Chute inquiétante de 59 % du nombre de monarques – que faire?

À mesure que l’hiver cède le pas au printemps, j’observe les vagues d’oiseaux migrateurs qui arrivent dans le sud de l’Ontario, en route vers le nord pour l’été : sauvagine, merles et quelques oiseaux de proie aussi. Un autre migrateur volant, pas un oiseau celui-là, mais bien un papillon, le superbe monarque, quitte ces jours-ci ses quartiers d’hiver au Mexique. Cette année, on constate qu’ils ont occupé un territoire moins grand que ce qu’on a toujours observé jusqu’ici, soit à peine plus d’un hectare des forêts de conifères du plateau intérieur mexicain.
Monarque
Les chiffres varient, mais on estime qu’entre dix et cent millions de monarques parcourent le centre et l’est de l’Amérique du Nord. Une plus petite population étend son territoire de la Californie au sud-ouest de la Colombie-Britannique. Il est difficile de compter tous ces papillons et j’ai vu de mes propres yeux de grands conifères du Mexique ployer jusqu’au sol sous le poids des centaines de milliers de papillons qui s’y agglutinaient en février. De loin, on aurait dit l’arbre couvert d’une chatoyante neige orangée.
Une façon d’en évaluer le nombre consiste à mesurer la superficie de forêt où les arbres attirent les monarques. Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, alors que 5 à 10 hectares de forêt étaient occupés par les monarques depuis plusieurs années, cet hiver on en a observé sur seulement 1,19 ha, ce qui témoigne d’une chute stupéfiante d’environ 60  % par rapport à l’année dernière.
Monarque - Nombre - Grahique
Plusieurs facteurs expliquent ce déclin des populations de monarque : l’éradication systématique de la seule plante dont ils se nourrissent chez nous, l’asclépiade, par pulvérisation d’herbicide spécifique dans les champs de maïs et de soya aux États-Unis et au Canada; l’abattage illégal des arbres dans certains secteurs forestiers du plateau central mexicain; l’écotourisme intensif et mal encadré au Mexique; et aussi, possiblement, les changements climatiques qui affectent leurs territoires de reproduction et d’hivernage.
Dans un précédent blogue en anglais, j’ai raconté le cycle de vie du monarque, évoqué le travail de scientifiques canadiens dans ce domaine et souligné l’excellence du documentaire Four Wings and a Prayer portant sur le long périple migratoire de ces fabuleux papillons.
Même s’il existe plus d’une centaine d’espèces migratrices, allant des oiseaux aux tortues en passant par les cétacés et les chauves-souris, qui traversent chaque année l’Amérique du Nord et ses océans limitrophes pour se reproduire et hiverner, aucune espèce n’incarne la filière écologique unissant le Canada, les États-Unis et le Mexique avec autant d’éclat et de vitalité que le monarque. Celui-ci est même devenu le symbole d’ententes et entreprises tripartites regroupant les trois pays. Tout comme l’extinction appréhendée du panda, qui constituerait une tragédie pour la Chine – et pour le WWF! –, la disparition de cette merveille migratrice qu’est le monarque marquerait un recul catastrophique pour les perspectives de conservation des espèces et de leurs habitats.
Que faire?
C’est simple : si vous avez une cour, un terrain ou même des bacs à fleurs, faites-y pousser des asclépiades; les monarques afflueront vers leur plante-hôte et vous pourrez admirer leur danse colorée. Chaque année, je m’amuse à regarder les femelles butiner et pondre leurs œufs sur ces plantes qui nourriront leurs chenilles.
Je vous invite aussi à participer à l’événement Une heure pour la Terre en éteignant vos lumières ce 23 mars à 20 h 30, et en allumant une bougie pour signaler que vous êtes en faveur d’une société qui s’attaque aux changements climatiques menaçant les habitats d’hiver et d’été du monarque.
Et profitez-en pour écrire à votre député fédéral pour lui dire que vous êtes passé à l’action et que vous voulez que le gouvernement prenne aussi des mesures contre les changements climatiques et pour la protection de l’environnement.
Et enfin, si vous habitez dans la région montréalaise, l’Insectarium de Montréal vend une trousse d’élevage de monarques dans le cadre de son programme Monarque sans frontière visant à soutenir la recherche et la sauvegarde de l’espèce. Dépêchez-vous de réserver votre trousse avant juin car les quantités sont limitées!