La COP15 doit être un bond en avant pour la nature
Une fois par décennie, les signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se réunissent pour négocier les dix prochaines années de protection de la nature. La COP15, le sommet des Nations unies sur la biodiversité, se tiendra du 7 au 19 décembre à Montréal, après un report de deux ans.
Les objectifs fixés en 2010 à la COP sur la biodiversité à Aichi, au Japon, devaient être renégociés pour s’inscrire dans un cadre mondial pour la biodiversité à la conférence de Kunming, en Chine, en 2020. Cependant, après des reports répétés dus à la COVID-19, l’évènement a été relocalisé. La Chine assure la présidence et le Canada agit à titre d’hôte.
Pour en apprendre davantage, nous avons demandé à Mary MacDonald, vice-présidente principale de la conservation, de nous parler de ce sommet qu’elle qualifie d’« occasion unique pour s’attaquer à la crise accélérée de la perte de biodiversité ».
En quoi la COP15 se distingue-t-elle des précédentes COP sur la biodiversité?
En raison de la prise de conscience croissante des boucles de rétroaction entre les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité, il s’agit de la première CDB où il y aura une forte pression pour reconnaitre pleinement la valeur d’écosystèmes sains dans la lutte contre les deux crises.
Qu’est-ce que le WWF-Canada espère de la COP15?
Nous avons besoin d’un accord mondial concernant la nécessité d’inverser la perte de la biodiversité, et nous ne l’avons pas encore. En fait, aucun des objectifs fixés pour 2020 n’a été atteint. Dans un contexte de déclin de la nature et des espèces, il est encore plus important cette fois-ci que les gouvernements s’engagent à fixer des objectifs forts en matière de protection de la nature pour 2030 et à déployer des politiques et des ressources nationales pour les atteindre.
Que comprendrait un accord réussi à la COP15?
Nous plaidons tout particulièrement en faveur d’un cadre mondial pour la biodiversité comprenant des actions mesurables qui respectent les droits, les savoirs et les priorités des Autochtones en matière d’intendance et de restauration dans les régions bénéfiques à la fois pour la biodiversité et le climat.
Par exemple, nous aimerions voir :
- 30 % des terres, des océans et des cours d’eau douce protégés d’ici 2030;
- Une cible de restauration des écosystèmes dégradés;
- Un mécanisme de mise en œuvre fort et efficace qui s’accentuerait avec le temps;
- Une hausse significative des ressources financières en soutien à une plus grande biodiversité; et
- La reconnaissance que la nature est une alliée dans la lutte aux dérèglements climatiques par le stockage et la séquestration du carbone de l’atmosphère.
Pourquoi le Canada a-t-il une responsabilité unique mondiale – et une belle occasion – d’inverser la perte de biodiversité?
Le Canada est un grand pays où abondent la nature et les régions riches sur le plan écologique : ici se trouvent 20 % des réserves d’eau douce de la planète, le littoral le plus long du monde, la deuxième plus grande réserve naturelle de carbone du monde ainsi que d
’immenses prairies et forêts boréales. La liste est longue!
Et c’est le foyer de peuples autochtones qui prennent soin des terres et des eaux de leurs territoires depuis des milliers d’années. Nous devons donc soutenir la poursuite de ces savoirs et actions extraordinaires lorsque les communautés autochtones indiquent qu’il s’agit d’une priorité pour elles.
En tant que pays riche, le Canada a également la responsabilité de fournir des fonds aux pays qui disposent de moins de ressources financières. Cela a déjà commencé avec un engagement de plus de 1 milliard de dollars de la part du gouvernement du Canada pour des solutions climatiques qui renforcent la nature dans les régions en développement, mais il y a plus à faire.
Quel est le rôle des ONG en général à la COP15?
Les organisations non gouvernementales ont plusieurs rôles différents, mais, règle générale, les ONG environnementales cherchent à faire évoluer le statu quo à tous les paliers gouvernementaux, en entreprise, dans les collectivités et chez les individus, vers des prises de décisions et des actions plus fortes, plus saines et plus équitables pour la planète.
Dans le système onusien, on offre aux ONG un statut d’observatrices des traités environnementaux de l’ONU. Cela signifie suivre et offrir leurs suggestions aux négociateur.rice.s, mais sans participer au processus de prise de décision. Plusieurs gouvernements, dont celui du Canada, invitent des représentant.e.s des ONG à faire partie de leur délégation nationale pour un partage fluide des idées et de l’information.
Les ONG prévoient des évènements dans la zone des négociations et à travers les villes où les négociations ont lieu pour contribuer à informer les négociateur.rice.s, les médias et le grand public sur des enjeux cruciaux des traités en discussion. Cela a lieu à la COP15 sur la biodiversité. Le gouvernement du Canada, en tant que cohôte, a particulièrement soutenu la participation des ONG.
Quel est le rôle et la responsabilité des entreprises à la COP15?
Comme les ONG, les entreprises sont considérées comme des contributrices importantes des résultats positifs en matière de traités environnementaux des Nations unies. La position de la Convention sur la biodiversité est que les entreprises doivent agir de façon à contribuer à l’atteinte des objectifs de la convention. Elles se joignent aux discussions des délégations gouvernementales, à travers leur association corporative, elles organisent des évènements, et cherchent à persuader les négociateur.rice.s.
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À la COP15, nous espérons que le monde des affaires s’engage à aligner ses pratiques et ses stratégies afin de freiner et de renverser le déclin de la biodiversité. Cela inclut d’accéder aux exigences obligatoires d’évaluation et de publication de ses impacts et de sa dépendance à la biodiversité avant 2030, et de sa façon de réagir aux constats.
Comment nous assurer que les droits autochtones soient respectés durant le processus?
Depuis bien trop longtemps, les dizaines de milliers d’années de savoir et d’intendance du monde naturel par les peuples autochtones de partout sur la planète ont été ignorés, menacés et contrariés. Il n’y a pas de voie qui mette frein ou renverse la perte de biodiversité et qui lutte contre les dérèglements du climat avec la nature, sans la reconnaissance et le soutien du savoir, des droits, des structures de gouvernance et des priorités autochtones.
Il ne doit plus jamais y avoir d’aire désignée pour la protection de l’habitat des espèces, de la biodiversité, des réserves de carbone, et de l’accès à la beauté de la nature et à ses loisirs sans l’accord complet et des ressources pour les nations autochtones et les communautés qui possèdent des droits sur ces terres et ces eaux.
Le WWF-Canada portera ce message avec respect, en collaboration avec des collègues et des partenaires autochtones, durant tous nos évènements et nos apports aux négociations de la COP15 sur la biodiversité.
Que fera le WWF – et que devrait faire le gouvernement canadien – si les leaders mondiaux.ales n’arrivent pas à un accord suffisamment ambitieux pour la protection de la nature?
Nous avons bon espoir et sommes optimistes que les pays sont là pour négocier de bonne foi et qu’il sera possible de dire après coup que la COP15 aura été à la biodiversité ce que Paris a été au climat – un moment de l’histoire où le monde entier a reconnu une crise mondiale et s’est engagé à agir.
À cause de tous les délais, il y a eu davantage de consultations sur les nouvelles cibles de biodiversité que jamais auparavant avant cette COP. Le gouvernement du Canada, en particulier notre ministre de l’Environnement et du Changement climatique, a travaillé en coulisse avec ses homologues pour accroitre les chances d’obtenir un résultat dont nous pourrons tou.te.s être fier.ère.s et à partir duquel nous pourrons bâtir.
Mais si nous ne parvenons pas – ou même si nous parvenons! – à obtenir une série d’objectifs et d’engagements de mise en œuvre forts au terme de la COP15, le WWF-Canada poursuivra ses propres objectifs pour Régénérer le Canada grâce à la restauration d’écosystèmes complexes à grande échelle, à des mesures de protection efficaces et à la réduction des menaces avec un vaste éventail de partenaires, tout en soutenant les priorités et les droits des Autochtones.
Cet article a d’abord été publié dans notre infolettre Carnets de terrain. Cliquez ici pour vous abonner!