Quelque chose d’effrayant se cache dans l’océan

Beaucoup d’entre nous connaissent le plaisir de la pêche au lancer, sur un quai par une chaude soirée d’été. D’autres apprécient le poisson dans le cadre d’un repas nutritif et délicieux. Et pour certain.e.s Canadien.ne.s, la pêche représente une partie importante de leur revenu.

C’est pourquoi il est alarmant de voir des images de tortues de mer, de poissons, d’oiseaux marins, de requins et même de baleines nageant dans une mer de déchets ou empêtrés dans des filets de pêche destinés à d’autres espèces.

Mais il y a un autre type de pollution qui nuit insidieusement à ces mêmes espèces tout en détruisant leur habitat et en présentant un risque pour les pêcheur.se.s et les plaisancier.ère.s. Le coupable : les engins de pêche fantômes.

Mais en quoi consistent ces engins fantômes? Il s’agit d’engins de pêche abandonnés, perdus ou mis au rebut qui hantent nos océans bien après avoir été utilisés. Ils sont souvent abandonnés à cause du mauvais temps ou d’un déplacement causé accidentellement par d’autres bateaux ou pêcheur.se.s. Dans le nord-ouest de l’océan Atlantique, on estime que les pêcheur.se.s de homards perdent jusqu’à 2 % de leurs casiers chaque année. Dans l’océan Pacifique, les engins fantômes représentent 46 % du « continent de plastique ».

Beaucoup d’engins de pêche sont en plastique qui se décompose très lentement. Les engins peuvent donc piéger les espèces marines pendant des années, voire des décennies. Et lorsque les engins fantômes finissent par se décomposer, ils libèrent des microplastiques qui peuvent être ingérés par la faune marine.

S’il est facile de dire « récupérons les engins fantômes et gardons-les hors de l’eau », le faire, c’est un peu plus compliqué. Cela implique une technologie de pointe pour les trouver, une collaboration avec les pêcheur.se.s pour les récupérer, des entreprises pour les recycler, les réutiliser ou les éliminer, et une amélioration de la politique régionale et des pratiques de gestion. Pourquoi? Parce que la réglementation actuelle rend difficile l’utilisation des engins modifiés/à faible impact à bord des navires. Il existe également des normes strictes sur la manière de récupérer les engins abandonnés. Pour résoudre le problème des engins fantômes, il faut faire appel à des connaissances écologiques, halieutiques et autochtones. Il faut également faire le travail tout en respectant les territoires autochtones traditionnels.

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Morue dorée de la baie Gilbert © George Morris, NCC Senior Guardian

La bonne nouvelle? Le gouvernement fédéral a récemment alloué 8,3 millions de dollars pour financer 26 projets de lutte contre les engins fantômes au cours des deux prochaines années. En outre, un groupe composé d’organisations autochtones, d’ONG environnementales, d’associations de pêcheur.se.s, d’universitaires et de consultant.e.s du secteur a récemment formé la Coalition des engins de pêche du Canada atlantique (Fishing Gear Coalition of Atlantic Canada – FGCAC). Par l’intermédiaire de la FGCAC, le WWF-Canada a ensuite financé un rapport sur l’ampleur du phénomène des engins fantômes dans les Maritimes, ainsi que sur les manières d’y remédier.

Dans le sud du Labrador, nous travaillons également avec le Conseil de la communauté NunatuKavut pour trouver et récupérer des engins fantômes dans la zone de protection marine (ZPM) de la baie Gilbert et ses environs. On y remarque la baisse de la population d’une espèce particulière de morue de l’Atlantique appelée morue dorée – et cela malgré les protections. En collaboration avec le Marine Institute (Memorial University de Terre-Neuve) et Pêches et Océans Canada, nous réunissons les savoirs scientifiques et autochtones, ainsi que les technologies de pêche. L’objectif est la mise en place de journées consacrées à la collecte d’engins en fin de vie utile, de systèmes de recyclage et d’élimination à faible impact pour les cordes et les pièges, et enfin d’un programme de responsabilité élargie des producteur.rice.s.

Ce ne sera pas une tâche facile, mais ces projets rendront l’océan un peu moins effrayant pour les espèces qui y vivent et les personnes qui en dépendent.