Qu’est-ce que le carbone bleu? Comment le stockage sous-marin du carbone contribue à la lutte contre les dérèglements climatiques

Dans un pays célèbre pour la beauté de sa nature, les nombreuses écorégions du Canada – de la forêt à la toundra, en passant par les tourbières et les prairies – forment un large réservoir de carbone qui absorbe et emmagasine 327 milliards de tonnes de carbone. Mais en plus d’être le second plus grand pays au monde, le Canada possède aussi le plus long littoral, celui-ci s’étirant sur plus 200 000 km.

Ces régions côtières contiennent ce qu’on connait sous le nom de « carbone bleu », soit du carbone stocké dans les plantes, les algues et les sédiments des écosystèmes côtiers.

Varech et zostères dans les eaux peu profondes à Browning Pass, Colombie-Britannique © Eiko Jones

Le carbone bleu n’est pas aussi bien compris que la variété terrestre, même par les expert.e.s, mais certains de ces écosystèmes sous-marins peuvent absorber plus de carbone que les forêts tropicales. Nous savons également que leur fonction écologique est menacée par la pollution marine, l’extraction de ressources et le développement côtier.

Pour protéger les habitats de carbone bleu, nous devons savoir où ils se situent et comment ils fonctionnent. Voici un aperçu de trois écosystèmes de carbone bleu :

 

Marais salé dans la vallée du Wolastoq/fleuve Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick
Marais salé dans la vallée du Wolastoq/fleuve Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick © Terry Kelly / WWF-Canada

Marais salés : Le poète Harry Thurston a décrit les marais salés comme « un endroit entre les marées » et il savait de quoi il parlait. Sa Nouvelle-Écosse natale abonde de ces milieux humides côtiers où l’eau douce rencontre l’eau salée. Les marais salés accumulent le carbone « verticalement », puisqu’à mesure que les sédiments et la matière organique s’accumulent à leur base, leur niveau s’élève. Cela signifie qu’avec la hausse du niveau de la mer, les marais salés ayant un apport sain en sédiments seront capables de suivre. Si nous protégeons et prenons soin des marais salés de façon responsable, le carbone qu’ils contiennent y restera pour des millénaires.

Les marais salés protègent aussi les côtes des ondes de tempête et de la montée des eaux – une préoccupation croissante alors que la crise climatique s’accentue – et des oiseaux et d’autres animaux en péril y vivent. En Colombie-Britannique, les marais salés représentent seulement 3 % du littoral, mais ils abritent 80 % des espèces côtières, depuis les mammifères jusqu’aux insectes et aux poissons.

Sourcil de roche parmi les zostères et le varech © Eiko Jones

 

Herbiers de zostère : Ces prairies sous-marines sont l’un des réservoirs de carbone les plus efficaces sur la planète. S’ils n’occupent qu’environ 0,1 % de la superficie totale de l’océan, on estime que ces herbiers sont responsables de jusqu’à 11 % du stockage de carbone marin.

Bien qu’elles vivent sous l’eau, les zostères sont en fait une sorte de plante florale et on peut les retrouver sur les littoraux pacifique, atlantique et arctique. Les herbiers de zostère jouent le rôle de pouponnière de poissons et servent d’abri aux petits mammifères, aux crustacés et aux oiseaux de mer.

 

 

Forêt d’algues brunes dans le courant
Forêt de varech dans le courant près de Telegraph Cove, C.-B. © Eiko Jones

Forêts de varech : Le varech croit à une vitesse incroyable – jusqu’à 60 cm par jour! – et jusqu’à des tailles énormes, ce qui permet aux majestueuses forêts de varech sous-marines de séquestrer des quantités phénoménales de carbone. Le varech étant présent sur les fonds marins rocheux, le carbone qu’il absorbe peut finir par se retrouver dans les sédiments autour ou être transporté et emmagasiné dans les profondeurs de la mer. Tout comme les marais salés et les herbiers de zostère, les forêts de varech abritent aussi une grande variété d’espèces.

Chacun de ces écosystèmes de carbone bleu est confronté à de sérieux défis. En Colombie-Britannique, par exemple, les herbiers de zostère ont décliné de près de 50 % par endroit depuis les années 1930 à cause du développement côtier. Les marais salés sont souvent drainés pour créer des terres agricoles, et ils peuvent également être détruits par le développement côtier. Les forêts de varech sont quant à elles vulnérables à la pollution, aux températures extrêmes et aux eaux qui se réchauffent.

Alors que nous apprenons à quel point le carbone bleu est crucial dans la lutte aux dérèglements du climat, il est de plus en plus important de cartographier et de mesurer le carbone et la biodiversité dans les marais salés, les herbiers de zostère et les forêts de varech afin de pouvoir prioriser les actions de conservation du littoral. Les scientifiques y arrivent en analysant les images satellites, en utilisant des drones et en menant des relevés de terrain à pied, en bateau et même en plongée.

Puisque nous sommes les champion.ne.s mondiaux.ales du littoral, nous avons une responsabilité nationale et internationale d’assurer l’intendance et la protection de ces écosystèmes.

Dans le cadre du plan Régénérer le Canada du WWF-Canada, nous préconisons la défense et la promotion de protections fondées sur une politique, l’investissement dans la recherche stratégique et le soutien à la restauration d’habitats de carbone bleu. Nous rassemblons aussi les scientifiques, les politicien.ne.s, les détenteur.rice.s du savoir autochtone et les organisations communautaires pour bâtir un réseau national du carbone bleu, démarrer la collaboration et accélérer la conservation.