COP15 : Le monde regarde. Le temps presse. La nature attend.

Environ 17 000 délégué.e.s de près de 200 pays et des ONG comme le WWF – nous avons du personnel de 30 bureaux à travers le monde – occupent ces jours-ci le Palais des congrès de Montréal pour le sommet des Nations unies sur la biodiversité, soit la COP15.

Nous partageons tou.te.s un objectif crucial : freiner et renverser la destruction accélérée de la nature et empêcher la disparition potentielle d’un million d’espèces. En outre, nous devons trouver comment financer ce processus tout en garantissant qu’il soit équitable et efficace.

Une projection sur le mur est du Palais de justice se lit : « La nature est notre meilleure alliée pour contrer la crise climatique »
Pour augmenter la pression populaire sur les négociateur.rice.s à la COP15, le WWF a projeté ce message bilingue sur le Palais de justice de Montréal.

Au cas où vous vous demanderiez à quel point cet objectif est vital, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, n’a pas mâché ses mots dans son allocution d’ouverture. « Avec notre appétit sans fond pour la croissance économique non maîtrisée et inéquitable, l’humanité est devenue une arme de disparition massive, a-t-il averti. Cette conférence a pour objet la tâche urgente de faire la paix. »

Sur cette note, les négociateur.rice.s visent à élaborer une entente ambitieuse (le Cadre mondial de la biodiversité) en identifiant 22 cibles, comme la protection de 30 % de la planète avant 2030.

Hundreds of delegates at the main plenary session at COP15
Session plénière d’ouverture de la COP15 le 7 décembre 2022 © Joshua Ostroff

Mais l’ambition n’est rien sans des mécanismes de mise en œuvre et de suivi contraignants. Après tout, la dernière fois que ce groupe a élaboré une décennie de protections pour la nature – à la conférence d’Aichi, au Japon, en 2010 – aucune des cibles n’a été complètement atteinte.

Une autre différence majeure à la COP15 est l’attention hautement accrue donnée au savoir, au leadership et aux droits des Autochtones touchant les terres et les eaux, un point clairement identifié d’entrée de jeu lorsque le discours d’ouverture du premier ministre Justin Trudeau a été interrompu par des chants et du tambour anticoloniaux de protestataires autochtones.

« Avec un peu de chance, ceci est l’ère où nous tournons la page et permettons aux peuples autochtones de déterminer eux-mêmes leur avenir, et laissons le gouvernement trouver un moyen de les soutenir et d’aller de l’avant, » a déclaré quelques jours plus tard Paul Okalik, le spécialiste principal de l’Arctique du WWF-Canada, après notre panel sur la conservation menée par les Autochtones.

« Les Inuit.e.s, et nos concitoyen.ne.s autochtones de partout dans le monde, avons besoin d’un soutien continu. Laissez-nous diriger au lieu de nous dire quoi faire tout le temps. Ce doit être nous qui décidons de notre propre destin et qui prenons nos propres décisions. Nous faisons cela depuis un bon bout de temps et nous le faisons bien. Cela nous a permis d’avancer jusqu’à aujourd’hui et nous aimerions continuer – et le gouvernement devrait soutenir cet effort. »

Jusqu’à présent, pendant le sommet, le Canada a annoncé des investissements suivant ses prétentions, avec l’annonce de 350 millions de dollars pour soutenir les efforts en matière de biodiversité dans les pays en développement.

Cela a été suivi de 800 millions de dollars pour quatre efforts de conservation à grande échelle dirigés par des Autochtones couvrant près d’un million de kilomètres carrés, notamment un projet dans la zone marine du Grand Ours par 17 Premières Nations côtières de la Colombie-Britannique; un vaste projet dirigé par la Qikiqtani Inuit Association au Nunavut; un projet de forêt boréale et d’eau douce couvrant les Territoires du Nord-Ouest, dirigé par 30 gouvernements autochtones dans le cadre de l’Indigenous Leadership Initiative; et un projet du Conseil Mushkegowuk dans le nord de l’Ontario pour gérer les basses terres de la baie d’Hudson et de la baie James, le troisième plus grand milieu humide sur la planète et une réserve de carbone mondialement importante.

Le ministre canadien de l’environnement, Steven Guilbeault, a également annoncé les 14 premiers projets récipiendaires de l’initiative Solutions climatiques naturelles dirigées par les Autochtones, que la présidente-directrice générale du WWF-Canada, Megan Leslie, a qualifiée d’exemple important de la façon de soutenir simultanément la réconciliation, la biodiversité et l’action climatique.

Une scène bondée par les Autochtones et le ministre de l'Environnement dans le centre, tou.te.s posant pour une photo de groupe
Annonce d’un réseau national de gardien.ne.s autochtones dans le pavillon du Canada à la COP15 © Joshua Ostroff

« Accélérer le déploiement de programmes comme celui-ci est exactement ce dont nous avons besoin si nous voulons atteindre nos objectifs ambitieux, a déclaré Megan Leslie. Nous sommes impatient.e.s de voir les impacts durables de ce réseau national de gardien.ne.s autochtones et espérons le voir continuer à se développer. »

Pendant ce temps, la session plénière d’ouverture s’est scindée en divers groupes de travail, panels et événements parallèles pour débattre des points de l’ordre du jour, des objectifs et des cibles. Mais le week-end dernier, les négociateur.rice.s n’étaient parvenu.e.s à un consensus que sur trois objectifs sur 22, ce qui fait craindre que la politique ne menace de prendre le dessus.

Alors que les ministres de l’environnement de chaque pays arrivent plus tard cette semaine pour le segment de haut niveau destiné à finaliser le cadre, il pourrait leur incomber de se souvenir des paroles de la jeune militante pakistanaise Aisha Siddiqa lors de la conférence de presse quotidienne du WWF de vendredi dernier.

« Je ne sais pas combien d’années, combien de panels ni combien de conférences il faudra pour réaliser cette entente. Mais il viendra un moment, et il est très proche, où vous ne pourrez plus négocier avec la nature. Parce que ce qu’il faut savoir à propos de la nature, c’est qu’elle est puissante; plus puissante que nous tou.te.s. »

Des manifestant.e.s tenant des pancartes probiodiversité
Des sympathisant.e.s du WWF à l’intérieur du Palais des congrès à la COP15

Ce qui s’en vient d’ici la fin de la COP15

Bien que des progrès aient été réalisés vers un accord fondé sur les droits, y compris de nouvelles discussions sur le droit à un environnement sain, il reste encore un long chemin à parcourir dans cette dernière étape pour arriver à un cadre ambitieux, transformateur et mesurable.

Selon le personnel du WWF qui participe aux négociations, il semble toujours que les pays s’engageront à conserver au moins 30 % de la planète, à protéger les droits des peuples autochtones et des communautés locales et à mobiliser des ressources pour financer la conservation dans les régions en développement.

Les ministres de l’environnement de tous les pays arriveront en milieu de semaine pour finaliser le cadre, mais beaucoup de textes restent en suspens et des sonnettes d’alarme retentissent. Nous surveillerons comment les pays prévoient mettre en œuvre le cadre – la partie de la négociation qui garantira que les objectifs seront atteints à l’approche de 2030 – et toute tentative d’édulcoration ou de retard.

« Les négociateur.rice.s se sont, pour la plupart, concentré.e.s sur des détails plutôt que sur des éléments importants où un compromis doit être forgé si le monde veut obtenir un accord mondial ambitieux sur la biodiversité à Montréal. Il reste beaucoup à faire dans les prochains jours », a averti Lin Li, directrice principale des politiques et du plaidoyer du WWF International.

« Le WWF exhorte les pays à se rappeler pourquoi ils sont ici : l’humanité et les espèces sont confrontées à une crise croissante de la biodiversité qui menace toute vie sur Terre. Nous devons travailler ensemble pour protéger notre maison unique. »

Cet article a d’abord été publié dans notre infolettre Carnets de terrain. Cliquez ici pour vous abonner!