Au-delà des cibles : pleins feux sur les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James

« Les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James sont recouvertes de tourbières qui constituent des zones de stockage du carbone d’importance mondiale. Ces zones riches en carbone, appelées “terres qui respirent” par nos aîné.e.s, ont une valeur culturelle considérable pour les communautés de la région. » – Vern Cheechoo, directeur du territoire et des ressources, Conseil Mushkegowuk

Tourbières de la région des basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James © James Snider / WWF-Canada

Avec les crises de la nature qui empirent, le rapport Au-delà des cibles du WWF-Canada présente le résultat de données compilées et analysées pour soutenir la maximalisation des bénéfices en matière de biodiversité et de climat découlant des décisions sur l’établissement d’aires protégées.

Avant toute chose, notre rapport met l’accent sur le fait que ce type d’analyse n’est utile à la prise de décisions que si ces dernières sont cohérentes avec les priorités, les droits et la gouvernance des peuples autochtones. Le rapport met également en lumière les aires protégées et de conservation autochtones (APCA) en tant qu’exemples de raisons pour lesquelles la conservation menée par les Autochtones devrait être priorisée pour l’établissement d’aires protégées, sans égard pour les résultats de notre analyse spatiale sur les contributions estimées par habitat pour les espèces en péril, les réserves de carbone, la résilience climatique et la connectivité écologique.

Le WWF-Canada va maintenant au-delà du sujet initial d’Au-delà des cibles avec la mise en lumière de lieux où les valeurs de conservation sont particulièrement hautes, en commençant par les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James (BHBJ) qui incluent environ 5 millions d’hectares d’habitats uniques non représentés dans le réseau d’aires protégées du Canada, et encore largement laissées sans protection bien que d’importance mondiale.

Les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James

Traversant le nord de l’Ontario et s’étirant jusqu’au Manitoba et au Québec, les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James sont le milieu de vie de plusieurs communautés autochtones, incluant sept Premières Nations Mushkegowuk, ainsi que des terres et des eaux d’extrême importance pour la biodiversité et les objectifs climatiques nationaux et mondiaux. Une grande partie de la richesse de cette écologie est le résultat de l’intendance autochtone depuis des milliers d’années.

Cela place la région au cœur des discussions à propos de la protection à grande échelle du carbone de la nature à travers des tourbières d’importance mondiale, des zones forestières et côtières, mais aussi pour ses concentrations d’espèces terrestres et marines.

Des milliards de tonnes de carbone

Le deuxième plus grand complexe de tourbières au monde – qui emmagasine des milliards de tonnes de carbone d’écosystème irrécupérable accumulé depuis des milliers d’années – est menacé par des pressions industrielles grandissantes. Des activités comme l’exploitation minière et les infrastructures associées (p. ex. des routes) perturberaient un habitat essentiel et relâcherait potentiellement dans l’atmosphère des millions de tonnes de carbone actuellement emmagasiné.

Aerial view of the landscape typical of the Hudson Bay Lowlands, Ontario, Canada
Vue aérienne des basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James © K. Rühland

En réponse, le Conseil Mushkegowuk a déclaré un moratoire sur tout le développement dans le Cercle de feu situé en amont jusqu’à ce qu’un plan de protection soit mis en place. Un processus de planification adéquat est nécessaire pour évaluer les risques du développement, y compris pour les milieux humides, les rivières et la zone côtière en aval.

Le Conseil Mushkegowuk travaille avec les Premières Nations Matawa voisines sur une stratégie conjointe pour assurer une forte implication autochtone dans le processus d’évaluation régionale aux côtés de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.

Des millions d’oiseaux migrateurs

Depuis les parulines à couronne rousse et les huards jusqu’à la sauvagine et autres oiseaux de rivage, des millions d’entre eux font escale dans les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James durant leurs migrations. Certains de leurs habitats essentiels sont considérés zones clés pour la biodiversité (ZCB) – l’approche la plus reconnue à l’international pour identifier les régions selon leur contribution éprouvée scientifiquement à la protection de la biodiversité mondiale et canadienne – mais ne bénéficient encore d’aucune protection officielle.

À l’heure actuelle, deux de ces zones sont déjà situées dans l’aire marine de conservation Mushkegowuk proposée. Elles ont été désignées ZCB à cause de leur importances pour les oiseaux et les ours polaires. Sept autres zones de la région sont en cours d’évaluation pour savoir si elles répondent aux critères des ZCB.

Parmi les derniers grands écosystèmes intacts du monde

Un des rares grands écosystèmes intacts du monde, les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James incluent de vastes étendues d’écosystèmes forestiers intacts qui fournissent un habitat au caribou boréal menacé ainsi que plusieurs systèmes de rivières à courant libre qui ne sont pas altérées par des barrages et qui fournissent des habitats pour des espèces comme l’esturgeon jaune.

Aerial image of a river in the Hudson and James Bay Lowlands
Hudson and James Bay Lowlands from the air © James Snider

Des millions d’hectares avec peu ou pas de protection

Le territoire traditionnel de la Première Nation crie de Mushkegowuk s’étend du pergélisol subarctique au nord, qui abrite aussi les ours polaires, jusqu’à la forêt boréale dans le sud de la région, où on trouve des espèces comme le carcajou, le caribou et le lynx. La vaste étendue de tourbières au centre, un vaste complexe de milieux humides et de zones côtières, fournit un habitat aviaire et une réserve de carbone d’importance mondiale.

Il y a au moins 2,6 millions d’hectares d’habitats uniques dans le territoire mushkegowuk qui ont peu ou n’ont pas de représentation au sein du réseau actuel d’aires protégées. Onze zones totalisant 1,46 million d’hectares ont aussi été identifiées dans notre analyse comme ayant reçu le plus grand pointage de conservation en Ontario, ce qui les place en tête de liste des priorités de conservation de tout le pays.

La Première Nation Moose Cree, une des sept communautés mushkegowuk, travaille depuis 2002 à protéger formellement plus de 500 000 hectares du bassin versant de la rivière North French en tant qu’aire protégée désignée. Cette région inclut certaines des plus grandes valeurs de conservation de la région qui ne sont pas représentées parmi le réseau actuel d’aires protégées.  Depuis 2019, la Première Nation Moose Cree travaille à établir une APCA afin de protéger ces lieux importants, mais leur appel à la protection n’a pas encore été entendu par le gouvernement de l’Ontario.

La conservation menée par les Autochtones

Map of Mushkegowuk territory
Carte du territoire Mushkegowuk © Mushkegowuk Council

Pour réussir la conservation efficace du carbone des écosystèmes au pays, y compris des endroits mondialement importants comme les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James, nous devons reconnaitre les leçons et le leadership des peuples autochtones qui assurent avec succès l’intendance de ces terres de façon saine et résiliente. La conservation menée par les Autochtones exige reconnaissance et résolution des droits sur le territoire, ainsi que ressources financières pour permettre des économies durables basées sur la conservation.

Tel qu’il est décrit dans la rapport Au-delà des cibles, l’établissement d’aires protégées au Canada ne peut continuer selon l’approche habituelle. La double crise du climat et de la perte de biodiversité exige que de nouvelles aires protégées luttent contre les deux à la fois, et notre responsabilité de faire progresser la réconciliation exige la priorisation des droits et des titres autochtones.

C’est pourquoi nous avons besoin d’un nouveau modèle en matière de conservation qui :

  • Priorise les APCA et assure que les aires protégées non encore désignées comme APCA soient développées en mises en œuvre avec le consentement autochtone, la reconnaissance des droits et des titres territoriaux et l’intégration des systèmes, du leadership et de l’intendance autochtones.
  • Crée de nouveaux outils financiers qui prennent en compte l’établissement, la gestion et l’intendance à longue échéance des aires protégées, afin qu’elles offrent des bénéfices prolongés pour la biodiversité et le climat pendant plusieurs siècles.
  • Développe de nouveaux outils légaux pour l’avancement des APCA, où les outils existants en matière d’établissement d’aires protégées sont limités – tel qu’identifié par le Cercle autochtone d’experts durant le processus d’En route vers l’objectif 1.
  • Garantisse que les gouvernements de la Couronne reconnaissent et soutiennent les APCA lorsqu’elles sont unilatéralement déclarées par les nations autochtones en reconnaissance de leur autodétermination et de leur autogouvernance.