« Ce sont les expert.e.s » : Visite dans la région de Kitikmeot au Nunavut
Par Erica Guth, spécialiste en conservation arctique, et Emina Ida, spécialiste associée en habitats résilients arctiques
Notre équipe du WWF-Canada arrive à Gjoa Haven, Nunavut – la première de nos trois étapes qui incluaient aussi Kugaaruk et Taloyoak, toutes parmi les communautés les plus nordiques et isolées au Canada – dans la noirceur de l’hiver arctique.
En ce temps de l’année, la lumière du jour ne dure que quelques heures, et quand elle arrive, le soleil n’apparait à l’horizon qu’une maigre demi-heure. Sans arbre pour bloquer le vent cinglant, la température ressentie est bien en dessous de -50 °C. Toutefois les gens de la communauté nous ont accueilli.e.s avec des sourires chaleureux, bien que partiellement cachés sous des parkas doublés de fourrure.
Après nous être installé.e.s et avoir attendu le passage des conditions de visibilité réduite causées par une tempête, nous apercevons finalement le paysage entourant ce village d’environ 1300 personnes, seul établissement permanent des 13 000 kilomètres carrés de la vaste ile King William.
Les collines ondoyantes sont recouvertes de neige et constellées de rochers noirs, tandis que l’horizon s’étend sur la banquise dont l’œil ne perçoit pas la limite. Le ciel est coloré de bleu, mauve, orange et rose pastel, ce qui ajoute des couleurs au paysage blanc, avant que les aurores boréales n’émergent parmi les étoiles de la nuit.
Et même si nous n’avons vu aucune des espèces emblématiques, mais bien camouflées, de l’Arctique durant ce voyage, des caribous, des ours polaires, des narvals, des bélugas et des baleines boréales vivent dans la région.
Le Nunavut possède une nature parmi les plus belles au monde – et nous sommes sur place pour soutenir les Nunavummiut qui travaillent fort pour la conserver.
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En janvier dernier, quatre spécialistes de l’Arctique du WWF-Canada sont allé.e.s rencontrer nos partenaires en conservation dans la région de Kitikmeot, au nord-ouest du Nunavut. À Gjoa Haven et à Kugaaruk, des partenaires communautaires Jimmy Ullikatalik et Lena Neeveacheak, de la Spence Bay Hunters and Trappers Association de Taloyoak (SPHTA) nous ont rejoint.e.s.
L’objectif était de discuter des progrès accomplis vers l’aire protégée et de conservation inuite Aqviqtuuq initiée par Taloyoak (vous pouvez en lire plus sur les APCA ici) et de la façon de mettre de l’avant leurs propres priorités locales en matière de conservation, comme la protection des espèces alimentaires du terroir, l’utilisation du territoire et le partage de connaissances entre les communautés.
Cette réunion a reçu un grand appui des associations de Gjoa Haven et de Kugaaruk, dont les membres ont exprimé leur intérêt pour des projets similaires dans leurs régions respectives. Un effort de collaboration régionale entre les trois communautés peut avoir des impacts bénéfiques pour les espèces et les humains qui en dépendent. Renforcir ces liens était un des principaux buts du voyage, et nous avons hâte de soutenir davantage d’échanges intercommunautaires de connaissances à mesure que nos projets dans la région se développent.
Pour notre étape finale à Taloyoak, nos partenaires d’ArctiConnexion nous ont rejoint.e.s pour rencontrer le conseil de la SBHTA et les membres des Gardien.ne.s. Cette dernière équipe, consacrée à l’intendance, a reçu du financement du fédéral l’an dernier via le programme de contribution pour la gestion des océans pour étendre son programme terrestre afin d’inclure la surveillance de l’océan et des cours d’eau douce. (Dans le but d’aider les projets de la SBHTA à connaitre le succès, le WWF-Canada et ArtiConnexion offrent du soutien pour l’administration, les activités courantes et les formations, des conseils stratégiques et pour l’amplification de leurs voix par les médias.)
C’était une chance pour toute l’équipe de travailler en personne et discuter de stratégies pour les prochaines étapes des projets Aqviqtuuq et Niqihaqut. Ce dernier est une initiative de sécurité alimentaire lauréate d’un prix Inspiration Arctique, conçue pour former le plan final de gestion des espèces de l’APCA.
Nous avons apprécié les conversations productives, sans oublier les mots d’humour occasionnels, qui ont renforcé les relations et la confiance entre tou.te.s les partenaires derrière ces initiatives menées par les Inuit.
Les consultant.e.s de l’Institut pour l’IntelliProspérité nous ont aussi rejoint.e.s pour mener des entrevues avec les membres du conseil de la SBHTA, les Gardien.ne.s et les leaders communautaires. L’objectif était de mieux comprendre ce qui fonctionne bien jusqu’à présent dans le projet Aqviqtuuq et d’accueillir leurs opinions sur les manières de faire croitre une économie de la conservation à Taloyoak et ailleurs.
Tout au long du voyage, nous avons parlé à des membres des communautés pour écouter leurs priorités, telles que la sécurité alimentaire et la protection de leur environnement. Nous avons aussi eu la chance d’assister à une danse du tambour à Gjoa Haven, nous avons visité l’école de Taloyoak et regardé les enfants pratiquer des activités traditionnelles comme la lutte de jambes et les chants de gorge, puis nous avons été accueilli.e.s chez les gens pour partager un repas de mets du terroir. Nous avons même rencontré des artistes locaux.ales pour en savoir plus sur leur art et nous avons réalisé un trajet en motoneige pour faire l’expérience des conditions glaciales de janvier en dehors du village.
Ces expériences, autant que les rencontres officielles, nous ont aidé à mieux assimiler les priorités locales et ce que la population cherche à conserver et à protéger. Bien que les deux autrices de ce blogue en soient à leur première visite dans la région, nous avons appris des membres de l’équipe qui travaillent dans la région depuis longtemps qu’évidemment, les Inuit savent ce qui est nécessaire pour protéger leur façon de vivre.
Ce sont les expert.e.s. Notre mission est d’aider à assurer des ressources aux communautés afin qu’elles continuent leurs projets de conservation et de donner plus de visibilité à leurs efforts extraordinaires.
Des voyages comme celui-ci sont importants pour former des relations et s’assurer que nous allons dans la bonne direction, mais aussi pour motiver notre équipe à travailler encore plus fort pour ces communautés. Espérons que nous pourrons retourner bientôt dans la région de Kitikmeot – nous avons reçu une invitation à sortir pêcher l’omble arctique cet été à Taloyoak et nous aimerions l’accepter.