Planet in Focus – La reine malade

Matthew Higginson, LEAF
Voyez d’autres comptes rendus de films présentés dans le cadre du festival de films Planet in Focus, parrainé par le WWF.
Scène d’ouverture : un long plan d’un camion roulant sur une route de terre dans les Laurentides, au Québec. Le camion s’approche de la caméra et l’on entend Kalonji jouer à tue-tête. C’est ainsi que le réalisateur Pascal Sanchez nous présente Anicet Desrochers, amateur de reggae et apiculteur passionné. Sa famille, qui a gagné de nombreux prix pour son miel et son hydromel, ne travaille que selon les méthodes traditionnelles, et n’aime pas se faire qualifier d’innovatrice. « On ne fait que suivre la tradition en apiculture », affirme Anicet. Quant à moi, je suis déjà séduit.
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Nous suivons Anicet pendant qu’il parcourt ses champs immenses et qu’il nous parle de la différence entre le miel que produisent les abeilles qui butinent un champ de sarrasin et le miel produit à partir d’autres fleurs. Je salive déjà. La biodiversité produit du bien meilleur miel, dit-il, et les champs de culture biologique diversifiée gardent ses abeilles en santé. Plus tard, tandis qu’il vérifie que ses protégées ont accès – avant l’hiver – à suffisamment de fleurs d’asclépiade et autres plantes productrices de pollen stimulant le système immunitaire, on se rend bien compte que sa préoccupation pour le bien-être de ses abeilles n’est pas une question d’affaires.
Mais Anicet a une autre passion, il aide d’autres apiculteurs en produisant des reines et en les envoyant à travers la province, quasiment une à une. On est plongé dans un autre monde, et l’on se rend compte qu’il s’agit véritablement d’un art complexe. Lorsque la production baisse – l’année du tournage, la région a produit environ la moitié moins que sa moyenne – la philosophie d’Anicet se révèle. Pourquoi travaille-t-il si fort à aider les autres apiculteurs? Parce qu’il tente à sa manière d’encourager les entreprises régionales à voir au-delà des chiffres et à bâtir une communauté. Anicet, on l’aura compris, ne croit pas à la production à grande échelle – qu’il s’agisse de bœuf ou d’abeilles.
Pascal Sanchez nous fait rencontrer d’autres apiculteurs, et l’on ne peut pas ne pas se rendre compte qu’ils s’embrouillent dans leurs colonnes de chiffres et qu’ils arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Pendant ce temps, Anicet se promène partout pour aller chercher des prix pour la qualité de ses produits… on dirait bien qu’il y a du bon à sa méthode!
Je l’avoue, ce film a été une révélation pour moi par sa démonstration d’une apiculture plus durable, par son illustration de la triste réalité qui attend les abeilles, ces grandes pollinisatrices de notre monde. Le réalisateur a choisi de ne pas nous montrer les conséquences de notre mode de production alimentaire, mais Anicet, lui, ne se gêne pas pour affirmer candidement que nous si nous continuons de pousser l’environnement à bout, on en fera forcément les frais.
Le film se termine sur Anicet, qui vérifie la santé de ses abeilles après la première chute de neige. Il examine chaque ruche avec attention, comme une mère poule comptant ses poussins, puis il se tourne vers la caméra et arbore un large sourire rassuré : ses abeilles sont vivantes! S’il y a un avenir pour l’agriculture, moi je parierais sur un gars comme Anicet Desrochers!