Les aires protégées du Canada n’arrivent pas à préserver les espèces et à ralentir le dérèglement climatique

Préserver les espèces, c’est d’abord protéger leurs habitats. Mais notre nouvelle évaluation sur la protection du territoire pour les espèces révèle que le Canada ne protège pas les aires les plus essentielles aux espèces en péril.

Dans un contexte national de déclin des espèces, notre nouvelle étude pancanadienne identifie les lacunes historiques dans le domaine critique de la protection des habitats, qu’on parle des populations décimées de caribous du Nord et de Terre-Neuve-et-Labrador, des chauves-souris en péril et des couleuvres de la Colombie-Britannique, des renards véloces des Prairies, des tortues en péril de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ou des pluviers siffleurs de l’Île-du-Prince-Édouard. Plus encore, notre analyse met en lumière les opportunités de mieux protéger les aires qui sont bénéfiques aux espèces et qui absorbent aussi le carbone, ralentissant le dérèglement climatique.

Caribous de la toundra © Alexandre Paiement

Nous avons découvert que :

  • 84 % des habitats à forte concentration d’espèces en péril (au moins 10) ne sont pas suffisamment protégés, ou pas protégés du tout.
  • 77 % des habitats à densité élevée de carbone dans le sol ne sont pas suffisamment protégés, ou pas protégés du tout.
  • 74 % des habitats à densité élevée de biomasse forestière ne sont pas suffisamment protégés, ou pas protégés du tout.

Le rétrécissement et la fragmentation importantes des habitats est une double épreuve pour les espèces, puisque les milieux naturels (comme les forêts, les tourbières et les sols) fournissent à la fois un habitat et un service écosystémique essentiel : ils stockent le carbone et, lorsqu’ils sont protégés, aident à maintenir l’équilibre climatique.

Vue aérienne de la taïga, delta du fleuve Mackenzie, Inuvik, Territoires du Nord-Ouest, Canada.

Cela nous offre des opportunités incroyables en vue de réduire le déclin des espèces et de limiter le dérèglement climatique, en même temps.

Vu l’ampleur du déclin des espèces au pays, et vu le fait que le climat canadien se réchauffe deux fois plus vite que le taux mondial, nous devons nous assurer que nos aires protégées puissent en faire davantage pour la nature et les communautés. En matière de protection, nous devons donner la priorité aux milieux dont les espèces ont besoin, ainsi qu’aux aires qui fourniront des solutions axées sur la nature pour nous aider à atteindre nos objectifs climatiques.

Une femelle Grizzly (Ursus arctos horribilis) et ses petits dans l’estuaire de Khutze, forêt pluviale du Grand Ours, Colombie-Britannique, Canada.

Même si nous reconnaissons l’importante valeur culturelle et sociale des aires protégées, notre étude se concentre sur l’évaluation du réseau canadien d’aires protégées en fonction des habitats et des changements climatiques. Nous avons pu identifier, sous cet angle précis, des régions nationales critiques pour les espèces qui sont à protéger en priorité, telles que mises en lumière par notre évaluation pancanadienne, ainsi que des régions critiques locales dévoilées par nos analyses provinciales et territoriales.

Alors que le Canada se rapproche des objectifs internationaux en matière de protection des aires terrestres et aquatiques, ne réclamons pas juste plus d’espace : protégeons les espèces et ralentissons le dérèglement climatique tout à la fois.  

Bref, redonnons aux aires protégées la place qui leur revient.