Du Nouveau Palais, on peut voir la mer : ce restaurant de Montréal sert des produits de la mer durables

Écrit par Gita Seaton, chef et propriétaire du Nouveau Palais
Il y a trois ans, mes associés et moi sommes devenus propriétaires d’un restaurant vieux de plus de 80 ans, à Montréal, le Nouveau Palais. Dès le départ, notre but était de démystifier l’expérience gastronomique en proposant une cuisine de qualité, accessible et abordable, dans une atmosphère décontractée. Une atmosphère où tout participe, de la préparation des plats à l’apparence des lieux, en passant par les employés, la musique et la clientèle. C’est un lieu très particulier que j’adore autant pour ses incongruités que pour sa chaleur accueillante.

Palais-deventureAprès 80 ans, le Nouveau Palais de Montréal s’est réinventé : le restaurant vise à démystifier l’expérience gastronomique en proposant
une cuisine de qualité, accessible et abordable, dans une atmosphère décontractée. © Jon Cleveland

À titre de chef de cuisine, je profite de l’énigme que représente le Palais pour me perfectionner et cela m’inspire, car ce n’est pas facile de rester fidèle à l’histoire de l’endroit tout en améliorant l’offre culinaire. Mes associés et moi-même sommes très conscients que c’est un équilibre précaire à conserver.
Et justement, puisqu’il est question de conservation et aussi étrange que cela peut paraître, le poisson que nous servons témoigne de cette recherche d’équilibre. Je ne suis pas une spécialiste de l’environnement et des questions entourant la surpêche, mais je sais que nous pêchons plus de poissons que nos océans, nos lacs et nos cours d’eau en ont à offrir et si nous ne faisons pas des choix plus intelligents, il ne nous restera plus beaucoup de choix…
C’est pourquoi nous avons choisi de ne servir que des produits de la pêche durable au Nouveau Palais; une décision sensée, à mon avis. Quand j’achète du poisson ou des fruits de mer, je fais affaire avec des fournisseurs des côtes de l’Atlantique et du Pacifique. J’ai développé de bonnes relations avec ces gens et je leur fais confiance car ils savent mieux que moi ce qui se passe dans la mer. Je compte sur eux pour me tenir informée.
Je leur pose beaucoup de questions et je vous invite à en faire autant au supermarché, chez le poissonnier, au restaurant. Les pêcheurs avec qui je travaille se soucient assez de leurs produits pour prendre le temps de m’en parler et me dire ce qu’il en est. Je n’ai pas rencontré la même qualité de service à la clientèle chez les grands importateurs.
Il y a quelques-uns de ces pêcheurs avec qui je travaille depuis plus de dix ans, il y en a d’autres qui sont venus me voir plus récemment parce qu’ils ont appris que je préfère acheter des produits de la pêche durable. Je cuisine avec des poissons sauvages pêchés de façon responsable ou des produits d’élevage durable. Dans la mesure du possible, je passe mes commandes directement auprès des pêcheurs. Je sais que c’est un privilège inaccessible à la grande majorité des consommateurs, mais il y a de l’espoir car un nombre croissant de restaurants comme le mien, de poissonniers et de supermarchés offrent des produits de la pêche durable. Je vous invite en outre à rechercher ces étiquettes dignes de confiance chez votre épicier : Marine Stewardship Council, Ocean Wise et SeaChoice.

Gitawindow_webLa chef propriétaire du Nouveau Palais, Gita Seaton © Omnivore (Paris)
Cela dit, je suis obligée d’équilibrer qualité et prix. Mes plats de poisson sont les moins rentables pour le restaurant. Mais j’ai fait le choix de servir de bonnes et savoureuses portions de poisson au lieu de céder à l’attrait d’une offre moins coûteuse, mais de moins bonne qualité. Si la pêche industrielle me proposait de bons produits à prix abordable, j’avoue que j’aurais peine à résister.
Pour ce qui est des espèces en péril comme le thon rouge de l’Atlantique, le bar du Chili ou l’ormeau, nous n’en servons pas, tout simplement. J’espère que ces espèces parviendront à récupérer suffisamment pour qu’un jour, l’on puisse à nouveau s’en délecter sans craindre de les exterminer.
En outre, comme toute personne qui sait apprécier les produits de la mer, je trouve ridicule de ne pas suivre les saisons de récolte. Quand c’est le temps du maquereau, on le trouve en abondance à bon prix et surtout, il est bien frais. Il en va de même pour le flétan, le saumon, la crevette tachetée, l’huître, le crabe, la morue lingue, la praire… je pourrais continuer ainsi encore longtemps!
Pourquoi achèterais-je des poissons ou fruits de mer importés, en voie de disparition ou insipides quand je peux me procurer d’excellents produits et me vanter de ne pas détruire la biodiversité des océans pour le simple plaisir de mes clients? Le Canada a de très bons produits de la pêche durable et j’ai choisi de les apprêter pour les servir.
Il suffit de chercher – et d’exiger – des produits locaux issus de la pêche durable partout où vous allez, que ce soit au restaurant ou au marché. Servez-en à votre famille, à vos invités : ces poissons et fruits de mer sont généralement plus sains, plus frais et meilleurs au goût. Et en plus, vous faites une différence positive en faisant ce choix plus sensé qui contribue à maintenir la santé de nos océans pour l’avenir.

fletan_NP_webFlétan canadien avec asperges et couscous israélien © Omnivore (Paris)