Comment engager les jeunes dans la conservation?

Chaque saison de terrain, des autobus entiers d’enfants et d’adolescent.e.s descendent dans les ravins, les champs et les forêts entourant le parc urbain national de la Rouge, qui serpente à travers l’est de Toronto.

Échangeant leurs manuels pour des pelles, ces élèves plantent des arbres, des fleurs et des arbustes indigènes dans des espaces où la tonte excessive et le pâturage ont réduit la biodiversité. C’est un acte tout simple qui améliore les habitats des espèces en péril environnantes et réduit les dommages causés par les inondations aux écosystèmes locaux et aux propriétés des résident.e.s.

 

Youth planting native trees.
Des jeunes du secondaire plantent des arbres indigènes sur le site d’un projet de Friends of the Rouge à Markham, en Ontario. © WWF-Canada

Les élèves s’accomplissent sous la supervision du personnel et des bénévoles expérimenté.e.s de Friends of the Rouge Watershed (FRW), l’organisme de bassin versant local qui coordonne des projets d’éducation et de restauration sur le terrain autour de la rivière Rouge – et qui est aussi participante de notre Programme de subvention nature et climat, présenté en partenariat avec Aviva Canada.  

Un beau jour ensoleillé de la saison passée, nous avons saisi l’occasion de parler avec Jim Robb – directeur général de FRW et éducateur environnemental d’expérience – à propos de sa façon d’engager les jeunes dans le travail de conservation et de restauration. 

Comment travaillez-vous avec les jeunes chez Friends of the Rouge? 

Nous travaillons avec les écoles des environs pour recevoir des groupes d’élèves des écoles primaires et secondaires, ainsi que des jeunes des clubs, des groupes communautaires et des organisations religieuses. Nous nous spécialisons dans les évènements de plantation – nous montrons aux élèves comment planter des arbres et des arbustes indigènes, nous les supervisons pendant qu’il.elle.s les plantent, puis nous allons nous promener pour parler des espèces locales et de l’importance de la protection et de la restauration d’habitat.

De plus, nous gérons un programme appelé Grey Tree Frog Apprentice Program dans le cadre duquel nous donnons à une quinzaine d’étudiant.e.s une formation de trois à quatre jours sur le leadership, l’environnement et la restauration écologique. Ces jeunes sont extraordinaires. Certain.e.s de ceux et celles que nous avons formé.e.s il y a sept ou huit ans font aujourd’hui preuve d’un leadership remarquable et accomplissent des choses extraordinaires.

Jim Robb, de l’organisation Friends of the Rouge Watershed. © WWF-Canada

Pourquoi l’engagement de la jeunesse est si central dans votre organisation? 

Nous sommes situé.e.s juste à côté d’une grande ville, ce qui est à la fois notre plus grand défi et notre plus grande chance. Avec les changements dans la démographie, nous devons nous assurer que la prochaine génération contribuera à prendre soin du parc. En apprenant à le connaitre, ces jeunes sont en mesure de l’apprécier et nous espérons qu’il.elle.s s’en occuperont.

Je crois que beaucoup de jeunes qui habitent les villes d’aujourd’hui ne sont pas autant exposé.e.s à la nature que par le passé. Il.elle.s ont moins conscience de leur place dans le monde naturel. Nous espérons qu’en les amenant à travailler avec nous, nous pourrons les aider à réduire leur « déficit de nature ». Nous espérons qu’il.elle.s apprécieront un peu plus la nature et repartiront avec une meilleure compréhension.

Est-ce que c’est difficile de convaincre les jeunes de prendre à cœur la nature et la conservation?

Je trouve que les jeunes sont vraiment ouvert.e.s à accueillir le message que nous partageons. Il.elle.s comprennent immédiatement. Ce qui est intéressant, c’est que les enfants finissent souvent par éduquer leurs parents à propos des dérèglements climatiques et de la biodiversité. Ce n’est pas que leurs parents n’ont pas cette préoccupation; c’est qu’il.elle.s sont occupé.e.s à travailler, à éduquer leurs enfants et à mettre de la nourriture sur la table. Mais les parents écoutent leurs enfants en parler.

Nous sommes aussi situé.e.s dans une zone très diversifiée de la grande région de Toronto. Plusieurs des jeunes qui viennent à nos évènements de plantation sont des Canadien.ne.s de première génération, qui reçoivent alors souvent leur première exposition à ce genre d’espace. Puis il.elle.s parlent à leurs parents du travail que nous faisons et de cette belle nature qui existe au cœur de leur communauté. Je pense que c’est très important. Nous, qui appartenons au mouvement environnemental, devons nous assurer que nos messages sur la protection de la biodiversité et la lutte aux dérèglements climatiques reflètent les diverses communautés que nous avons au pays, et qu’ils leurs apparaissent pertinents. Les enfants peuvent nous aider à établir la communication.

Est-il possible que certain.e.s jeunes soient… trop jeunes? 

Nous concentrons nos activités surtout sur les jeunes de la quatrième année à la fin du secondaire, pour nos activités de plantation. Parfois, nous travaillons avec des enfants plus jeunes, mais cela peut être un défi. Nous devons les mettre en équipe avec des enfants plus âgés pour certaines tâches de plantation qui sont plus exigeantes sur le plan physique.

Mais nous adorons parler avec les plus jeunes. Il.elle.s ont tendance à être très ouvert.e.s d’esprit et sont comme des éponges. Si vous parvenez à toucher un enfant en troisième, quatrième ou cinquième année, vous pouvez avoir une réelle influence sur sa façon de voir et de comprendre la nature.

Un homme parle à des jeunes devant un site avec des pousses d'arbres fraichement plantées.
Jim Robb, de Friends of the Rouge Watershed, montre à de jeunes élèves comment planter des arbres indigènes sur un site de projet à Markham, en Ontario. © WWF-Canada

Justement, le travail de conservation et de restauration peut être compliqué. Comment communiquez-vous avec un jeune public?

Vous devez simplifier ce que vous dites, et le mettre dans un cadre pour que les jeunes puissent voir de quelle manière cela les affecte directement. J’essaie d’utiliser des analogies auxquelles les jeunes peuvent s’identifier. Et vous devez écouter ce qu’il.elle.s vous disent. Les enfants viennent souvent me voir durant les randonnées avec des questions ou des observations vraiment surprenantes. Quand il.elle.s sentent qu’on les écoute, il.elle.s ont tendance à s’engager davantage dans le travail.

Je trouve que les jeunes réagissent très bien à ce qu’il.elle.s peuvent voir. Ainsi, il.elle.s pourront voir que les arbres ou arbustes indigènes que nous plantons attirent des papillons indigènes et des insectes bénéfiques dans nos jardins. Et il.elle.s pourront mieux apprécier la beauté de la création.

Comment savoir si vous avez réussi à les rejoindre?

Ce n’est pas toujours évident. Ce que j’ai constaté, c’est que quand il.elle.s plantent un arbre ou une fleur, c’est comme s’il.elle.s s’investissaient personnellement. Il.elle.s laissent derrière eux et elles quelque chose qui leur appartient, quelque chose qu’il.elle.s ont fait.

Après autant de temps à faire ce que vous faites, qu’est-ce que vous trouvez de plus significatif dans l’enseignement de la nature aux jeunes? 

J’ai travaillé dans plusieurs domaines, mais il n’y a rien de mieux que de travailler avec les jeunes bénévoles qui nous aident, avec le temps, à transformer une zone dégradée en un chef-d’œuvre de beauté écologique. Il y a de quoi être optimiste – je le constate tous les jours.