Il faut qu’on parle de transport maritime

C’est en nous occupant des impacts du transport maritime sur le climat que nos efforts pour contrer la crise climatique porteront fruit

Regardez autour de vous et vous vous rendrez compte que presque tout ce que nous achetons – 90 % en fait[1]! – nous parvient par bateau. Même l’appareil sur lequel vous lisez ces mots a probablement été transporté par bateau. Le transport maritime est un service essentiel qui joue un rôle vital dans le commerce mondial.

Pourquoi donc ce service, qui a un impact substantiel sur notre vie, nous est presque invisible?

De la même façon que beaucoup d’entre nous ne prennent pas le temps de lire les étiquettes des produits alimentaires, nous ne nous questionnons que rarement sur le trajet parcouru par un bien avant qu’il arrive jusqu’à nous.

Il est temps de changer cette habitude. Nous devons parler du transport maritime et de son empreinte environnementale grandissante.

© Edward Parker / WWF

Le plus écolo des transports de masse est-il vraiment écolo?

Le commerce international ne serait pas viable financièrement sans le transport maritime. Les camions et les avions consomment plus de carburant et émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre (GES) que les navires. L’industrie maritime est plus efficiente que les autres transports de masse, mais elle n’est pas plus écologique pour autant.

L’ampleur de la taille de cette industrie et sa croissance attendue (on projette en effet que les émissions de CO2 de sources maritimes augmenteront de 50 à 250 % d’ici 2050[2]) signifient que ses émissions pèsent dans la balance. Si le secteur maritime était un pays, il se placerait au sixième rang de l’échelle mondiale des producteurs de GES!

 

© Meridith Kohut / WWF-US

La crise climatique et l’industrie maritime internationale

En 2018, l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence des Nations Unies responsable de réguler le transport maritime, a adopté des stratégies pour réduire les émissions de GES issues du transport maritime international d’au moins 50 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2008).

S’il est remarquable que l’OMI ait réussi à établir des cibles de réduction des émissions pour une industrie entière, on ne peut pas s’arrêter là. Les cibles de l’industrie du transport maritime sont insuffisantes[3] pour limiter l’augmentation de la température sous 1,5  ̊C par rapport aux niveaux pré-industriels.

Les stratégies de l’OMI doivent être revues avant 2023 et elles doivent inclure des cibles climatiques plus ambitieuses. Il faut que l’industrie du transport maritime devienne carboneutre d’ici 2050.

Qu’en est-il de l’industrie canadienne?

En 2019, le gouvernement du Canada a mis en place un système fédéral de tarification de la pollution par le carbone, en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Ce système applique une redevance fédérale sur les combustibles en fonction des émissions de carbone lors de leur combustion. Elle est actuellement de 30 $ par tonne d’émission. Cette taxe concerne les carburant marins utilisés lors des trajets domestiques entre deux points de la même juridiction, lorsque la redevance fédérale sur le carburant est en vigueur. Les provinces et les territoires qui ont établi leur propre système de tarification de la pollution par GES qui respecte la norme fédérale peuvent aussi traiter les carburants marins.

Alors, tout va bien? Non, pas vraiment. Appliquer le système de tarification de la pollution par les gaz à effet de serre aux carburants marins est un casse-tête aux multiples exceptions et exclusions. De plus, les provinces et les territoires peuvent mettre en application le système fédéral en entier ou en partie, en choisissant d’inclure ou d’exclure le secteur du transport maritime.

 

© www.BiggerPicture.dk / Stine Arensbach / WWF

Pas de plan, pas de gains

La Norvège[4] et le Royaume-Uni[5] se sont donnés une cible climatique domestique ambitieuse de zéro émission d’ici 2050. Au moment où le monde se met en branle pour affronter la crise climatique, le Canada ne doit pas rester à la traîne.

Le gouvernement canadien se doit de fournir un cadre de travail qui comprenne des mesures incitatives et des mandats pour que l’industrie du transport maritime avance sur la voie de la décarbonisation. Un tel plan d’action inclut forcément des cibles concrètes, des mesures, un suivi, un délai et un budget.

Une fois dotée d’un cadre approprié, l’industrie maritime pourra acquérir l’expérience et l’expertise nécessaire, et se placer en bonne position pour procéder à la restructuration du secteur du transport maritime. Un plan maritime canadien est tenu d’inclure des consultations avec les peuples autochtones, des politiques et des actions fortes qui répondent aux risques auxquels sont confrontés les citoyen.ne.s, les infrastructures, les économies et les écosystèmes dans la transition vers une industrie maritime propre.

Ne rien faire n’est pas une option

Les émissions actuelles de GES et de carbone noir, un résidu noir semblable à la suie émis par les carburants à base de carbone, continuent d’intensifier l’urgence climatique. Cela mènera à des températures mondiales moyennes plus élevées et entrainera une cascade d’impacts, dont une plus grande fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes et la hausse du niveau de la mer. Le coût d’agir augmentera probablement avec le temps, et il est forte possible que la répartition des investissements et des infrastructures pour gérer les effets en cascade du dérèglement climatique soit inadéquate.

© Global Warming Images / WWF

Tout le monde doit aider

Dans la transition vers une industrie du transport maritime plus durable, le Canada a l’obligation constitutionnelle, légale et internationale de consulter les peuples autochtones et de collaborer avec eux. Le succès à long terme de la transition canadienne vers un secteur maritime propre et une économie à faible émission de carbone ne sera possible qu’avec la collaboration des provinces et des territoires, des peuples autochtones, des municipalités, des entreprises et des autres parties impliquées. Ces changements au secteur maritime reflèteront les changements comportementaux vers une économie à faible émission de GES déployés à tous les niveaux de la société canadienne. L’industrie du transport maritime a le potentiel d’aider à ce que nous devenions chef de file, sinon elle devra rester à quai.

[1] Organisation maritime internationale, 2008, (en anglais seulement)
[2] Organisation maritime internationale, 2014, (en anglais seulement)
[3] Climate Action Tracker, 2020, (en anglais seulement)
[4] Norwegian Ministry of Climate and Environment, 2019, (en anglais seulement).
[5] Department for Transport, 2019, (en anglais seulement).