La dérèglementation hâtive de l’industrie minière menace les espèces et les humains

Vous avez probablement beaucoup entendu parler d’exploitation minière récemment. Le Canada est actuellement confronté à l’instabilité économique et géopolitique, et cette industrie se présente comme une solution possible. Pendant ce temps, les gouvernements provinciaux et fédéral de tous horizons promettent d’accélérer les projets en réduisant la bureaucratie. 

Cela peut se traduire en appels à la réduction ou à l’élimination de règlements comme les évaluations environnementales, la protection des espèces et la consultation et le consentement des Autochtones. Mais ces règlementations existent pour une raison : aider à minimiser les répercussions sur les communautés, les habitats et les espèces locales, et pour s’assurer que le public a une voix dans le processus.  

De la machinerie lourde dans une mine à ciel ouvert.
La mine à ciel ouvert Mary River dans le nord de l’ile de Baffin, au Nunavut. © The Cosmonaut, CC BY-SA 2.5 CA, via Wikimedia Common

La pression actuelle pour une dérèglementation, en commençant par la législation ontarienne et britannocolombienne, est grandement motivée par la hausse de la demande en « minéraux critiques » comme le cuivre, le cobalt, le graphite, le lithium et des éléments des terres rares qui sont essentiels dans une grande variété de produits de haute technologie.

Bien que ces minéraux peuvent être essentiels aux technologies modernes, il est aussi critique que leur processus d’extraction soit mené de manière responsable.  

Il est impératif que les efforts d’accélération ne se déroulent pas au prix de dommages à long terme à la nature et aux communautés, ou des droits autochtones. Cela signifie reconnaitre et s’occuper des répercussions sur l’air et l’eau, l’intégrité des écosystèmes, et la santé et le bienêtre des personnes et des espèces affectées.  

Les activités minières et les infrastructures reliées (comme les routes d’accès, les chemins de fer et les ports d’eau profonde) sont souvent situées en territoires traditionnels des peuples autochtones et parfois chevauchent des régions importantes pour la biodiversité. Une expansion précipitée a le potentiel de nuire aux communautés qui vivent à proximité et à la nature qui les entoure. 

Carte des minéraux critiques du Canada pour 2025
Carte des minéraux critiques du Canada pour 2025 © Gouvernement du Canada

Par exemple, les activités minières peuvent contaminer l’eau et réduire la qualité de l’air; perturber l’utilisation du territoire, les pratiques culturelles et les priorités, ainsi que la sécurité alimentaire des Autochtones; fragmenter, dégrader et déboiser des habitats; et par ailleurs accroitre la pression sur des espèces déjà en péril. C’est pourquoi un régime de règlementations fort qui détermine et répond à ces dommages est important.  

Le projet de Loi pour protéger l’Ontario en libérant son économie, par exemple, donnerait au Cabinet le pouvoir d’exempter les projets comme ceux de la région du « Cercle de feu » des lois provinciales et territoriales — y compris celles qui protègent l’environnement — tout en démantelant les lois qui protègent les espèces en danger. 

En Colombie-Britannique, la Loi sur les projets d’infrastructure (Projet de loi 15) (en anglais seulement) adoptée récemment donne aussi au Cabinet provincial des pouvoirs étendus de contourner le processus révisionnel environnemental actuel pour des projets jugés « importants pour la province ». 

Des Premières Nations, des leaders de municipalités, des groupes communautaires et des organisations environnementales ont exprimé leurs inquiétudes relatives à cette approche. Le WWF-Canada s’est fait entendre à propos des risques pour les espèces et la nature dans les changements proposés au projet de loi 5, notamment par une campagne de lettres à laquelle plus de 5 000 d’entre vous ont participé, et dans une déclaration aux médias qui a clairement établi que « ce n’est pas une réduction de la bureaucratie; c’est une dérèglementation environnementale sans responsabilisation au risque de la disparition d’espèces et de l’effondrement écologique ».  

Creusons les effets de l’exploitation minière

Le Canada abrite plus de 10 000 mines orphelines et abandonnées, dont plusieurs remontent à une époque aux règlementations plus faibles. Ces sites exigent souvent d’amples efforts de nettoyage qui sont habituellement financés par les contribuables. Un bon exemple est la mine Kam Kotia près de Timmins, Ontario, dont l’assainissement a couté aux contribuables ontariens plus de 75 millions $. Et ce n’est qu’une seule des 5 700 mines abandonnées dans la province.

Les mines en activité peuvent aussi poser de sérieux risques. En 2014, le barrage minier de la mine de cuivre et or de Mount Polley en Colombie-Britannique s’est effondré, libérant environ 25 milliards de litres de résidus contaminés à travers le nord du territoire secwépemc. Les conséquences sociales et environnementales à long terme sont toujours en cours de gestion, et une poursuite juridique par la Première Nation Xatśūll est devant les tribunaux pour empêcher une expansion future du barrage.  

Ore carrier ships in Arctic with land in distant background
Transporteurs de minerai de la compagnie Baffinland dans le détroit d’Éclipse © Erin Keenan / WWF-Canada

Les effets peuvent également se faire sentir en absence d’accidents. Des communautés inuites émettent leurs réserves depuis des années au sujet de la mine Mary River de la compagnie Baffinland au Nuvavut, en mentionnant qu’elle perturbe les espèces comme le narval, la baleine boréale, le béluga, le morse et l’ours polaire.

Une proposition d’expansion du projet impliquerait la construction d’un chemin de fer à travers l’habitat du caribou et l’augmentation du trafic maritime à travers des zones écologiquement importantes comme le détroit d’Hudson, une « autoroute » pour les baleines, et le bassin Foxe, une aire d’estivage pour les baleines boréales et les morses.  

L’importance de l’exploitation minière pour l’économie du Canada est largement reconnue. Nous devons toutefois aussi reconnaitre — et agir pour éliminer ou minimiser — les risques qu’elle représente pour la nature, les communautés et l’économie lorsque les règlementations qui gèrent ces risques sont éliminées.