Partenariat de culture : notre travail auprès des agriculteur.trice.s pour restaurer le bassin versant du fleuve Wolastoq
Lorsqu’on s’en approche, on comprend assez rapidement pourquoi le fleuve Wolastoq porte un nom qui signifie « belle et généreuse rivière » dans la langue des Wolastoqiyik, le « peuple de la belle rivière ». La voie navigable de 700 kilomètres, aussi connue sous le nom de fleuve Saint-Jean, regorge de merveilles naturelles, du canard branchu qui niche le long de ses berges jusqu’au saumon de l’Atlantique sauvage, autrefois abondant, qui remonte le courant pour frayer.

Mais la beauté et l’abondance des richesses du bassin versant du Wolastoq sont également en péril.
Au cours des dernières décennies, le développement accru et les activités agricoles et forestières ont pollué l’eau et déstabilisé les berges, en plus de détruire de vastes étendues de forêts anciennes.
La dégradation de cet habitat s’est également aggravée en raison de l’augmentation des effets des dérèglements climatiques comme les supertempêtes et les inondations records, tous des évènements qui menacent la survie de près de 50 espèces en péril.
Depuis 2012, le WWF-Canada soutient le travail de nombreux organismes de conservation du Nouveau-Brunswick qui mènent des travaux de restauration indispensables dans le bassin versant du Wolastoq. Ensemble, nous progressons de manière constante et nous sommes toujours à la recherche de nouveaux partenaires, comme des agriculteur.rice.s dont les champs et les pâturages bordent un cours d’eau.
Nous célébrons également quelques victoires importantes, notamment la réalisation d’une analyse portant sur les moyens et les couts requis pour rétablir 40 de ces espèces en péril, et la revégétalisation réussie de berges auparavant érodées
Qu’est-ce qui fait le succès de notre approche collaborative? Nous avons discuté avec Kristyn Lyons, spécialiste associée, Restauration et régénération du WWF-Canada, et Lauren Verner, coordonnatrice du programme de conservation de Nature NB, pour le découvrir.

Qu’est-ce qui rend le Wolastoq si spécial?
Lauren Verner (LV): Le Wolastoq est depuis toujours un bassin versant sacré et important pour le peuple Wolastoqiyik, qui vit ici depuis des temps immémoriaux. C’est aussi un endroit riche en biodiversité. Quand autant de plantes, d’animaux, d’oiseaux et d’autres espèces travaillent ensemble dans un écosystème interconnecté, c’est notre responsabilité de veiller à la préservation de leurs habitats.
Pourquoi le travail de restauration du Wolastoq se concentre-t-il sur les zones riveraines, c’est-à-dire la zone tampon entre la terre et l’eau?
Kristyn Lyons (KL) : L’activité humaine n’a pas lieu en vase clos. Lorsqu’il s’agit de paysages fonctionnels, c’est-à-dire des lieux où les gens pratiquent l’agriculture et d’autres activités, nous voyons les effets en aval. Dans des endroits comme le Wolastoq, nous constatons qu’il est efficace de concentrer nos efforts sur les zones riveraines parce que nous pouvons ainsi laisser les solutions climatiques basées sur la nature faire une bonne partie du travail pour nous.
LV : Par exemple, nous plantons beaucoup d’arbres et arbustes indigènes dans les zones riveraines, en grande partie parce que leurs racines tiennent tout ensemble. Elles maintiennent le sol en place.
KL : Et les rivières ont besoin de bouger, de croitre et de fluctuer. Le manque de plantes autour pour absorber l’excès d’eau peut entrainer des inondations. La végétalisation de la zone riveraine équivaut un peu à planter des éponges. Par exemple, un érable argenté mature, arbre indigène au bassin versant, peut absorber jusqu’à 200 litres d’eau par heure. La restauration de la zone riveraine aide donc à atténuer les inondations et à freiner l’érosion. Cela améliore la situation en aval, crée des habitats pour les espèces et produit une cascade d’effets positifs.
Quel rôle jouent les agriculteur.rice.s et les autres propriétaires foncier.ère.s dans le cadre de ce travail?
KL : Plusieurs agriculteurs et agricultrices sont conscient.e.s de ce qui se passe. Ils.elles perdent une partie de leur terrain en raison de l’érosion des berges. Et vivent plus souvent des inondations.
LV : Nous ne pourrions pas accomplir ce travail sans le soutien des propriétaires foncier.ère.s, alors nous essayons de leur transmettre des informations et des connaissances. Nous discutons avec les agriculteur.rice.s et leur posons des questions : « Saviez-vous que si vous plantez toutes ces fleurs indigènes, vous pourriez augmenter le nombre de pollinisateurs, et par conséquent améliorer vos récoltes? » ou « Saviez-vous que si vous plantez certains arbustes ou arbres le long de cette zone riveraine, vous pourrez régler vos problèmes d’érosion? »
Au bout du compte, le travail de restauration que nous faisons peut être réellement utile pour le travail agricole.

Que se passe-t-il une fois que vous vous entendez pour travailler ensemble?
LV : Nous commençons généralement par visiter le site et discuter avec les propriétaires foncier.ère.s. Nous recommandons ensuite des actions qu’ils.elles peuvent prendre dans les zones riveraines, en fonction de ce qu’on appelle des « pratiques de gestion bénéfiques ». Si la végétation indigène est déjà présente, nous suggérons de la laisser pour qu’elle se développe. C’est une stratégie facile et populaire, parce qu’elle ne coute rien et ne requiert aucun effort. Si une végétalisation est requise par endroits, nous proposons certaines espèces d’arbres ou d’arbustes à planter.
KL : Nous essayons de rendre le processus le plus facile possible pour les agriculteur.rice.s. Généralement, notre seule exigence est qu’ils.elles donnent accès à leur terrain à nos partenaires et qu’ils.elles acceptent d’entretenir les arbres et arbustes plantés.
Nous savons que les bienfaits des solutions climatiques basées sur la nature peuvent mettre beaucoup de temps à se manifester. Comment savez-vous que des projets comme ceux-ci fonctionnent?
LV : Est-ce que les arbres plantés survivent et poussent? Il est généralement possible de constater ceci à court terme, après un an ou deux, et il s’agit d’un indicateur que nous sommes sur la bonne voie.
Les espèces ont aussi tendance à réagir très rapidement à la restauration riveraine, en particulier les oiseaux. Alors si on constate une augmentation de la présence d’espèces, c’est généralement un bon signe.
KL : Un autre indicateur, c’est que les agriculteur.rice.s et propriétaires foncier.ère.s discutent du projet avec leurs voisin.e.s. Lorsqu’on voit le travail parler de lui-même sur le terrain, cela démontre, pour moi, qu’il y a un changement de paradigme.
Nous savons que les gens vivent ici. Ce sont des paysages fonctionnels. Ils ne seront jamais « vierges » et ce n’est pas nécessairement ce que nous souhaitons. Mais la nature sait ce qu’elle fait. Plus nous nous rapprochons des plans originaux de la nature pour ces écosystèmes, plus ils seront en mesure de prendre soin d’eux-mêmes.
Ce projet bénéficie du soutien financier d’Environnement et Changement climatique Canada par l’entremise du Fonds de la nature du Canada – Lieux prioritaires pour les espèces en péril et de la Fondation Hewitt.