Des APCA au service de la protection et de la réconciliation

Si vous lisez régulièrement les Carnets de terrain, vous avez déjà une bonne connaissance des aires protégées, ces régions géographiques de terre ou d’eau où les activités humaines sont restreintes dans le but de sauvegarder l’habitat. Cet outil de conservation offre la promesse de freiner la perte de biodiversité et, dans certaines régions, de contribuer à la lutte aux dérèglements climatiques en veillant à ce que le carbone stocké dans la nature ne soit pas perturbé et que le carbone dans l’atmosphère continue d’être absorbé.

Bien entendu, la compréhension des éléments qui contribuent à la création d’une aire protégée juste et efficace a évolué au fil du temps. Plusieurs de ces terres et milieux aquatiques sont gérés par des communautés autochtones depuis des milliers d’années. Les aires protégées modernes au Canada doivent être construites selon une approche fondée sur les droits, qui tient compte des savoirs, des structures de gouvernance et des priorités des peuples autochtones.

Delta de la rivière Saskatchewan © Prairie Rising, CPAWS-SK

Parfois appelées aires protégées et de conservation autochtones (APCA), ces régions sont définies et gérées par les communautés autochtones en fonction des lois et des systèmes de savoirs autochtones. Elles contribuent à freiner et à inverser la perte de la biodiversité tout en offrant un large éventail d’avantages pour la communauté. Les aires où la quantité de carbone stocké est importante peuvent également aider le Canada dans ses efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les APCA seront particulièrement importantes dans la foulée de la COP15, le prochain sommet des Nations unies sur la biodiversité qui se tiendra à Montréal, où les gouvernements du monde entier négocieront un nouveau plan ambitieux de protection de la nature qui devra être cohérent avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Historiquement, la création d’aires protégées a parfois couté cher aux nations autochtones, les restrictions d’accès et d’activités sur leurs territoires traditionnels entrainant des préjudices culturels et économiques. D’autre part, les recherches ont montré que la biodiversité sur les terres gérées par les Autochtones est plus grande que dans d’autres aires protégées au Canada.

Ainsi, l’inclusion et le soutien des communautés autochtones dans la création d’APCA – lorsqu’elles indiquent qu’il s’agit d’une priorité – constituent un moyen équitable, efficace et axé sur les droits de contribuer à l’atteinte des objectifs de protection ambitieux que nous attendons de la COP15.

Arial photo of a wide river surrounded by boreal forest
Le bassin versant de la rivière Seal © Jordan Melograna

De plus en plus de projets de création d’APCA sont en cours. La Nation des Cris de Cumberland House a déclaré en juin 2021 la protection officielle du Kitaskīnaw (delta de la rivière Saskatchewan) en vertu du droit autochtone, et Thaidene Nëné – « terre des ancêtres » en Dënesųłiné Yati – est une APCA de plus de 26 000 km2 dans les Territoires du Nord-Ouest, où se côtoient la forêt boréale et la toundra.

D’autres travaillent à la création de nouvelles APCA. Dans les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James, dans le nord de l’Ontario, la Première Nation Moose Cree demande une APCA le long de la rivière des Français, tandis que la Première Nation des Déné.e.s de Sayisi souhaite obtenir une APCA pour le bassin versant de la rivière Seal dans le nord du Manitoba, un des derniers lieux intacts au monde. De son côté, la communauté de Taloyoak, au Nunavut, progresse vers la création de l’APCA d’Aqviqtuuq pour protéger ses terres et milieux aquatiques traditionnels.

Le WWF-Canada reconnait qu’aucune aire ne devrait être désignée pour la protection de l’habitat des espèces et de la biodiversité, la lutte contre les dérèglements climatiques et l’accès à la beauté naturelle et aux loisirs sans l’accord total des nations et communautés autochtones détenant des droits sur ces terres et ces eaux, ni sans l’obtention de ressources pour y parvenir.

Nous continuerons de porter ce message, avec respect et en collaboration avec nos collègues et partenaires autochtones, tout au long de nos évènements et contributions aux négociations de la COP15, ainsi que dans la mise en œuvre qui suivra.

Cet article a d’abord été publié dans notre infolettre Carnets de terrain. Cliquez ici pour vous abonner!