« Nous avons vécu de nos ressources durant des millénaires. » – Paul Okalik, spécialiste principal pour l’Arctique du WWF-Canada

Durant le sommet de la COP15 sur la biodiversité, notre spécialiste principal pour l’Arctique, Paul Okalik, a animé un panel sur la conservation marine où les invité.e.s provenaient de l’Alaska et du Nunavut. Avant de retourner chez lui à Iqaluit, Paul nous a parlé des enjeux les plus pressants dans sa région.

Inuit man standing behind a podium with a WWF panda logo on it
Paul Okalik lors d’une allocution donnée lors d’un déjeuner du WWF-Canada à Montréal © Justin Kielly

Tout d’abord, pourquoi ce type d’évènement compte pour vous?

C’est très important d’éduquer le reste de la population à ce à quoi nous sommes confronté.e.s, et à ce que nous aimerions  pour notre avenir, parce que nous n’allons pas quitter le Nord. Nous voulons tirer parti du meilleur de notre monde et des défis qui se présentent à nous, donc nous devons trouver une manière de les résoudre. Nous comptons, et notre avenir a besoin de soutien.

Qu’est-ce que les gens du Sud ont besoin de savoir?

Nos circonstances sont plutôt différentes de celles du Sud. Juste mettre de la nourriture sur la table est un défi, et les impacts que nous sentons sont beaucoup plus directs que ce que vous voyez par ici, où vous pouvez surmonter certains défis à l’aide d’infrastructures.

Où nous vivons, c’est très isolé et tout aliment nutritif que nous pouvons obtenir consiste en ce que nous pouvons trouver sur place – et s’il n’y en a plus, alors nos choix sont très limités. Il faut expliquer à un plus grand public que nous devons trouver une façon de protéger notre source de nourriture et de nous permettre de croitre et de soutenir nos économies.

Baffinland blockade solidarity protest in Taloyoak, NU in February 2021
Manifestation à Taloyoak, Nunavut, en solidarité au blocage de Baffinland, février 2021 © Spence Bay HTA

Beaucoup de gens pensent que les mines stimulent l’économie.

Il y a des bénéfices, bien sûr – des emplois temporaires qui vont et viennent, des habilités transférables en électricité et en mécanique qui peuvent être utiles à long terme à la communauté élargie.

Mais en même temps, le reste des emplois disparaitra avec le minerai. Une fois le filon épuisé, la communauté restera avec les répercussions des activités et les dommages qui ont été causés.

Si l’habitat des caribous est détruit, comment vont s’alimenter les animaux? Comment vont-ils grandir? Il s’agit de quelque chose qui doit être protégé pour notre propre avenir et pour celui du caribou. Nous devons continuer de souligner que si des gens exploitent des mines, cela devrait être dans les zones qui auront le moins d’impact pour nos propres communautés.

Je crois que les gens ne réalisent pas toute l’importance de la nourriture du terroir lorsque vous vivez au-delà de la limite des arbres. 

Nous avons vécu de nos ressources durant des millénaires. Cela nous a nourri.e.s et cela nous a guéri.e.s, parce que la nourriture la plus fraiche est la plus nutritive, où que vous vous trouviez. L’Arctique possède heureusement des espèces variées. Au début de l’automne, nous comptons sur l’omble chevalier, puis sur le phoque et un peu de caribou si nous en trouvons. Mais pendant les mois d’été, c’est notre muktuk ou gras de baleine. Notre nourriture est très saisonnière, nous devons donc protéger chaque espèce afin de nous assurer qu’elle nous soutienne et créer ce cycle de vie autour de l’Arctique.

Caribou herd in winter
Caribou de la toundra © Françoise Gervais / WWF-Canada

Il y a un engagement de protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030 – comment nous assurer que les bons endroits fassent partie de ce pourcentage?

C’est pour cela que je me garde loin des chiffres. Ce sont les aires qui sont les plus importantes. Nous devons les placer où elles seront les plus significatives pour les animaux et les Inuit qui dépendent de ces espèces.

Ce qui doit changer – et c’est en train d’arriver tranquillement – c’est qu’on doit donner à la population autochtone l’espace pour créer ces précieux endroits afin qu’ils soient protégés pour les prochaines générations.

Combien de temps prennent des négociations comme la COP15 avant de percoler jusqu’aux communautés?

Espérons que ce sera plus rapide que l’approbation de projets miniers. Ce serait bien de voir ce changement et que les projets menés par des Autochtones soient approuvés rapidement. Ainsi, des régions seraient davantage protégées pour leur valeur pour la population autochtone que pour leur valeur monétaire auprès d’une compagnie externe quelconque. C’est un mode de pensée qui doit changer pour nous assurer que les projets menés par des Autochtones sont placés sur un pied d’égalité.

Avez-vous bon espoir?

J’espère que la communauté internationale va continuer de progresser. Mais à la lumière de ce que nous traversons aujourd’hui, c’est un défi – pour nous tou.te.s – et nous devons trouver comment avancer et nous en occuper en tant que personnes dans ce monde.