Autorisation de forages à Cacouna: une décision qui fait fi de la science
Malgré la désignation du béluga comme espèce « menacée » en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada, et malgré ses propres lois de protection de l’environnement, Québec vient d’autoriser l’entreprise TransCanada Pipelines (TCPL) à réaliser d’importants travaux préliminaires de forage en vue de construire un port pétrolier à Cacouna, près de Rivière-du-Loup, au cœur de l’habitat essentiel du béluga. Ce port servirait à expédier d’énormes volumes de pétrole brut provenant des sables bitumineux de l’Alberta – jusqu’à 1,1 million de barils à la fois – vers de plus lucratifs marchés internationaux.
Cette autorisation va à l’encontre de la meilleure science disponible sur la survie du béluga. Même la respectée Society for Marine Mammology, le plus grand regroupement mondial de scientifiques voués à l’étude des mammifères marins, exprimait récemment ses inquiétudes relativement au projet dans une lettre transmise notamment aux premiers ministres Harper et Couillard.
Des groups environnementaux ont d’ailleurs depose cette semaine une demande d’injonction pour empêcher la compagnie de procéder à ces activités de forage.
Depuis quelques années, on note un déclin de la population de bélugas du Saint-Laurent. On ne dénombre aujourd’hui que quelque 900 individus.
©GREMM
Il s’agit de la population de bélugas la plus étudiée dans le monde. Les nombreuses études menées sur cette population par des scientifiques de haut niveau depuis trois décennies ont permis d’inscrire un important programme de rétablissement du béluga au registre public de la Loi sur les espèces en péril. Or, ce programme désigne clairement le secteur de Cacouna-Rivière-du-Loup, la « pouponnière » du béluga, comme faisant partie de son habitat essentiel dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Ce programme de rétablissement vise la protection du béluga par une saine gestion de l’ensemble des activités humaines qui posent une menace à sa survie. Ce sont ces mêmes activités qui ont d’ailleurs mené le béluga du Saint-Laurent à l’état lui méritant aujourd’hui le statut d’espèce en péril.
Le projet de port pétrolier de Cacouna et toutes les activités qui en découleront – forage exploratoire et sondages sismiques, notamment – dans cet habitat essentiel du béluga posent d’immenses risques et menacent le rétablissement de cette population, particulièrement dans les environs immédiats de son habitat essentiel au large de Cacouna et Rivière-du-Loup.
Il ressort clairement des données disponibles et de l’opinion des experts que l’activité humaine – qu’il s’agisse de battage de pieux, de forage ou de toute autre activité bruyante – menée dans ces zones marines extrêmement importantes à cette période de l’année pour une population de bélugas menacée, constituerait un obstacle sans précédent au rétablissement de l’espèce. De fait, ce type d’activités est reconnu pour éloigner les animaux de leurs zones de prédilection – or ces zones sont synonymes de nourriture, de lieu de repos, de pouponnière, etc., autant d’activités essentielles à la survie de l’espèce.
Les conditions soi-disant « sévères » imposées à TransCanada par Québec n’atténuent en rien la nature dommageable pour le béluga des activités que s’apprête à réaliser l’entreprise. Ainsi, nous sommes extrêmement inquiets de ce projet et jugeons qu’une telle activité industrielle dans un habitat essentiel des bélugas est contraire aux objectifs des lois environnementales du Québec et du Canada à l’égard de la protection de la biodiversité.