Les plantes indigènes de Terre-Neuve-et-Labrador : robustes, utiles et parfois carnivores

Terre-Neuve, l’ile de la côte est surnommée The Rock depuis plus longtemps qu’un certain acteur, et son voisin continental, le Labrador, ne bénéficient pas des conditions de croissance les plus fertiles du Canada. Mais des espèces résilientes ont trouvé de nombreux moyens de s’enraciner et de soutenir les écosystèmes terrestres de la province.
On trouve des arbres et des plantes robustes dans les trois écozones terrestres de la province : la Cordillère arctique, la Taïga du Bouclier et le Bouclier boréal (voir la carte).
La partie la plus nordique du Labrador, qui jouxte le nord-est du Québec, appartient à la Cordillère arctique. Cette région montagneuse, rocheuse et glacée, connait de courts étés durant lesquels des espèces résistantes de mousses, de lichens et des plantes et arbustes de la toundra peuvent pousser pour nourrir des espèces comme le lemming à collerette, le lagopède des saules et le lièvre arctique.
La plus grande partie du Labrador est située dans la Taïga du Bouclier, qui a tendance à être plus chaude, plus humide et plus accueillante pour les plantes que la Cordillère arctique. Ses zones humides, ses prairies, ses arbres et ses arbustes abritent des herbivores, notamment le caribou toundrique et le caribou forestier, le lièvre d’Amérique et l’orignal.
L’ile de Terre-Neuve et les parties côtières du Labrador se trouvent dans l’écozone du Bouclier boréal, avec des paysages riches en forêts, zones humides, rivières, lacs, montagnes et rochers exposés. Sous l’effet de l’océan Atlantique, le climat de cette région est plus doux et plus humide que celui des autres écozones de la province, et ses plantes servent de nourriture à des espèces comme le cerf de Virginie, le tamia rayé et le geai bleu.
La province est aussi le milieu de vie de plus d’un demi-million de personnes, dont plusieurs utilisent les plantes indigènes et les espèces qui en dépendent comme nourriture, thé, médicaments, bois d’œuvre et plus. Lisez la suite pour découvrir trois de ces espèces remarquables.

Sarracénie pourpre (Sarracenia purpurea)
Cette plante à l’allure vraiment étrange est la seule espèce de sarracénie que l’on trouve au Canada. Sa tige dépourvue de feuilles porte une seule fleur rouge pourpre, noueuse et étrange – presque comme un personnage coiffé d’un bonnet dystopique – qui atteint jusqu’à 30 centimètres de haut. Après la floraison, elle produit une capsule de graines ronde.
Si les fleurs des sarracénies pourpres sont captivantes, leurs feuilles sont dévorantes. Situées à la base de la tige, leur forme incurvée forme un récipient qui recueille l’eau. Ces plantes attirent les insectes grâce à leur nectar parfumé et au motif violet de leurs feuilles qui ressemble à des veines. Ces insectes tombent alors dans l’eau et ne peuvent pas en sortir en raison des poils pointant vers le bas à l’intérieur. Les plantes dissolvent et absorbent les nutriments de leurs proies, complétant ainsi leur régime alimentaire avec des nutriments qui sont rares dans les sols où elles poussent.
La sarracénie pourpre figurait sur les pièces de monnaie de Terre-Neuve depuis l’époque victorienne jusqu’en 1938 et fut finalement choisie comme symbole floral de la province. Les peuples autochtones l’utilisent pour toute une série d’applications médicinales; par exemple, les Mi’kmaqs et les Wolastoqiyik s’en servent pour traiter les maladies respiratoires.

Astuces de culture
Il est possible de se procurer des graines de la sarracénie pourpre en magasin. Cette espèce préfère un habitat humide avec un sol mince, pauvre en nutriments et acide. (Dans la nature, on la trouve généralement dans les zones humides). Évitez d’arroser avec de l’eau du robinet – utilisez plutôt de l’eau de pluie – et évitez les engrais, car des niveaux élevés de nutriments peuvent nuire à ces plantes.
Cette espèce est indigène dans toutes les provinces et de tous les territoires du Canada, à l’exception du Yukon. Dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, c’est sur l’ile qu’on l’observe le plus souvent.
Bienfaits pour les espèces
Certaines espèces de moustiques, de moucherons et de mouches vivent parmi les feuilles de la sarracénie pourpre et mangent une partie des insectes qu’elle capture. Ces insectes résidents sont dotés d’adaptations qui leur permettent de ne pas être eux-mêmes dissouts. Des araignées tissent des toiles sur la sarracénie et attrapent les insectes que la plante attire. Les pucerons et les chenilles mangent des parties de la plante, tandis que les bourdons sont attirés par ses fleurs.

Épinette noire (Picea mariana)
Ce conifère de taille petite à moyenne peut atteindre 30 mètres de haut et vivre jusqu’à 200 ans. Pour l’identifier, il faut vérifier que les aiguilles possèdent quatre côtés, sont bleu-vert ou gris-vert et à bout arrondi, et que l’écorce est brun-gris ou brun-rouge. Les cônes de l’épinette noire mesurent de 2 à 3 centimètres de long, sont en forme d’œuf brun foncé à maturité, et sont concentrés sur la partie supérieure de l’arbre. Ces cônes peuvent rester sur l’arbre jusqu’à 30 ans.
On utilise l’épinette noire pour la pâte à papier, le bois d’œuvre et les arbres de Noël, entre autres usages commerciaux. En plus d’être l’arbre emblème officiel de la province, le rameau d’épinette figure également sur le drapeau du Labrador.
Astuces de culture
Cet arbre à croissance lente s’accommode de différentes conditions d’humidité, de lumière et de sol, y compris les sols peu profonds et l’ombre partielle.
L’épinette noire est originaire de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada et pousse sur l’ile de Terre-Neuve ainsi qu’au Labrador.
Bienfaits pour les espèces
Cet arbre utile fournit des graines à divers oiseaux et mammifères. Les lièvres et les orignaux mangent ses brindilles et les oiseaux chanteurs nichent dans ses branches. Les orignaux se rafraichissent également à son ombre pendant les mois les plus chauds.
Thé du Labrador (Rhododendron groenlandicum)
Cette jolie plante, qui peut atteindre un mètre de haut, porte de longues feuilles minces et pointues qui restent vertes toute l’année. Les tiges et la face inférieure des feuilles sont recouvertes de petits poils, la face inférieure des feuilles est aussi duveteuse et de couleur orange ou brune. Des dizaines de petites fleurs blanches forment une grappe arrondie, qui laisse ensuite place à une capsule de graines ovale et duveteuse. Le thé du Labrador peut repousser rapidement après un incendie grâce à ses racines coronaires et ses rhizomes qui poussent sous la surface du sol.
Comme son nom l’indique, ses feuilles aromatiques sont infusées pour produire un thé, qui est riche en vitamine C et a de nombreux usages médicinaux traditionnels. Les feuilles sont aussi parfois mâchées ou utilisées comme assaisonnement pour donner une saveur sucrée et piquante aux plats.

Astuces de culture
Le thé du Labrador pousse dans des conditions de luminosité variées, y compris à l’ombre partielle, ainsi que dans des conditions d’humidité variées. Dans la nature, on le trouve dans divers habitats humides et acides, notamment dans la toundra, les zones humides, les bois et au bord des étangs. Le thé du Labrador tolère les inondations et prospère dans une partie détrempée d’un jardin, par exemple près d’une descente d’eau pluviale. Il peut être cultivé à partir de boutures ou de graines semées sur de la tourbe ombragée. Des plants et des graines sont disponibles dans le commerce.
Cette plante est originaire de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada et pousse sur l’ile de Terre-Neuve autant qu’au Labrador.
Bienfaits pour les espèces
Le thé du Labrador offre un abri à des oiseaux comme la gélinotte huppée et le tétras du Canada, et ses tiges servent de matériau de nidification aux parulines à couronne rousse. Son nectar attire les papillons et les bourdons, tandis que les chenilles du papillon bleu nordique (aussi appelé azuré du genêt) se nourrissent de ses feuilles. Le thé du Labrador est également consommé par les orignaux et les cerfs.