Voici six groupes qui restaurent la biodiversité (et stockent le carbone) à travers le pays
L’estuaire des K’ómoks devrait être une sorte d’autoroute à saumon. Sur la côte est de l’ile de Vancouver, là où la rivière Courtenay rencontre le détroit de Georgia, l’endroit est idéal pour laisser passer de jeunes et vifs saumons migrant vers l’océan et leurs ainés retournant en amont pour frayer.
Depuis des décennies, une scierie située sur la rive nord-est de la rivière y restreignait ce trafic essentiel.
Un mur de rétention en béton armé construit pour protéger le site industriel avait aussi rétrécit le passage, créant un goulot d’étranglement qui donnait aux phoques voraces un accès à des repas faciles. La scierie a fermé en 2004, mais si la plupart des infrastructures sont disparues, leurs effets nuisibles sur l’habitat sont restés.
Voici que le changement est en marche grâce aux travaux de restauration de Kus-kus-sum, un partenariat entre la Comox Valley Project Watershed Society, la Première Nation K’ómoks et la ville de Courtenay. Après avoir collecté des fonds pour acheter le terrain, la coalition a excavé, broyé et retiré des tonnes d’asphalte, de béton et de barres d’armature. Maintenant, elle a commencé à restaurer 3,35 hectares de marais intertidaux et de forêt riveraine, en plus de connecter l’habitat revitalisé du site avec Hollyhock Flats, une aire de conservation adjacente, riche en plantes rares, en poissons et autres espèces.
Kus-kus-sum ne fera pas seulement la lutte aux dérèglements climatiques (le site restauré offrira une meilleure séquestration du carbone et une atténuation des inondations), mais il haussera aussi la biodiversité, redonnant au saumon son autoroute.
En 2021, Kus-kus-sum était un des sept groupes subventionnés pour l’année inaugurale du Programme de subvention nature et climat du WWF-Canada (PSNC). Cette initiative pluriannuelle, appuyée par un investissement de plus de 2 millions de dollars du partenaire principal Aviva Canada, finance les efforts communautaires locaux et autochtones qui luttent contre la perte de biodiversité et la crise climatique.
Six organismes subventionnés ont récemment été nommés dans la seconde ronde de financement avec des projets qui s’étireront jusqu’au début de 2024. Kus-kus-sum est l’un des trois projets qui sont de retour.
Les solutions basées sur la nature sont au cœur de tous les travaux des récipiendaires, puisqu’il.elle.s réparent et protègent des écosystèmes locaux qui contribuent aux objectifs de Régénérer le Canada, le plan sur 10 ans du WWF-Canada pour rétablir les espèces en péril et atténuer les dérèglements climatiques à l’aide de la nature.
Trois nouveaux organismes récipiendaires : la restauration après des décennies de dommages
Trois nouveaux organismes commencent leur saison de terrain 2022 en s’attaquant à de gros problèmes avec un mélange de tactiques innovantes et traditionnelles.
Dans les terres fertiles qui entourent Sussex, au Nouveau-Brunswick, des décennies d’agriculture intensive ont dégradé les rives de ruisseaux et réduit le couvert forestier naturel de la plaine inondable jouxtant les cours d’eau locaux.
Mis en œuvre par le Kennebecasis Watershed Restoration Committee, en partenariat avec la Hammond River Angling Association (HRAA) et la Belleisle Watershed Coalition, les participant.e.s mesurent le carbone dans le sol le long des rivières Kennebecasis, Hammond et de la baie Belleisle en plus de planter diverses espèces d’arbres. En deux ans, ces organismes ont l’intention de dynamiser la biodiversité – la région abrite plusieurs espèces en péril, dont l’esturgeon à museau court, le saumon de l’Atlantique de l’extérieur de la baie de Fundy et le noyer cendré – tout en augmentant la séquestration du carbone et en restaurant la plaine inondable pour la rendre plus efficace.
(Fait intéressant : la HRAA a elle-même été subventionnée en 2021 par le PSNC et a planté près de 1500 arbustes de régénération rapide qui soutiennent les espèces et atténuent l’érosion sur les rives du ruisseau Palmer, dans le sud du Nouveau-Brunswick.)
Sur la côte ouest de l’ile de Vancouver, à environ 50 km au nord de Tofino, les rivières locales, les lacs et le flanc des montagnes portent encore les marques de coupes de bois depuis longtemps révolues qui ont dénudé le paysage de ses troncs.
Sans les arbres qui se tenaient fièrement debout depuis des siècles, l’habitat s’est continuellement dégradé, de concert avec les populations d’espèces locales. Les glissements de terrain, de plus en plus communs à cause des phénomènes météorologiques extrêmes accentués par la crise climatique, rendent difficile l’enracinement de nouvelles pousses.
Ici, le Projet de résilience climatique et de restauration du bassin versant Clayoquot — mené par la Redd Fish Restoration Society, récipiendaire de la seconde ronde, en partenariat avec les Premières Nations ƛaʔuukʷiʔatḥ (Tla-o-qui-aht) et hiškʷiiʔatḥ (Hesquiaht) — a développé un plan de restauration intensif. Il implique la plantation ciblée de conifères, de tiges de saule et d’arbustes indigènes pour stabiliser le sol, améliorer les habitats et accélérer la séquestration du carbone dans deux bassins versants importants.
Le long de la rivière Rouge, qui serpente à la limite est de Toronto, le projet Friends of the Rouge Watershed, un autre organisme nouvellement subventionné par le PSNC, mobilisera 4000 jeunes et autres bénévoles pour planter 20 000 arbres indigènes et 8000 fleurs des champs et arbustes indigènes. À terme, ces mesures freineront les espèces envahissantes et réduiront les risques d’inondation tout en rétablissant ce parc municipal à un habitat sain.
Leur plan sur deux ans restaurera six hectares de milieux humides forestiers riverains, d’habitats forestiers secs et d’habitats de champs fleuris, créant ainsi une oasis plus biodiversifiée et résiliente au climat au sein d’un des plus grands centres urbains au pays.
Des organismes bénéficiaires de retour : profiter de son élan
Les trois bénéficiaires de retour — Kus-kus-sum, ainsi qu’ALUS Canada et la Nottawasaga Valley Conservation Authority (NVCA) — auront finalement trois ans pour mener leurs tâches essentielles qui paveront la voie à des changements à long terme.
ALUS est un organisme de bienfaisance qui rassemble des agriculteur.rice.s et des partenaires communautaires pour mener des efforts de restauration et de conservation dans des écosystèmes agricoles vulnérables. Après avoir restauré plus de 26 hectares d’habitats durant la saison de terrain 2021, ALUS peut maintenant en faire encore davantage durant la seconde ronde grâce à l’investissement pluriannuel bonifié du PSNC. Les participant.e.s prévoient intégrer 60 hectares d’habitats indigènes comme les prairies herbeuses, les arbres et les milieux humides au sein de terres agricoles vulnérables dans les comtés de Norfolk, Elgin et Lambton en Ontario, ainsi que dans les régions de la Montérégie et de l’Outaouais au Québec. On s’attend à ce que ces travaux séquestrent une quantité significative de carbone en cinq ans tout en restaurant des habitats pour plusieurs espèces en péril, dont la sturnelle des prés, la tortue mouchetée et le monarque.
La NVCA continue de réduire la pression que l’agriculture et le développement exercent sur un bassin versant majeur au nord de Toronto en cultivant des terrains plus « absorbants », c’est-à-dire des habitats capables de séquestrer plus de carbone et d’atténuer les inondations.
La NVCA a eu une première année productive dans le PSNC, avec la plantation d’arbres et l’ensemencement de prairies ayant la capacité d’emmagasiner plus de 4200 tonnes de carbone d’ici 2050. Sa nouvelle campagne sur deux ans restaurera plus de 99 hectares de milieux humides, de rivières, de forêts et de prairies indigènes en réintroduisant des plantes indigènes et en mettant en œuvre des pratiques agricoles qui créent des sols sains riches en carbone.
Au cours de deux prochaines années, les organismes bénéficiaires de subvention pour 2022-2024 seront les catalyseurs des objectifs du programme PSNC. En effet, ils ne créeront pas seulement des environnements locaux plus résilients et diversifiés, ils feront aussi la preuve que les solutions basées sur la nature peuvent lutter contre les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité.