État d’urgence : Est-ce qu’un nouveau jugement sur les chouettes tachetées forcera le gouvernement à protéger les épaulards en voie de disparition?

« Soit les menaces sont imminentes, soit elles ne le sont pas. Ou bien les menaces concernent la survie ou le rétablissement de l’espèce, ou bien elles ne la concernent pas, a écrit le juge Yvan Roy dans son jugement en défaveur du gouvernement canadien pour son retard dans la protection de la chouette tachetée du Nord en voie de disparition. Je trouve difficile de comprendre en quoi une période durant plus de huit mois pourrait être raisonnable une fois que l’opinion a été formée. »

Close-up of a northen spotted owl
© Hollingsworth, John et Karen / US Fish and Wildlife Service

Depuis que le gouvernement a appris en février l’existence de menaces imminentes à la survie de l’espèce, il avait l’obligation légale d’émettre un décret d’urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) afin de protéger les dernières chouettes nées en liberté. Les responsables ont choisi d’attendre.

La décision du juge de ne pas valider ce choix fait jurisprudence et confirme qu’un délai déraisonnable dans l’émission d’un décret d’urgence est une infraction à la LEP.

Bien entendu, si la LEP avait été mise en œuvre comme prévu, cette action de dernière minute ne serait pas nécessaire. Les chouettes tachetées ont été désignées en voie de disparition en 2003. Ce n’est donc pas seulement le retard de huit mois pour ce décret d’urgence qui les a menées au bord de la disparition, mais bien le retard de 21 ans que les multiples gouvernements ont pris pour mettre en œuvre des actions de conservation en vertu de la LEP. Il ne reste maintenant plus qu’une seule chouette en liberté et deux nées en captivité. Même avec un décret d’urgence, ces retards impliquent que le Canada risque de perdre cette espèce à jamais – c’est tout simplement trop peu, trop tard.

Mais il n’est pas encore trop tard pour les 73 épaulards résidents du Sud qui restent, aussi désignés en voie de disparition en 2003. Nous pressons le gouvernement fédéral d’agir – sans report, tel que l’exige le nouveau jugement – en réponse à notre demande conjointe pour un décret d’urgence visant à réduire les menaces imminentes pesant sur cette population d’épaulards vivant dans les eaux de la mer des Salish baignant la côte sud-ouest de la Colombie-Britannique.

A southern resident Killer whale (Orcinus orca) leaping out of the waters of Haro Strait, British Columbia, Canada
Un épaulard résident du Sud sautant hors de l’eau du détroit de Haro, en Colombie-Britannique © Natalie Bowes

La propre évaluation du gouvernement a constaté en 2018 que la réduction des ressources alimentaires de saumon quinnat, qui abondait auparavant, la concurrence avec les pêches, les contaminants, et les perturbations des embarcations et des navires ont placé les épaulards résidents du Sud en danger imminent pour leur survie et leur rétablissement, malgré leur statut désigné par la LEP.

Et c’était avant que ces épaulards résidents en péril soient confrontés aux menaces intensifiées par la nouvelle expansion des activités du pipeline Trans Mountain (TMX) en mai.

Lors de l’approbation du TMX en 2019, le gouvernement fédéral a promis de mettre en œuvre 16 recommandations de la Régie de l’énergie du Canada pour réduire le bruit des navires et les risques de déversements d’hydrocarbures entrainés par le trafic de navires-citernes qui est multiplié par sept. Avant cela, le Canada s’était engagé à « plus qu’atténuer » les effets négatifs avant que la navigation ne commence.

Pourtant, les navires-citernes alimentés par le TMX traversent maintenant l’habitat essentiel des épaulards résidents du Sud, et le gouvernement a choisi de ne tenir aucune des deux promesses.

« Les épaulards résidents du Sud sont plus près de la disparition maintenant que lorsqu’ils ont été placés dans la liste de la Loi sur les espèces en péril il y a plus de 20 ans, dit Hussein Alidina, spécialiste principal de la conservation marine au WWF-Canada. Ils ont grand besoin d’aide et de protection substantiellement renforcée devant les multiples menaces qui pèsent sur eux. La mise en œuvre de protections par les décrets d’urgence que nous avons sélectionnées peut offrir les conditions dont les épaulards résidents du Sud ont désespérément besoin pour survivre et se rétablir, avant qu’il ne soit trop tard. »

Le gouvernement fédéral sait qu’il est de sa responsabilité de diriger les mesures d’urgence dans l’habitat essentiel des épaulards résidents du Sud. Et maintenant, nous savons qu’un retard additionnel de leur part est contre la loi.