Virée faunique dans la toundra
James Snider
Je suis avec mon collègue et vétéran de l’Arctique Monte Hummel – président honorifique du Fonds mondial pour la nature Canada – et nous nous tenons au pied de l’esker de la fable, au sud de l’île Victoria, et bien que le soleil ne se soit pas couché ici depuis le 21 mai – et ne le refera pas avant la fin juillet – nous sommes face à une immense étendue de neige et de glace.
Hummel (c) James Snider/WWF-Canada
Nous sommes venus ici, dans la communauté de Cambridge Bay, pour rencontrer les membres de la Commission d’aménagement du Nunavut et, à la suite d’une série de rencontres, quelques-uns de nos hôtes se sont offerts à nous emmener faire un tour, histoire de nous donner une chance d’apercevoir quelques animaux étroitement associés à la culture et à la vie des Nunavummiut.
Je rêve de voir un caribou ou un bœuf musqué. C’est qu’il y a déjà quelques années que je fréquente l’Arctique – j’ai notamment cartographié des tenures minières dans les lieux de mise bas des troupeaux de caribous de Beverly et Qaminirjuaq, mais je n’ai encore jamais vu de caribou à l’état sauvage.
Je n’ai pas été déçu. Quelques minutes à peine après avoir coupé le moteur de nos motoneiges au pied de l’esker, nous avons vu deux corbeaux protégeant leur nid de bois de caribou, de branchettes de saule et de poils de bœuf musqué, contre un couple de buses pattues. Un peu plus loin se tenait un petit groupe de grues du Canada, bien droites au milieu de la toundra.
Mike Townsend, employé de la Commission et résident de Cambridge Bay, nous proposer de nous aventurer autour de l’autre flanc de la plus haute colline pour voir si on n’y apercevrait pas autre chose.
Nous poursuivons donc notre chemin sur la surface gelée du lac Grenier, jusqu’à ce que Monte nous fasse signe de nous arrêter. Il montre l’horizon, et l’on aperçoit au loin trois caribous de la toundra et, à notre gauche, à quelques pieds à peine, des pistes de caribous dans la neige, qui nous mènent à un groupe un peu plus nombreux de ces magnifiques bêtes.
Nous décidons de contourner le petit troupeau pour tenter de les voir de plus près sans les déranger. De retour sur nos motoneiges, nous franchissons la colline, mais les caribous semblent toujours aussi loin. Je sui un peu déçu que nous n’ayons pas réussi à les approcher de plus près, mais j’entends soudainement un bref « regardez à gauche! », et j’aperçois un gros groupe de bœufs musqués!
Le vent glacial pince mon visage tandis que nous traversons le lac Long sur le chemin du retour, mais je suis ravi… j’ai vu des caribous et des bœufs musqués! À notre droite, nous voyons quelque chose d’assez gros à demi enfoui sous la neige étincelante. Nous nous approchons et trouvons un bœuf musqué mort. Il n’est sans doute pas tombé depuis longtemps, mais il est gelé dur; la vie est difficile ici.
Nous nous approchons maintenant de la ville, mais nous voyons au loin un autre groupe de caribous et un bœuf musqué solitaire, quelques cygnes siffleurs et oies blanches, bruants lapons, goélands et bruants des neiges. Nous avons vu une faune d’une telle diversité en moins de deux heures et je ne peux m’empêcher de penser que je suis dans un lieu vraiment incroyable. Cela jette une lumière nouvelle sur les enjeux liés à ce projet de Plan d’aménagement du territoire du Nunavut.
Je ne peux qu’essayer d’imaginer de quoi aura l’air cet endroit dans dix ou vingt ans. Y aura-t-il encore de la glace marine en mai? La population pourra-t-elle encore tirer sa subsistance des animaux comme le caribou et le bœuf musqué? Ces espèces – ces ressources – seront-elles alors en nombre suffisant?
Malgré toutes ces questions, j’espère pouvoir revenir ici un jour pour assister à l’arrivée du printemps dans la toundra arctique.