Une semaine de travail… que j’aurais voulu poursuivre encore et encore!

Mathieu Lebel, conseiller en gestion de l’eau
Dans un récent blogue, Emily Giles et moi-même expliquions brièvement ce qui nous fascine tant chez l’esturgeon jaune.  Imaginez mon enthousiasme quand on m’a offert d’assister à un projet de recherche concertée menée par le ministère de l’Alberta chargé du développement durable des ressources (Sustainable Resource Development) et Pêches et Océans Canada, en collaboration avec l’université de Lethbridge, sur l’esturgeon jaune dans la partie albertaine de la rivière Saskatchewan-sud. La recherche vise à documenter la stratégie de rétablissement des populations d’esturgeon jaune ainsi que la décision d’inscrire l’espèce en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
Le projet de recherche est assez intensif et prévoit le déploiement et la cueillette de récepteurs de données (environ 40) dans la rivière, la capture et le marquage d’esturgeons jaunes à un certain nombre d’endroits, et le suivi des déplacements des poissons au moyen des récepteurs et par bateau. J’ai eu la chance de faire un peu de tout ça pendant la semaine que j’ai passée sur le terrain avec Christine Lacho, la responsable de la recherche (université de Lethbridge), et Eztiaan Groenewald, du ministère albertain du développement durable.

Christine et moi relâchons un esturgeon jaune adulte dans la rivière Oldman © WWF-Canada/Mathieu Lebel
Évidemment, la capture des poissons a été une partie bien agréable du travail sur le terrain, car l’esturgeon jaune est un poisson vigoureux qui peut faire des bonds prodigieux hors de l’eau. Nous avons capturé plusieurs adultes et des jeunes, et l’excitation de la capture n’a fait que croître à mesure qu’avançait la semaine… qui a malheureusement fini par finir.
Le projet de recherche visant entre autres à mieux comprendre la dynamique et la croissance des populations, tous les esturgeons jaunes que nous avons attrapé ont été rapidement mesurés, pesés, marqués et munis d’un transpondeur intégré passif, et l’on a prélevé un petit échantillon de nageoire pectorale qui permet de déterminer l’âge du poisson, avant de les remettre à l’eau. La recherche vise cependant surtout à en apprendre davantage sur la répartition de la population, les habitudes de déplacement des poissons, l’usage des habitats saisonniers, et les lieux des habitats potentiellement d’importance critique. Pour réaliser tout cela, des marqueurs acoustiques ont été insérés par voie chirurgicale dans certains adultes et un petit nombre de jeunes. Ces marqueurs acoustiques transmettent un signal aux récepteurs de données, ce qui permet aux chercheurs et organismes gouvernementaux de cerner les endroits qui constituent les principaux habitats de l’esturgeon jaune, à quelle époque et pendant combien de temps ces endroits sont fréquentés par les poissons, et l’ampleur et le moment des déplacements des poissons entre les divers habitats.

Christine et Eztiaan téléchargent l’information d’un récepteur de données © WWF-Canada/Mathieu Lebel
Autre élément clé du travail sur le terrain, la récupération des récepteurs de données déposés dans le fonds de la rivière, retracés par GPS et « pêchés » au moyen de grappins. Ça a l’air simple, comme ça, mais c’est que la rivière peut très bien entraîner un récepteur à une certains distance de l’endroit où il avait été déposé. Une fois le récepteur attrapé dans son grappin, il s’agit de le hisser dans le bateau – lui et le bloc de béton d’une bonne trentaine de kilos auquel il est attaché. Nous étions donc tous très heureux une fois tous les récepteurs récupérés, surtout parce qu’ils contiennent une mine d’information qu’il suffit ensuite de télécharger… et d’interpréter afin de mieux comprendre et, ultimement, protéger l’esturgeon jaune.
De retour à mon bureau, je pense avec admiration aux chercheurs pour leur volonté et leur détermination, et à toutes les ressources mises à contribution dans le cadre de ce projet. Et bien sûr, je suis encore plus fasciné par l’esturgeon jaune. Je crois bien que je n’oublierai jamais tout ce que j’ai vu et appris sur ce poisson d’un autre âge, et des chercheurs avec qui j’ai vécu une expérience extraordinaire pendant cette trop courte semaine. Les travaux se poursuivent sur le terrain, alors il faudra un moment avant que les conclusions de la recherche soient disponibles. D’ici là, je vous invite à continuer de vous tenir au courant des projets de rétablissement et de conservation de l’esturgeon jaune et des rivières qui les abritent et dont dépend leur survie.