Débroussaillons la terminologie botanique : Plantes indigènes, envahissantes et ornementales

Par Ryan Godfrey, Aranya Iyer et Ellen Jakubowski

Si vous avez passé ne serait-ce qu’un peu de temps à explorer le monde des plantes, vous avez probablement rencontré des termes tels que « espèces indigènes » et « espèces envahissantes » — et vous avez presque certainement qualifié quelque chose de « mauvaise herbe » à un moment ou à un autre de votre vie.

Close-up of a three-petaled white flower growing on the forest floor
Le trille à feuilles ovées (Trillium ovatum), une plante indigène en Colombie-Britannique et en Alberta. Source : Shane Johnson / iNaturalist.org

Si ces termes sont souvent utilisés, ils ne renvoient pourtant pas toujours à des catégories botaniques clairement définies. En fait, on ne leur trouve pas de définition simple ou universelle. Mais ces mots nous parlent des relations de ces plantes avec leur environnement, y compris leur relation avec nous, et c’est une clé essentielle pour leur connaissance.

Voici ce que le WWF-Canada veut dire par ces termes botaniques. Oh, et n’oubliez pas que ces termes ne s’excluent pas mutuellement — une même espèce végétale peut appartenir à plusieurs de ces catégories.

Catégorie de plante Description Relations écologiques, évolutives et culturelles Exemples d’espèces
Plante indigène Une espèce végétale qui vit dans l’écosystème local depuis des milliers d’années et qui a développé de nombreuses relations avec les autres organismes qui y vivent. Les plantes indigènes sont bien adaptées aux conditions et aux tendances environnementales locales (par exemple, le sol, les conditions météorologiques et les saisons) et constituent le fondement d’écosystèmes sains. Ayant évolué avec d’autres espèces dans le même écosystème, ces plantes entretiennent des relations étroites avec ces autres organismes vivants ainsi qu’avec l’environnement non vivant. Ensemble, les plantes indigènes et les autres organismes forment un réseau écologique complexe qui résiste aux facteurs de stress et s’adapte aux changements au fil du temps. Trille blanc (Trillium grandiflorum) en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse; trille à feuilles ovées (Trillium ovatum) en Colombie-Britannique et en Alberta
Plante quasi indigène Une espèce végétale qui n’est pas (ou n’a été que récemment) présente dans l’écosystème local, mais qui est originaire d’une région voisine. Ces espèces peuvent se disperser dans l’écosystème local sans intervention humaine, par l’intermédiaire d’animaux, du vent ou de l’eau. Si les humains participent à cette dispersion, on parle de « migration assistée ». Relations variables, mais le plus souvent intermédiaires entre les catégories « indigène » et « introduite ». Si ces plantes ont de proches parents génétiques dans l’écosystème local, ou si elles étaient présentes dans l’écosystème avant une période d’absence (par exemple, une plante qui a été exclue par un glacier qui a ensuite fondu, permettant à la plante de se disperser à nouveau dans la zone), elles peuvent alors s’intégrer plus rapidement dans le réseau écologique. Érable de Pennsylvanie (Acer pensylvanicum) au sud de l’Ontario; tulipe étoilée de Tolmie (Calochortus tolmiei) en Colombie-Britannique
Plante adaptée au climat (sous-ensemble de la plante quasi indigène) Les professionnel.le.s de la restauration des écosystèmes tiennent compte des dérèglements climatiques, tant ceux que nous observons déjà que ceux que nous prévoyons. Ainsi ces professionnel.le.s plantent stratégiquement des espèces proches des espèces indigènes qui sont bien adaptées aux futures conditions climatiques d’une région – espèces parfois appelées « plantes adaptées au climat ». En général, on choisit des espèces qui vivent longtemps, qui se dispersent lentement ou sur de courtes distances et dont l’aire de répartition se situe généralement au sud de l’endroit où on envisage de les planter. Des espèces plus mobiles se déplacent déjà : oiseaux, insectes volants, plantes dont les graines sont dispersées par le vent, et ainsi de suite. Nous appelons ces espèces des « migrantes climatiques ». En aidant les plantes adaptées au climat à se déplacer avec ces migrantes climatiques, nous préservons les profondes relations coévolutives que ces espèces entretiennent les unes avec les autres. Quel que soit le scénario climatique dans lequel nous nous trouverons, le fait de favoriser des relations plus nombreuses et plus profondes entre les espèces renforcera la résilience des écosystèmes. Magnolia acuminé (Magnolia acuminata) dans le sud de l’Ontario; pin ponderosa (Pinus ponderosa) en Colombie-Britannique
Plante introduite Espèce originaire d’une région éloignée de l’écosystème local et arrivée relativement récemment. Ces espèces sont le plus souvent transportées accidentellement ou délibérément par les humains; beaucoup plus rarement, elles le sont par d’autres moyens tels que les « radeaux » de bois/végétation flottants ou les animaux migrateurs. Variables, mais les relations avec les autres espèces sont souvent limitées et faibles. Les cycles de vie de ces espèces ne sont pas nécessairement synchronisés avec les changements saisonniers locaux et elles peuvent avoir besoin de soins supplémentaires pour survivre. Elles peuvent également se propager de manière agressive dans certaines conditions. Les plantes introduites peuvent se naturaliser ou devenir envahissantes, ou encore n’effectuer aucune de ces deux transitions. Il est difficile de prédire quel résultat se produira ou quand il se produira. Érable de Norvège (Acer platanoides) ) en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans les Maritimes
Plante naturalisée Espèce introduite qui est en train de s’intégrer dans l’écosystème local. Ces espèces survivent par elles-mêmes, se reproduisant sans soins humains dans certains types d’habitats au sein de l’écosystème; cependant, elles ne sont présentes dans la région que depuis des décennies ou des siècles, et non des millénaires. Ces espèces se trouvent le plus souvent dans des zones habitées, ou non loin d’elles, parce que les humains les ont introduites et/ou parce qu’elles prospèrent dans des zones perturbées par l’activité humaine. Ces espèces peuvent être communes dans certaines conditions, mais elles ne déplacent pas actuellement les espèces indigènes et ne perturbent ni la santé ni le fonctionnement des écosystèmes. Elles commencent à nouer des relations plus étroites avec d’autres espèces. Plantain lancéolé (Plantago lanceolata) en Colombie-Britannique, au Manitoba et dans l’est du Canada
Plante culturelle Espèces utilisées, cultivées et dispersées intentionnellement par les humains. Ces plantes ont des usages au-delà de leur valeur esthétique (nourriture, médecine, fibre, teinture, matériau de construction, et ainsi de suite) et sont souvent représentées dans l’art et les récits. Certaines espèces sont utilisées localement dans leur aire de répartition naturelle, tandis que d’autres sont dispersées par le commerce ou la migration humaine. Au-delà de leur valeur pour les humains, ces plantes peuvent avoir ou non des relations avec d’autres espèces. Cela dépend de plusieurs facteurs : si elles ont une longue histoire dans la région ou si elles y ont été introduites récemment par les humains, et si elles ont de proches parents génétiques qui sont des espèces indigènes. Pour prospérer, ces espèces peuvent avoir besoin d’être soignées et cultivées par les humains. Carotte sauvage (Daucus carota) à travers le pays
Plante ornementale Espèces cultivées par les humains en raison de leurs caractéristiques désirables (par exemple, la couleur, la texture ou la forme de leurs fleurs, de leurs feuilles ou de leurs tiges). Il s’agit souvent de « souches » fortement consanguines et commercialisées, dont la popularité augmente et diminue à l’instar d’autres tendances de la mode culturelle. La capacité de ces plantes à jouer leur rôle dans l’écosystème et leur niveau de variation génétique sont souvent érodés ou altérés par le processus d’élevage sélectif, à l’instar des chiens de race. Néanmoins, certaines plantes peuvent échapper à la culture, retrouvant souvent leur forme « sauvage » en l’espace de quelques générations. À partir de là, elles peuvent se naturaliser ou devenir envahissantes, ou encore n’effectuer aucune de ces deux transitions. Lilas commun (Syringa vulgaris) à travers le sud du Canada
Plante envahissantes Espèces introduites qui se répandent rapidement et causent des dommages. Ces dommages peuvent être écologiques (déplacement des espèces indigènes, utilisation des ressources, propagation de maladies), économiques (contamination des cultures, dommages aux bâtiments, obstruction des cours d’eau, empoisonnement du bétail) ou physiques (épines nocives, huiles caustiques). En général, il faut beaucoup d’argent et de main-d’œuvre pour éliminer ces espèces ou arrêter/ ralentir leur propagation. En se propageant, ces plantes créent de vastes zones de monoculture (c’est-à-dire des zones où elles sont les seules espèces présentes), laissant peu ou pas de place aux autres espèces. Dans ces espaces, les espèces envahissantes n’ont souvent pas de prédateurs ou de parasites et fournissent peu ou pas de nourriture aux herbivores locaux. L’élimination des plantes envahissantes peut être une tâche sans fin. Cependant, parfois les plantes éliminées ont des utilisations pratiques; dans ce cas, l’élimination est aussi une récolte. La question de savoir si ces espèces peuvent un jour se naturaliser fait l’objet de nombreux débats. Alliaire officinale (Alliaria petiolata) en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans les Maritimes
Plante rudérale Espèce végétale qui pousse dans des zones où l’activité humaine est ou était importante, ou en bordure de ces zones. Ces plantes à forte capacité de dispersion sont présentes presque partout sur Terre et tolèrent très bien les sols dégradés et les conditions environnementales difficiles. Les humains considèrent les plantes rudérales soit comme des parasites (c’est-à-dire qu’elles causent des dommages), soit comme des commensales (c’est-à-dire qu’elles ne nuisent ni ne profitent aux humains). Ces plantes suivent nos migrations et se répandent partout où les humains ont une empreinte importante. Leurs structures de propagation (structures détachables comme les graines ou les tiges qui permettent à une espèce de se répandre) voyagent souvent dans le sol ou les semences agricoles, ou encore sur les véhicules ou les chaussures. Chénopode blanc, ou chou gras, (Chenopodium album) dans tout le pays
Mauvaise herbe Terme subjectif et non scientifique désignant toute plante indésirable à un endroit donné. Cela peut être dû à l’aspect de la plante ou à son comportement (en général, elle s’étend trop). Les plantes appelées « mauvaises herbes », qui peuvent inclure certaines plantes indigènes, naturalisées, envahissantes et culturelles, peuvent également être considérées comme telles à un moment et à un endroit donnés, mais pas à un autre. Relations variables et qui dépendent du contexte. D’autres termes de cette liste expliquent mieux le rôle écologique d’une plante dans un lieu donné et ses relations avec les autres espèces de la région. Lorsque vous décidez de conserver ou d’enlever une plante, tenez compte de ses fonctions et de ses relations écologiques. Il se peut que vous souhaitiez conserver une plante que d’autres considèrent comme une mauvaise herbe. Asclépiade commune (Asclepias syriaca) de la Saskatchewan jusqu’en Nouvelle-Écosse; la ronce élégante (Rubus spectabilis) en Colombie-Britannique
A dense clump of long-stemmed plants with small white flowers
L’alliaire officinale (Alliaria petiolata), une plante envahissante en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans les provinces Maritimes Source : Nathan Oldridge / iNaturalist.org

 

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