dépêcher et protéger de vastes zones dans des aires éloignées au large, où il n’y a pas de conflit avec les activités humaines, de façon à atteindre ces cibles sans planification digne de ce nom pourrait avoir des effets pervers.
Pour être efficaces, les AMP et les réseaux d’AMP doivent être bien planifiées afin de protéger toute l’étendue de la biodiversité d’une région. De plus, désigner de grandes zones protégées et de conservation sans mettre en place une surveillance ni mesures exécutoires efficaces discréditera les objectifs sociaux et environnementaux que les cibles doivent soutenir.
Le WWF-Canada soutient une approche coordonnée de la conservation marine dans tout le pays, avec notamment un réseau d’aires marines protégées planifié avec soin.
Mais à quoi cela ressemblerait, exactement?
Les espèces se déplacent librement entre les écosystèmes, un concept appelé la connectivité écologique. Durant leurs processus vitaux de reproduction, d’alimentation et de migration, les espèces marines peuvent parcourir de grandes distances, c’est pourquoi les aires protégées doivent être connectées en réseaux.
Les réseaux d’AMP devraient conserver les espèces et les fonctions clés, toute l’étendue de la biodiversité et les réserves de carbone. S’ils sont conçus adéquatement, les réseaux d’aires marines protégées peuvent offrir des bénéfices écologiques, sociaux et économiques à des régions entières, y compris au-delà des limites des AMP qui forment ces réseaux.
Les réseaux connectés d’aires marines protégées doivent aussi offrir aux espèces marines des refuges écologiquement connectés, ce qui peut aider à freiner la perte de biodiversité et combattre les effets de la crise climatique à mesure que leur aire de répartition change en réaction au réchauffement des océans.
(Le dernier refuge de glace, par exemple, est une zone au nord du Nunavut et du Groenland où on s’attend à ce que la banquise pluriannuelle persiste le plus longtemps. Les AMP dans la région, comme Tuvaijuittuq et Tallurutiup Imanga, ont été conçues pour servir de refuges climatiques pour les espèces qui dépendent de la banquise lorsqu’elles migreront plus au nord.)
Les bénéfices écologiques incluent d’offrir des habitats pour des périodes cruciales de la vie comme l’accouplement, la mise bas, l’élevage des petits, la protection des couloirs de migration, la contribution au rétablissement et à la restauration des espèces et des habitats et à une résilience accrue dans un contexte de dérèglements climatiques.
Les bénéfices sociaux et économiques, d’un autre côté, incluent d’approfondir notre connaissance des écosystèmes marins pour assurer une base de ressources pour des activités durables, comme le tourisme et les loisirs. Les réseaux d’aires marines protégées contribuent aussi à la pêche durable en augmentant les stocks de prises et en protégeant les sites culturels historiquement et contemporainement significatifs, dont ceux importants pour les communautés autochtones.
Le gouvernement du Canada doit consulter les communautés autochtones pour leur leadership sur la façon de concevoir des réseaux d’aires protégées afin d’atteindre les cibles. Les aires protégées et de conservation autochtones, les aires protégées et gérées par les Inuit, et des programmes comme les Gardien.ne.s autochtones doivent être au centre de la planification en conservation au pays.
D’ailleurs, cela commence à se faire. Le 6 février 2023, après des années de travail par les gouvernements des Premières Nations, fédéral et provincial, a été annoncé à l’IMPAC5. Cette réussite menée par les Autochtones et développée en collaboration doublera la couverture des AMP dans cette région de 100 000 km2, aussi connue comme la zone marine du Grand Ours, à 30 %. C’est un modèle novateur de gouvernance collaborative et il guidera la création de ce qui deviendra le tout premier réseau d’AMP planifié au pays.
Le WWF-Canada milite pour la création d’aires de conservation centrées autour du savoir, des orientations, des priorités et des expériences autochtones à travers le pays. Avec cette vision en tête, le WWF-Canada a créé l’APC-Arctique, un outil pour aider à concevoir un réseau d’aires marines protégées dans l’est de l’Arctique canadien. L’APC-Arctique rassemble l’information d’un grand nombre de sources différentes pour appuyer la planification marine arctique.
L’outil APC-Arctique démontre comment les connaissances écologiques scientifiques, locales et autochtones peuvent étayer un exercice de planification de réseau marin robuste qui peut soutenir des écosystèmes résilients et aider à la lutte contre les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité.
En utilisant des outils comme APC-Arctique, notre pays peut travailler à l’établissement d’un réseau d’aires marines protégées conçu avec soin dans les trois océans qui l’entourent pour assurer que les espèces sont protégées dans l’ensemble de leur aire de répartition.