Agissez localement : Les milieux humides à votre service
Les terres agricoles du Canada sont surtout connues pour leurs champs florissants et leurs pâturages. Mais de plus en plus, on assiste également à la résurgence d’un autre type de paysage, tout aussi bénéfique : les milieux humides, qui regorgent de plantes, d’animaux et d’insectes indigènes.
ALUS contribue à ce retour. L’organisme soutient un programme mené par la collectivité et livré par les agriculteur.rice.s pour soutenir la création, l’amélioration et le maintien de services écosystémiques [un terme qui met en lumière les avantages que les humains tirent de la nature] sur les terres agricoles à travers le pays. Une grande partie de ce travail implique la création et la revitalisation de milieux humides.
Mais qu’est-ce qui concrètement rend les milieux humides si merveilleux? Comment peuvent-ils rendre votre propre propriété plus résiliente aux dérèglements climatiques et plus accueillante pour les espèces? Que faut-il savoir avant d’aménager un étang ou de reconstruire un marais?
Nous plongeons au cœur du sujet avec Alyssa Cousineau, Chef divisionnaire principale, Grands Lacs.
Quel type de travail accomplissez-vous pour les milieux humides chez ALUS?
Notre travail auprès des agriculteur.rice.s consiste à restaurer des milieux humides peu profonds et en eau libre. Nous plantons de la végétation aquatique pour créer des marécages, des marais et des milieux humides éphémères [des zones qui ne retiennent l’eau que temporairement, principalement au printemps et au début de l’été ou après de fortes pluies] de même que des bassins de contrôle de l’eau et de sédiments [des zones excavées dotées de structures de contrôle pour ralentir le ruissèlement des eaux de pluie provenant des champs]. Nous restaurons également des zones riveraines à proximité de drains, de ruisseaux, de lacs et de milieux humides.
De nombreux agriculteur.rice.s avec lesquel.le.s nous travaillons possèdent des zones de leur exploitation qui se prêtent mieux à la production de services écosystémiques [qu’à d’autres utilisations] parce qu’elles se trouvent aux limites d’une propriété ou qu’elles sont sensibles sur le plan environnemental.
Il peut s’agir d’une zone où les animaux et la machinerie ne peuvent accéder jusqu’à tard dans l’année en raison de la présence d’eau dans le champ, d’espaces présentant des taux d’érosion plus élevés en raison du ruissèlement de l’eau de pluie provenant du champ, ou d’un petit champ difficile d’accès en raison de la machinerie plus récent et plus gros. Toutes ces zones peuvent convenir davantage à la création d’un milieu humide qu’à leur utilisation actuelle.
Quels sont les avantages de promouvoir des milieux humides sains?
Il y en a tellement! Dans une exploitation agricole ou d’élevage, les milieux humides contribuent à contrôler le ruissèlement de l’eau des champs, ce qui réduit les dangers d’érosion. Ils atténuent le risque d’inondation en réduisant l’écoulement et protègent également contre la sècheresse en retenant l’eau lorsque les conditions sont sèches.
De plus, les milieux humides fournissent d’importants services pour le cycle nutritif en réduisant les quantités d’azote et de phosphore provenant des champs qui se déversent dans les cours d’eau à proximité, ce qui enrichit également le sol environnant. Les plantes qui entourent les milieux humides captent le carbone et le stockent dans le sol à long terme. Enfin, les milieux humides améliorent la santé des bassins versants et l’eau potable locale en filtrant les écoulements de nutriments et les polluants tels que les engrais et les pesticides avant qu’ils ne s’écoulent dans nos lacs et ne produisent des proliférations d’algues qui peuvent être nocives pour les espèces et les humains.
Ces services écosystémiques ont une grande valeur économique. En Ontario seulement, on estime la valeur des milieux humides à plusieurs milliards annuellement.
Qu’en est-il des espèces? Comment les milieux humides aident-ils les oiseaux, les insectes et les animaux?
Les milieux humides soutiennent une panoplie d’espèces, notamment des oiseaux, des amphibiens et des insectes, y compris de nombreux pollinisateurs et espèces en péril. Ce soutien prend souvent la forme d’un endroit propice à la recherche de nourriture, à la reproduction et à la nidification, des fonctions essentielles de l’habitat qui sont imbriquées entre les différentes espèces – certaines espèces étant source de nutriments pour d’autres! Ces milieux peuvent également soutenir les pêches en créant des frayères et des habitats de croissance.
Quels signes indiquent que la santé d’un milieu humide n’est pas optimale?
Plusieurs de nos projets consistent à restaurer les milieux humides sur des terres agricoles marginales ou à améliorer les habitats humides existants qui sont dégradés. En matière de restauration, nous cherchons des zones d’un champ qui sont inondées pendant de longues périodes de l’année et qui peuvent être creusées pour retenir davantage d’eau. Dans ces cas, la terre ne fonctionne probablement pas de manière optimale.
Dans le cadre d’un projet d’amélioration, nous rechercherons des milieux humides existants où l’on trouve des espèces envahissantes ou de grandes quantités de sédiments. Ces zones pourraient bénéficier d’un contrôle contre les espèces envahissantes ou d’une excavation afin de créer une profondeur et une densité de végétation plus souhaitables pour cet écosystème. Les deux types de changements aident l’écosystème dégradé à fonctionner de manière plus optimale.
Supposons que des personnes souhaitent créer ou restaurer un milieu humide sur leur propre terrain. Que doivent-elles faire?
Il est important de demander l’avis d’un.e professionnel.le avant d’entreprendre quoi que ce soit. Dans le cadre de notre travail, nous recommandons une visite du site par un.e représentant.te local.e d’ALUS, un groupe de conservation ou un.e entrepreneur.se qualifié.e en milieux humides pour confirmer que l’endroit répond aux critères d’un milieu humide. Nous avons qui offre des conseils utiles.
Que doivent-elles éviter de faire?
Nous voyons couramment les mêmes erreurs. Des personnes ensemencent [de poissons] un milieu humide qui ne serait pas normalement un habitat pour les poissons. Elles ajoutent un aérateur pour augmenter l’oxygène afin de conserver ces poissons. Elles creusent un étang carré, au lieu d’un milieu humide bien incliné et profilé, comme cela se produirait naturellement. Nous ne recommandons aucune de ces approches.
Un milieu humide en bonne santé doit-il avoir une grande superficie?
Pas nécessairement! Des recherches démontrent que plusieurs petits milieux humides valent mieux qu’un seul grand milieu humide. Cette approche permet de mieux répartir les services écosystémiques dans le paysage en réduisant, par exemple, la perte de nutriments, en plusieurs endroits plutôt qu’en un seul.
À quel point le milieu humide peut-il être petit? Peut-on en créer un dans une cour arrière?
Ça dépend. Un milieu humide de moins d’un demi-acre peut tout de même assurer de nombreux services écosystémiques – un petit habitat vaut mieux que pas d’habitat du tout!
Quelles sont certaines des idées fausses véhiculées par les gens au sujet des milieux humides sur leur propriété?
J’ai entendu des personnes suggérer que si un milieu humide est créé en creusant le sol et en augmentant la capacité de rétention d’eau, alors il en résultera une plus grande quantité d’eau sur le terrain. C’est faux! En fait, c’est l’opposé qui se produira. Un milieu humide ne peut retenir que l’eau qui provient déjà du champ. De plus, les milieux humides [creusés] retiendront l’eau, ce qui atténuera les problèmes d’inondation dans les champs adjacents et en aval – un avantage considérable pour les propriétaires fonciers et l’écologie environnante.
Une autre idée préconçue est que les milieux humides favorisent la reproduction des moustiques en raison de la présence d’eau stagnante. C’est aussi faux. Tant que le milieu humide est naturalisé à l’aide de plantes et qu’il fonctionne bien, les amphibiens et les insectes comme les libellules qui fréquentent les milieux humides aideront à réduire les populations de moustiques.
Pour conclure, discutons de l’entretien. Que pouvons-nous faire pour préserver la santé des milieux humides à proximité de nos propriétés ou dans les espaces communautaires, comme les parcs?
Ne tondez pas les plantes le long des plans d’eau, comme les étangs et les marais. Laissez pousser les plantes indigènes telles que les arbustes, les arbres, les fleurs sauvages et les graminées en bordure de la zone riveraine, et veillez à contrôler les espèces envahissantes comme le Phragmites australis [ou roseau commun] avec l’aide d’un groupe de conservation local.
Si vous n’avez pas de plantes indigènes en bordure de votre milieu humide ou de votre étang, plantez des espèces provenant de pépinières locales de plantes indigènes, comme l’élyme des rivages, l’onagre, la verveine bleue, l’asclépiade incarnate, la lobélie bleue et la monarde fistuleuse (à choisir en fonction de votre emplacement).
ALUS est l’une des six organisations actuellement soutenues par le Programme de subvention nature et climat du WWF-Canada, présenté en partenariat avec Aviva Canada, et Agissez localement est une série d’articles de blogue sur les façons dont vous pouvez appliquer dans votre vie les solutions basées sur la nature utilisées par les récipiendaires du Programme.
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