Réunion de famille : la restauration d’habitat a ramené le saumon en territoire Katzie

« Ça fait partie de notre histoire, quand on remonte aux temps de la création : une personne Katzie et une personne saumon se sont mariées et sont parties ensemble dans l’océan. Mais chaque année, le couple revient à la maison Katzie, et donc nous nous référons au saumon – pas juste le rouge, mais toutes les espèces – comme de la famille. Ce sont des Katzies. »

Red sockeye salmon swimming in a crystal clear creekSaumon rouge frayant dans le ruisseau Corbold, un affluent de la rivière Upper Pitt, dans le centre sud de la Colombie-Britannique © Joshua Ostroff / WWF-Canada

Rick Bailey, un membre du conseil de bande de la Première Nation Katzie, dont le portefeuille inclut les poissons et autres espèces, se tient sur un quai de bois au bord des eaux turquoise du lac Pitt. Entouré par les imposantes montagnes de la chaîne Côtière, c’est un des plus grands lacs de marée au monde, à juste 50 km au nord du centre-ville de Vancouver. Des pictogrammes ocre rouges dessinés par les ancêtres des Katzies peuvent encore être observés sur la falaise ouest du lac et des évaluations récentes menées en amont de la rivière ont révélé plus de sites archéologiques, dont 50 anciennes maisons semi-souterraines.

« Certaines fois, ça m’a même ému aux larmes, dit-il avec tristesse, c’est pourquoi c’est si prioritaire pour nous, de restaurer tous les ruisseaux de frai de l’Upper Pitt – afin que notre famille saumon ait un bel endroit où revenir, et que les remontées se reforment et nourrissent le peuple Katzie.

Un homme de la Première Nation Katzie debout près d’un lac dans le soleil couchant, avec des montagnes en arrière-plan
Rick Bailey, un membre du conseil de bande de la Première Nation Katzie sur le bord du lac Pitt dans le centre sud de la Colombie-Britannique © Joshua Ostroff / WWF-Canada

De l’autre côté du lac, la rivière Upper Pitt se déverse. Elle constitue une aire de frai vitale qui accueille, fait rare, cinq espèces de saumon. La rivière Lower Pitt part de la rive sud du lac et alimente le puissant fleuve Fraser qui va jusqu’à l’océan Pacifique. Malheureusement, les populations de saumons qui empruntent cette route sont en voie de disparition.

« On avait l’habitude de pêcher trois jours par semaine, 52 semaines par an, mais maintenant, on ne peut pêcher que trois ou quatre semaines en aout, parce que le saumon ne revient juste plus, dit le conseiller Bailey. Il y a des ainé.e.s qui appellent et qui veulent aller pêcher le saumon rouge de la rivière Pitt, mais l’an dernier, j’ai pris la décision que ce n’était pas possible parce que leur nombre était trop bas. Et nous ne pouvons pas mettre le doigt sur une cause unique. »

Le saumon sauvage du Pacifique est confronté à une variété de menaces allant des pressions industrielles comme la surpêche, la pollution et la déforestation, jusqu’aux impacts des dérèglements climatiques comme l’océan qui se réchauffe, les dômes de chaleur et les rivières atmosphériques. Il en résulte des bassins versants beaucoup trop chauds et des inondations et des glissements de terrain généralisés, particulièrement dans les régions intensivement exploitées par l’industrie forestière. Ces effets dégradent, fragmentent et détruisent les habitats de frai et d’alevinage.

Le saumon est une espèce clé qui soutient d’autres populations d’espèces, depuis les ours jusqu’aux épaulards; son déclin entraine donc des répercussions dans tout l’écosystème.

 A pair of red sockeye salmon swimming upstream to spawn
Des saumons rouges frayant déjà dans le canal Sθqəy tout récemment ouvert. © Joshua Ostroff / WWF-Canada

Nés sur les frayères rocailleuses des ruisseaux, les alevins se nourrissent jusqu’à atteindre une grosseur suffisante pour nager jusqu’à l’océan, pour éventuellement retourner en amont des rivières à leur lieu de naissance pour se reproduire et mourir. Ce cycle de quatre ans entraine des sommets et des creux naturels dans les populations et 2022 devrait être une année dominante pour le saumon rouge.

On prévoyait que 9,8 millions d’individus feraient la remontée du fleuve Fraser, avant que cette estimation ne soit dramatiquement revue à la baisse à 5,5 millions après le début de la saison (bien que ce soit moins bouleversant qu’en 2020, quand seulement 288 000 saumons rouges sont revenus, brisant le creux record de l’année précédente qui était de 493 000).

Le projet de restauration de l’Upper Pitt

Ces déclins inquiétants sont la raison pour laquelle la restauration de l’habitat est si importante, et que le WWF-Canada finance le projet à longue échéance mené par les Katzies visant à faire revenir le saumon dans tout le bassin versant de l’Upper Pitt.

« On a reçu un appel d’un ami qui vit là-haut et qui disait qu’il y avait eu un glissement de terrain dans le ruisseau Creek, un ruisseau frayère pour le saumon quinnat », dit Rick Bailey pour expliquer les origines du projet de restauration de l’Upper Pitt en 2018. Un ponceau forestier écroulé avait déclenché le glissement de terrain qui avait rempli une grande partie du ruisseau avec des débris rocheux et des sédiments.

Le conseiller Bailey a contacté Ian Hamilton, un biologiste de l’Alliance des pêches du cours inférieur du Fraser (Lower Fraser Fisheries Alliance – LFFA) qui nous a ensuite contacté.e.s pour de l’aide.

Le succès retentissant de ce travail de terrain initial, en 2019, s’est depuis transformé en plan sur dix ans mené par le chef et le conseil avec du financement additionnel et de l’expertise du ministère des Pêches et des Océans du Canada, de la Healthy Watersheds Initiative, de la Pacific Salmon Foundation, de la Makeway Foundation, de la W.C. Kitchen Foundation et d’autres encore.

A new, turquoise waterway in a forest that was created to expand salmon spawning habitat
Le canal Sθqəy, nouvellement créé, dans le bassin versant de la rivière Upper Pitt.  © Joshua Ostroff / WWF-Canada

Les deux dernières saisons de terrain, nous nous sommes concentré.e.s sur la restauration d’habitat dans la rivière Upper Pitt en prévision du sommet de remontée du saumon rouge de 2022 – ou plus spécifiquement, nous avons créé de nouveaux habitats.

« En mars 2021, il n’y avait que de la forêt ici, explique Ian Hamilton, en pointant le canal Sθqəy, un cours d’eau turquoise picotée du rouge des saumons nageant doucement à contrecourant.

« Tout ce que vous voyez ici a été bâti et installé depuis la fin de l’hiver dernier, jusqu’au résultat qu’on voit aujourd’hui. Rien de cela n’existait. »

Tout en haut de ce nouveau canal se trouve le ruisseau Corbold, une frayère naturelle restaurée en 2020 pour augmenter son débit alimenté par un glacier. Puis, une équipe de deux personnes a utilisé de la machinerie lourde pour creuser un canal de 700 mètres de long jusqu’à la nappe phréatique, en enlevant la vase et les débris et en recyclant les troncs pour créer des abris contre les prédateurs.

Les membres de la Nation Katzie et le personnel de LFFA ont planté des arbres et des arbustes indigènes pour garder la température de l’eau basse.

Un biologiste portant des lunettes fumées est sur un pont. Il pointe un ruisseau où de nombreux saumons fraient.
Le biologiste Ian Hamilton de la LFFA montrant fièrement certains « des plus gros saumons rouges de tout le bassin versant du fleuve Fraser ». © Julia Kidder / WWF-Canada

Au mois d’aout, l’équipe a raccordé le ruisseau pour inonder le nouveau canal. Dès le début de septembre, nous pouvions déjà voir des saumons rouges l’utiliser. Quand l’hiver approchera, ce sera le tour des saumons coho de remplir le canal.

« Un des facteurs limitants ici, c’est qu’il n’y a pas assez d’habitats pour le poisson, parce que chaque fois qu’on aménage quelque chose, il y a du poisson qui y va, dit Ian Hamilton. Donc, c’est l’univers des possibles, si vous aménagez, ils viendront. Ici en amont, faites juste ajouter de l’eau. »

Le prochain site majeur du projet est Red Slought, un cours d’eau intertidal coupé de la rivière Pitt par des routes forestières. Sa restauration en habitat adéquat pour le saumon par la réintroduction de son débit historique augmentera la biodiversité en plus de soutenir la séquestration accrue du carbone pour aider à lutter contre la crise climatique.

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Le conseiller Katzie Rick Bailey discute avec Liz Hendriks, v.-p., Restauration et régénération du WWF-Canada © Joshua Ostroff / WWF-Canada

« Nous n’avons pris que ce dont nous avions besoin, tout au long de l’histoire, et il y en a toujours eu assez. Mais nous ne sommes plus les seul.e.s ici, dit le conseiller. Quand je dis « notre poisson », je veux dire le mien et le vôtre parce que vous êtes ici, et vous n’êtes pas près de partir. Nous sommes ici et nous ne partirons pas. Et nous voulons tou.te.s du poisson.

« Nous avons 10 ans de travaux planifiés, ajoute-t-il. Mais je pense que c’est pour toujours. Il y aura toujours quelqu’un en en haut du bassin versant pour s’assurer que tout coule. C’est la façon dont nous en avons pris soin depuis des temps immémoriaux – mais c’est un monde différent aujourd’hui et nous devons travailler ensemble pour l’utiliser durablement. »