Les épaulards observés en Arctique mettent le cap sur le sud

Bon, eh bien nous ne pouvons plus compter que sur un dispositif de poursuite pour suivre notre groupe d’épaulards dans le nord-est de l’Arctique canadien. Les scientifiques pensent que les 14 à 20 individus du groupe sont toujours ensemble, et ces derniers jours, nous avons assisté à un intéressant – et plutôt  étonnant – changement de cap. Le groupe a opéré un virage en direction nord.

 Trajectoire des orques_sept-17Parcours relevé par le dispositif de suivi, 17 septembre 2013

J’ai parcouru ces régions en bateau, et je sais que le bord du plateau continental, ainsi que certaines zones où le fond marin est relativement accidenté ou carrément pentu, offrent souvent des conditions très favorables à une productivité marine accrue – les nutriments circulent en abondance, ce qui entraîne d’assez fortes concentrations de phytoplancton, puis de zooplancton, suivi des poissons, oiseaux, phoques, et enfin des grands prédateurs comme l’épaulard.
Les épaulards que nous suivons ont opéré leur virage autour de l’île Coburg, qui fait partie d’une réserve nationale de faune où viennent s’accoupler une multitude d’oiseaux marins – guillemot de Brünnich, mouette tridactyle, goéland à ailes grises, fulmar boréal et guillemot à miroir. Après la débâcle du printemps, ces oiseaux trouvent là, dans un rayon d’à peu près 100 km, une source riche de nourriture. La région attire également en grand nombre plusieurs espèces de poissons et phoques de  l’Arctique. Je suppose que les épaulards ont trouvé à se nourrir ici, puis qu’ils ont mis le cap sur le sud lorsque l’hiver a commencé à se faire sentir. Il n’est pas rare qu’il gèle la nuit à ce temps-ci de l’année; n’oublions pas que nous sommes à 77o de latitude nord.

Orque (Orcinus orca); Kamchatka, Sibérie, RussieÉpaulard (Orcinus orca); Kamchatka, Sibérie, Russie (c) Kevin Schafer/ WWF-Canon

La région que parcourt le groupe d’épaulards en ce moment est couramment appelée la polynie North Water, et constitue l’une des plus grandes zones circumpolaires d’eaux libres en permanence. Comme cet endroit est l’un des plus vastes territoires marins en Arctique où l’eau ne gèle pas – ou alors très superficiellement – sa fréquentation est très dense l’année durant. On y trouve des colonies hivernantes de baleines, phoques et certains oiseaux marins, et les conditions y sont favorables aux ours polaires.
Il semble que l’épaulard muni du dispositif de poursuite ait mis le cap sur le sud avec son groupe, en direction de mers plus chaudes et plus fréquentées. Nous continuerons de suivre les pérégrinations du groupe aussi longtemps que le dispositif tiendra, et nous verrons bien jusqu’où ils auront tous. Restez en ligne pour la suite!