Nous *sommes* la nature : le monde s’est rassemblé au terme de la COP15

Le marteau est tombé soudainement à 3 h 33.

Dans une immense salle du 5e étage du Palais des congrès de Montréal, le 19 décembre, dernier jour des négociations, plus d’un millier de délégué.e.s épuisé.e.s de près de 200 pays qui assistaient au sommet des Nations unies sur la biodiversité (COP15) se sont exclamé.e.s de joie, ont applaudi et se sont serré.e.s dans les bras.

Le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal – un plan ambitieux pour protéger et restaurer un tiers de la planète avant 2030 – venait d’être entériné.

COP president from China on big screen above a room full of UN delegates
Session plénière de clôture de la COP15 avec le président chinois de la COP, Huang Runqiu, officialisant l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité d’un coup de marteau à 3 h 33 le lundi 19 décembre © Joshua Ostroff

« Il n’y a pas de formule magique qui nous permettrait d’être tou.te.s complètement heureux.ses, a affirmé en anglais l’interprète de Huang Runqiu, président de la COP15, à la foule. Mais après quatre années de travail, nous avons finalement atteint la destination. Nous avons dans nos mains un accord qui, je pense, peut tou.te.s nous mener à travailler ensemble afin de freiner et de renverser la perte de nature, et de mettre la biodiversité sur la voie du rétablissement pour tous les peuples du monde. »

« Nous avons fait un grand pas en avant pour l’Histoire, » a ajouté le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, représentant le pays devenu hôte après la relocalisation du sommet à la suite du retard de deux ans causé par la pandémie.

Les négociations ont frôlé l’effondrement au cours de leur dernière semaine, et le sommet menaçait de s’étendre durant une troisième semaine.

Une multitude d’activités lors du dernier jour a soudainement semblé rendre un accord imminent, mais la séance de clôture annoncée pour 18 h, puis 19 h 30, a ensuite été repoussée d’heure en heure jusqu’à ce que les organisateur.rice.s des Nations unies se murent dans le silence alors que les négociations finales s’étiraient et que les heures s’écoulaient.

People posing in front of rainbow COP15 sign
Des délégué.e.s se reposent près de la tour nature positive de style Jenga du WWF, en attendant l’ébauche finale du CMB. © Joshua Ostroff

Un air d’anniversaire a retenti dans la salle plénière à minuit. Et vers 1 h, des personnes ont commencé à dormir dans des coins, des hamacs et sur des bancs près de la tour Jenga du WWF.

Quelques étages plus bas, à 2 h passées, un groupe essayait de rester éveillé en dansant la macarena dans le pavillon du Québec. (Oui, oui!)

Peu après, une nouvelle ébauche de l’entente sur la nature est tombée, poussant des centaines de personnes à se rassembler par groupe avec leur ordinateur pour examiner les changements apportés ici et là, à divers annexes et sous-paragraphes. Le principal obstacle, durant tout le segment des négociations au plus haut niveau, a été la dispute autour de la mobilisation des ressources pour les pays en développement, dont certains ont avancé que les nations développées ne contribuaient pas adéquatement au financement.

Finalement, peu après 3 h, la foule s’est tue quand les porte-paroles sont apparu.e.s sur l’estrade. En dépit du progrès d’approximativement doubler le financement actuel, la République démocratique du Congo (RDC) a encore souligné son mécontentement dans les derniers instants, menaçant de briser le consensus.

Toutefois, l’entente historique a été ratifiée. L’engagement de freiner et de renverser la perte de nature d’ici 2030 était absolument essentiel, de même que l’engagement d’arrêter la disparition d’espèces. La promesse 30 x 30, soit de protéger 30 % des zones terrestres et aquatiques, s’est aussi maintenue, malgré quelques échanges sur l’inclusion des eaux intérieures et des eaux côtières dans l’entente finale. Et si l’inclusion de la cible de restauration de 30 % ne faisait pas partie des points phares comme la cible de protection, elle est cruciale aux zones qui ont fait l’objet de développement et de dégradation.

Maintenant, l’entente peut commencer à être améliorée. Les préoccupations de la RDC et d’autres nations en développement sont valides et combler l’écart financier reste vital à la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB).

Projection du WWF sur le Palais de justice de Montréal, dans le cadre de la COP15 © Holly Chapman

Des paliers de financement seront aussi importants pour les peuples autochtones (voir ici), étant donné que 80 % de la biodiversité mondiale se trouve dans leurs territoires. Des propositions mises de l’avant par les groupes autochtones ont été acceptées dans le texte final, ce qu’a célébré le Forum international des Autochtones sur la biodiversité (FIAB) pour son « énoncé ferme sur le respect des droits des peuples autochtones et des communautés locales, » notamment l’utilisation coutumière durable, la planification de l’aménagement, la conservation régionale, le consentement libre préalable et éclairé et le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

« Les résultats de la COP15 à Montréal ne sont pas qu’un engagement fort pour freiner et renverser la perte de nature d’ici 2030. C’est aussi la reconnaissance des droits, des titres, du savoir et de l’intendance des peuples autochtones, » a souligné Megan Leslie, p-d. g. du WWF-Canada, après que l’entente ait finalement vu le jour.

« Maintenant, ce texte ambitieux doit se transformer en actions urgentes; le dur travail de mise en œuvre commence. »