RPVC 2025 : portrait de l’évolution des populations d’espèces dans les habitats du Canada

Le choix du sous-titre du Rapport Planète vivante Canada 2025 du WWF-Canada, « Les espèces dans leur habitat », n’est pas anodin.

Nos plus récentes conclusions démontrent clairement que la perte d’espèces n’est pas seulement un problème ailleurs dans le monde. Ici même au Canada, où la nature semble pourtant abondante, on enregistre des déclins dévastateurs sur plusieurs décennies en raison des mêmes menaces qui causent la « catastrophique » perte de biodiversité à l’échelle de la planète.

S’appuyant sur 5 099 relevés de populations de 910 espèces entre 1970 et 2022, l’ensemble de données le plus récent et le plus complet du RPVC 2025 démontre que les populations de vertébrés suivies ont connu un déclin moyen de 10 % au cours des 50 dernières années.

Comme une petite fissure dans la fondation d’une maison, le déclin graduel des espèces peut s’accroitre au fil du temps. Pour colmater ces fissures avant qu’elles ne menacent la structure d’écosystèmes entiers, nous devons d’abord connaitre les endroits où se produisent ces déclins et le niveau de sévérité.

Pour la première fois, le RPVC examine les tendances dans différents habitats d’un bout à l’autre du pays. Voici ce que nous avons observé.

Un trio de chiens-de-prairie à queue noire avec une boite de texte qui dit "prairies baisse de 62 %"
Chiens-de-prairie à queue noire

Les populations d’espèces des prairies ont décliné de 62 % en moyenne depuis 1970

Les chiens-de-prairie à queue noire comptent parmi les espèces qui contribuent à cette tendance négative. Ce spermophile de couleur sable, dont les glapissements retentissaient autrefois dans les collines ondoyantes du sud de la Saskatchewan, n’occupe plus que 2 % de son ancienne aire de répartition globale.

Comme de nombreuses espèces des prairies, les populations de chien-de-prairie à queue noire doivent composer avec une conversion continue en champs agricoles de leur habitat, jadis dominé par une grande diversité d’herbes et de fleurs sauvages. Et le déclin qui en résulte a des répercussions dans l’ensemble de la vaste étendue de plaines. En tant que constructeur de terriers souterrains qui servent d’abri à la chevêche des terriers et proie pour d’autres espèces en péril comme le renard véloce, le crotale de l’ouest et la buse de Swainson, le chien-de-prairie à queue noire fait partie intégrante de son écosystème des prairies.

Un scinque pentaligne avec une boite de texte qui dit "zones rocheuse baisse de 31 %"
Scinque pentaligne

Les populations d’espèces des zones rocheuses ont décliné de 31 % en moyenne depuis 1970

Les pics montagneux, les grottes et les falaises terrestres peuvent sembler constituer des abris permanents pour la chauvesouris, le renard, la chèvre de montagne et le merlebleu azuré, mais le développement humain érode littéralement ces zones. Cette perte d’habitat est aggravée lorsque le sable, les pierres et les rochers qui ont été retirés sont ensuite utilisés pour construire des immeubles et paver des routes dans les habitats d’autres espèces en péril des zones rocheuses comme le scinque pentaligne, le seul lézard de l’est du Canada.

Une baleine bleue avec une boite de texte qui dit "océans & côtes baisse de 4 %"
Baleine bleue

Les populations d’espèces des habitats marins et côtiers sont restées stables à – 4 % en moyenne depuis 1970

Le littoral canadien, long de 243 000 kilomètres, abrite une remarquable diversité d’espèces, y compris des tortues marines, des oiseaux, des baleines et des poissons. La tendance moyenne générale dans nos divers écosystèmes marins est stable.

Collectivement, les mammifères marins augmentent en abondance, ce qui laisse espérer que les interventions de conservation comme l’interdiction de la chasse commerciale à la baleine de 1972 peuvent changer la donne. Mais cette tendance positive ne reflète pas toute la réalité en raison de ce qu’on appelle le syndrome de la référence changeante. Le RPVC 2025 mesure l’abondance des populations d’espèces par rapport à 1970, une époque où le nombre de mammifères marins était à son plus bas. Ainsi, la stabilité, ou même l’augmentation, d’une population ne signifie pas toujours son rétablissement ni son épanouissement. La tendance moyenne peut également masquer des diminutions en compensant les pertes avec des populations en augmentation, comme celle des loutres de mer.

La baleine bleue, le plus grand animal de notre planète, n’a pas encore réussi à surmonter son déclin laissé en héritage par la surexploitation. Et comme d’autres cétacés en péril, tels que l’épaulard résident du Sud et la baleine noire de l’Atlantique Nord, elle fait face à de nouvelles menaces comme les collisions avec des navires, le bruit sous-marin, la pollution, la surpêche et la capture accessoire qui la rapprochent de l’extinction.

Un castor avec une boite de texte qui dit "eau douce hausse de 5 %"
Castor © Sarah Pietrkiewicz

Les populations d’espèces des habitats d’eau douce sont restées stables à + 5 % en moyenne depuis 1970

Bien que les populations suivies dans les habitats d’eau douce montrent une tendance stable, plus de la moitié de ces espèces sont en déclin et plusieurs font face à des menaces grandissantes, comme le drainage des milieux humides, l’extraction de la tourbe, la pollution de l’eau et la prolifération d’espèces envahissantes.

Les populations d’oiseaux ont connu une forte croissance (hausse de 31 %) grâce à des interventions de conservation telles que le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, et certaines espèces qui étaient au bord de l’extinction en 1970, soit au début de la période de référence, sont maintenant sur la voie du rétablissement. En revanche, les reptiles et les amphibiens, y compris les tortues, ont connu un important déclin (diminution de 22 %) durant cette même période. Les poissons jouent un rôle important dans les écosystèmes d’eau douce, mais leurs populations sont peu suivies dans la plupart des régions du pays. En effet, selon le Rapport sur les bassins versants, 86 % des des sous-bassins versants manquent de données sur l’abondance des espèces de poissons. Plus de surveillance à long terme permettrait de mieux cerner la santé des écosystèmes d’eau douce.

Un loup gris avec une boite de texte qui dit "forêts baisse de 6 %"
Loup gris

Les populations d’espèces des habitats forestiers ont décliné de 6 % en moyenne depuis 1970

Les forêts couvrent plus du tiers du vaste paysage du Canada, et s’étendent sur l’ensemble des provinces et des territoires (bien que de façon très limitée dans la partie la plus méridionale du Nunavut). Ces habitats abritent des espèces aussi variées que la salamandre, la chouette, le caribou des bois et le lynx du Canada. Malgré une augmentation exponentielle de certaines populations d’oiseaux de proie au cours des cinq dernières décennies en raison d’actions de conservation telles que l’interdiction du pesticide DDT, les mammifères des habitats forestiers ont connu un déclin moyen de 42 %.

Un faucon pèlerin avec une boite de texte qui dit "à domination humaine baisse de 17 %"
Faucon pèlerin

Les populations d’espèces des zones urbaines ont décliné de 17 % en moyenne depuis 1970

Dans ces habitats, le paysage naturel a été converti pour l’utilisation humaine – les milieux humides ont été drainés ou fragmentés par des routes, les zones boisées ont été remplacées par des bâtiments d’habitation ou commerciaux, et les champs ont été transformés en terres agricoles. Alors que certaines espèces telles que le renard roux et le faucon pèlerin (après l’interdiction du DDT) ont réussi à s’adapter à l’urbanisation de leur milieu, d’autres, comme le porc-épic et le goglu des prés, luttent pour leur survie. Le martinet ramoneur, qui autrefois avait su s’adapter en troquant les troncs d’arbres pour des cheminées, a décliné de 90 % depuis 1970 en raison de la modernisation des cheminées et de la démolition des vieux bâtiments.

Les conclusions du Rapport Planète vivante Canada 2025 sont claires : la nature est en déclin, mais elle peut encore être sauvée – si nous agissons maintenant. Cliquez ici pour en savoir plus sur les tendances des populations d’espèces et les solutions pour favoriser leur rétablissement.