La plupart des rivières sauvages à courant libre les plus longues d’Amérique du Nord se trouvent au Canada

Eau douce

MONTRÉAL, 8 mai 2019 — À peine plus d’un tiers (37 %) des 246 rivières les plus longues de la planète coulent encore librement, selon une nouvelle étude publiée dans le journal scientifique Nature. En Amérique du Nord, une proportion de 73 % de ces rivières se trouvent au Canada. Partout sur la planète, des barrages et réservoirs réduisent drastiquement les avantages offerts par les rivières saines aux communautés et aux espèces.

Réalisée par une équipe internationale de chercheur.se.s incluant deux expert.e.s du WWF-Canada, l’étude souligne la position enviable du Canada dont 92 % de la longueur totale des rivières coule librement.

Bien que ce soit une nouvelle positive pour les écosystèmes et les espèces d’eau douce du pays, les récentes recherches du WWF-Canada mettent en lumière les manques à gagner pour garantir la santé de ces rivières dans le futur :

  • En 2017, le Rapport sur les bassins versants du WWF-Canada, une évaluation sans précédent de la santé des bassins versants et des facteurs de stress qu’ils subissent, concluait que les deux tiers des bassins versants canadiens manquent de données pour comprendre la santé de leur écosystème, ou pour prendre des décisions de gestion éclairées par la science.
  • Le WWF-Canada a identifié les 10 plus longues rivières sauvages du Canada, dont le courant libre n’est pas affecté par la pollution, la perte ou la fragmentation des habitats, la surutilisation de l’eau, les espèces envahissantes, les dérèglements climatiques ou l’altération des débits. Ces rivières ont des avantages écologiques, culturels et communautaires importants, mais elles manquent cruellement de protection.
  • L’évaluation de la protection du territoire pour les espèces par le WWF-Canada mesure la représentation des habitats du pays au sein du réseau canadien d’aires protégées. Il conclut que nous ne préservons pas les habitats d’eau douce essentiels aux espèces, y compris les lacs, les rivières et les zones humides.

Elizabeth Hendriks, vice-présidente des écosystèmes d’eau douce au WWF-Canada :
« Cette étude confirme ce que plusieurs d’entre nous savions déjà : le Canada est exceptionnellement abondant en rivières sauvages et en rivières à courant libre. Nous avons l’immense responsabilité de protéger notre richesse en eau douce. Mais la protection de nos rivières est cruellement déficiente. C’est comme si nous avions hérité d’un bijou inestimable mais que nous avions oublié de l’assurer.

Dans plusieurs cas, nous ne savons simplement pas comment la santé de l’eau douce et des espèces est affectée par les facteurs de stress qui découlent de l’activité humaine. Nos aires protégées négligent, pour la plupart, les écosystèmes et les habitats d’eau douce, au moment même où les dérèglements climatiques nous incitent à nous éloigner des combustibles fossiles, créant encore plus de nouvelles demandes sur nos systèmes d’eau douce les plus sensibles.

Nous pensons que des solutions axées sur la science ainsi qu’une collaboration avec les industries et les gouvernements pour assurer une transition nationale réussie vers une économie sobre en carbone ne doit pas se faire aux dépens de nos rivières à courant libre. Il est temps d’identifier les aires qui doivent être protégées, pour le bien-être des espèces et des communautés. Ne laissons pas l’avenir de nos rivières sauvages et de nos rivières à courant libre au hasard. »

À propos de la nouvelle étude parue dans Nature:
Une équipe de 34 chercheur.se.s internationaux.les issu.e.s de l’Université McGill, du Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada) et de diverses institutions ont évalué la connectivité de 12 000 000 km de rivières à travers le monde, réalisant la toute première étude mondiale sur l’emplacement et la longueur des dernières rivières à courant libre de la planète.

Les chercheur.se.s ont determiné que seules 21 des 91 rivières du monde ayant une longueur supérieure à 1000 km, et qui atteignaient la mer à l’origine, conservent à ce jour leur connexion directe entre la mer et leur source. Les dernières rivières à courant libre de la planète sont largement confinées aux régions éloignées de l’Arctique ainsi que des bassins amazonien et congolais.

« Les rivières de la planète forment un réseau complexe de connexions essentielles entre la terre, l’eau souterraine et l’atmosphère, rappelle l’auteur principal de l’étude, Günther Grill du département de géographie de l’Université McGill. Les rivières à courant libre sont aussi importantes pour les humains que pour l’environnement. Pourtant, le développement économique les rend extrêmement rares dans le monde. En utilisant l’imagerie satellite combinée à d’autres données, notre étude examine, plus que jamais, l’importance de ces rivières. »

Les barrages et les réservoirs sont les principaux facteurs de perte de connectivité des rivières dans le monde. L’étude estime qu’il y a environ 60 000 grands barrages sur la planète. Plus de 3700 barrages hydroélectriques sont annoncés ou en voie d’être construits. Ils sont souvent bâtis en tant que projets individuels, ce qui rend l’évaluation de leurs impacts sur l’ensemble du bassin ou de la région plus difficile.

« Cette toute première carte nous permet de prioriser et de protéger les dernières rivières à courant libre du monde, qui sont des bouées de sauvetage pour les espèces et les communautés de la planète », souligne Michele Thieme, spécialiste principale des écosystèmes d’eau douce au WWF. Les rivières offrent des avantages souvent sous-évalués, voire carrément ignorées. Les décideurs doivent tenir compte de la valeur globale de ces rivières quand ils planifient de nouvelles infrastructures. »

Des rivières saines permettent aux stocks de poisson d’eau douce d’améliorer la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes. En plus de soutenir une riche biodiversité, ces rivières saines forment des sédiments qui protègent les deltas de l’élévation du niveau de la mer, atténuent l’impact des inondations et des sécheresses les plus extrêmes et préviennent la perte d’infrastructure ou de champs due à l’érosion. Perturber la connectivité d’une rivière, c’est souvent diminuer, voire même éliminer, tous ces services écosystémiques essentiels.

La protection des dernières rivières sauvages à courant libre est cruciale pour préserver la biodiversité des écosystèmes d’eau douce. Une récente analyse mondiale de 16 704 populations d’espèces montre que, dans les 50 dernières années, les populations d’eau douce ont connu le déclin le plus marqué parmi les espèces vertébrées, chutant en moyenne de 83 % depuis 1970.

Cette étude démontre aussi que les dérèglements climatiques menaceront encore plus la santé des rivières dans le futur. Le réchauffement des températures affecte déjà les cycles de débit, la qualité de l’eau et la biodiversité. Alors que les pays du globe transitent vers des économies sobres en carbone, la planification et le développement hydroélectrique s’accélèrent, augmentant la nécessité de développer des systèmes énergétiques à faible impact environnemental et social.

« Même si l’hydroélectricité a un rôle essentiel à jouer dans le paysage énergétique renouvelable, les nations doivent considérer d’autres options dans ce domaine », indique Thieme. La gestion planifiée des énergies solaire et éolienne peut diminuer les répercussions négatives sur les rivières, les villes, les communautés et la biodiversité. »

La communauté internationale est déterminée à protéger et restaurer les rivières, comme en témoigne le « Programme de développement durable à l’horizon 2030 », qui demande aux nations de surveiller l’importance et l’état de santé des écosystèmes associés à l’eau. Cette étude présente des techniques et des données pour le maintien ainsi que la restauration des rivières à courant libre partout dans le monde.

Quelles sont les rivières sauvages les plus longues au pays?
Les rivières sauvages abondent au Canada. La majorité d’entre elles se trouvent dans le Nord, là où peu de gens habitent. Les rivières sauvages les plus longues du Canada sont les rivières :

  • Liard (Yukon, Colombie-Britannique, Territoires du Nord-Ouest)
  • Dubawnt (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest)
  • Thelon (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest)
  • Kazan (Nunavut)
  • Horton  (Territoires du Nord-Ouest)
  • Anderson (Territoires du Nord-Ouest)
  • Taltson (Territoires du Nord-Ouest)
  • Stikine (Colombie-Britannique)
  • Birch (Alberta)

Pourquoi les rivières sauvages doivent-elles être protégées? 
Les rivières sauvages accordent de nombreux bénéfices écologiques et communautaires. Elles :

  • Soutiennent les espèces (y compris des espèces à risque) qui dépendent de leurs écosystèmes;
  • Facilitent l’adaptation aux dérèglements climatiques;
  • Permettent la libre circulation des nutriments jusqu’aux plantes et animaux;
  • Permettent un sain approvisionnement alimentaire des communautés;
  • Soutiennent la biodiversité indigène;
  • Contrôlent la pollution;
  • Soutiennent des industries dynamiques;
  • Ont une valeur spirituelle et culturelle importante.

Les espèces, dont plusieurs sont en péril, comptent sur la santé et la résilience des rivières sauvages pour s’abreuver, se nourrir ainsi que s’abriter. Les espèces qui bénéficient des rivières sauvages incluent notamment :

  • Les troupeaux de caribous menacés;
  • Le carcajou;
  • Le grizzli;
  • Le bison des bois;
  • Le saumon quinnat;
  • L’esturgeon jaune;
  • Le rat musqué;
  • La sarcelle d’hiver;
  • L’ombre arctique;
  • Le cygne siffleur;
  • La minuscule physe du lac Winnipeg (un escargot préhistorique que l’on retrouve seulement dans le parc provincial de Liard River Hot Springs).

À propos du Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada)
Le WWF-Canada propose des solutions aux grands défis de conservation qui nous tiennent tou.te.s à cœur. Nous menons des projets dans des lieux uniques et de grande valeur environnementale, afin que la nature, les espèces et les communautés puissent cohabiter en toute harmonie.
wwf.ca/fr

Pour des renseignements supplémentaires
Laurence Cayer-Desrosiers, spécialiste des communications et événements
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