Des autoroutes migratoires pour protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord
Le rapport Protéger les couloirs bleus du WWF (en anglais seulement) cartographie pour la première fois 845 routes de baleines migratrices, mettant en évidence 30 ans de données de suivi par satellite recueillies par plus de 50 groupes de recherche dans le monde. Les couloirs bleus sont des routes de migration qui permettent aux baleines de se déplacer entre des habitats essentiels à leur survie – des zones où elles se nourrissent, s’accouplent, mettent bas, allaitent et socialisent.
Mais les menaces croissantes de la crise climatique, des collisions avec les navires, l’empêtrement dans les engins de pêche, la pollution sonore sous-marine, la perte d’habitat et de proies rendent leurs migrations de plus en plus dangereuses.
Six des 13 espèces de grandes baleines du monde sont classées en danger ou vulnérables, même après des décennies de protection. La dernière estimation de la baleine noire de l’Atlantique Nord place la population à son point le plus bas en 20 ans. Avec seulement 336 individus restants, la baleine noire de l’Atlantique Nord est considérée comme étant en voie de disparition, ce qui signifie qu’elle risque de disparaitre du pays ou de la planète de façon imminente.
Les baleines noires de l’Atlantique Nord migrent de façon saisonnière le long de l’est du Canada et des États-Unis
Pendant les mois d’hiver, l’espèce se retrouve dans ses aires de mise bas au large de la Caroline du Sud, de la Géorgie et du nord-est de la Floride. Puis, au printemps, elles commencent lentement à se déplacer vers le nord, vers leurs aires d’alimentation et de reproduction dans le golfe du Maine et à l’est du Canada atlantique.
Cependant, au cours des dernières années, le réchauffement des eaux a poussé la population plus au nord pour se nourrir alors qu’elle suit ses proies d’eau froide — les copépodes, un type de petit crustacé — dans le golfe du Saint-Laurent. De mai à décembre, environ 40 % de la population utilise maintenant cette région où les collisions avec les navires et les empêtrements dans les engins de pêche sont des menaces majeures.
Pour que la population se rétablisse, moins d’une baleine noire par an peut mourir de son interaction avec les activités humaines dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce. Mais plus de 80 % des baleines noires ont été empêtrées au moins une fois dans leur vie. Depuis 2017 seulement, 50 baleines noires ont été enregistrées comme mortes ou gravement blessées et susceptibles de mourir de leurs blessures.
Dans les dernières années, le haut taux de mortalité et de blessures a mené les spécialistes de la conservation, les scientifiques, les gouvernements canadien et américain, ainsi que les industries de la pêche et du transport maritime à développer des efforts de collaboration pour tenter de réduire les empêtrements et les collisions entre navires et baleines.
Pour aider à protéger leurs importantes aires d’alimentation dans le golfe du Saint-Laurent et la baie de Fundy, par exemple, le gouvernement canadien a mis en place des fermetures dynamiques de pêche et des zones de limitation de vitesse — zones à éviter ou nécessitant une vitesse réduite des navires — qui se déclenchent lorsque les baleines sont détectées.
Mais leur route migratoire reste périlleuse
Le détroit de Cabot, à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, est une route importante pour les baleines noires, mais il n’est actuellement protégé que par un ralentissement volontaire des navires pendant la période de migration. La participation a été faible depuis sa création, avec seulement 32 % des navires voyageant sous les 10 nœuds recommandés.
L’augmentation des activités de navigation dans la région est également une source de préoccupation. Les navires de croisière seront bientôt de retour dans l’Atlantique canadien, après deux ans d’absence en raison de la pandémie. Ces grands navires se déplacent souvent à grande vitesse et leurs routes touristiques typiques chevauchent les habitats des baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent, et si certains sont protégés, d’autres ne le sont pas.
À l’automne, le pic de la saison des croisières chevauche le couloir de migration des baleines noires au large de la côte atlantique, dont une grande partie manque également de protection.
Si leur population continue de décliner, les baleines noires de l’Atlantique Nord pourraient disparaitre en moins de 30 ans. Bien que la tâche soit ardue, il est possible et essentiel de protéger leur couloir bleu de ces menaces majeures – y compris les ralentissements dynamiques et obligatoires des navires et la réduction des lignes de pêche verticales – pour assurer la survie de cette espèce.