Les résident.e.s du Nunavut ont besoin d’appui pour passer aux énergies renouvelables

L’été dernier, en voyageant de notre bureau arctique d’Iqaluit vers le village de Kugaaruk dans l’ouest du Nunavut, je me suis arrêtée à Cambridge Bay pour voir la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA). Plus précisément, les panneaux solaires qui recouvrent l’un de ses côtés. C’est un bel édifice et ses panneaux solaires sont esthétiquement disposés, mais l’installation de 10 kilowatts ne produisait pas d’énergie pour la communauté à ce moment-là.

J’étais déçue, mais pas vraiment surprise.

À Kugaaruk, j’ai vu la même problématique avec le système de panneaux solaires de 12 kW installé sur l’aréna en 2016 pour aider à alimenter le congélateur communautaire. Les congélateurs communautaires sont importants pour les résident.e.s parce qu’ils leur permettent de conserver leurs prises entières. L’énergie solaire convient ici parfaitement parce que ces congélateurs sont davantage nécessaires en été, lorsqu’il fait plus chaud et qu’il y a de nombreuses heures d’ensoleillement pour alimenter le système.

Panneaux solaires avec un paysage nordique en arrière-plan
Panneaux solaires au Nunavut © Martha Lenio / WWF-Canada

L’enjeu, c’est que le service public d’électricité du territoire, Qulliq Energy Corporation (QEC), n’a pas encore lancé son programme de facturation nette pour les producteur.rice.s d’énergie indépendant.e.s, un programme qui permettrait aux particuliers de générer de l’énergie solaire pour l’utiliser ailleurs dans la communauté (comme en été par exemple, quand il.elle.s  en ont moins besoin). Tant que ce programme n’est pas en place, les installations d’énergie renouvelables de plus de 10 kW ne peuvent être connectées au réseau et ne peuvent donc pas se servir des surplus pour réduire ni la facture des consommateur.rice.s, ni les émissions de carbone.

J’ai travaillé avec les leaders de Kugaaruk, QEC, deux compagnies d’installation de panneaux solaires et des inspecteur.rice.s électriques pour trouver une solution et connecter les panneaux solaires de l’aréna au réseau. La communauté a finalement dû débourser les frais d’un installateur du Sud pour qu’il réajuste le système de panneaux à une puissance de 10 kW en août dernier.

Les communautés sont prêtes pour les énergies renouvelables, elles veulent utiliser moins de diesel, économiser sur la facture d’électricité et protéger l’environnement. Mais le plus gros obstacle en ce moment, c’est le manque de politiques qui soutiennent les énergies renouvelables.

En dépit de sa lente progression, QEC s’oriente dans la bonne direction. Pour y contribuer, le gouvernement du Nunavut pourrait jouer un rôle de leader en établissant des cibles d’énergies rénouvelables et des cibles de réduction des émissions pour tout le territoire.

Le champion de l’énergie communautaire de Kugaaruk

Je suis aussi allée à Kugaaruk pour travailler avec Alex Ittimangnaq, le champion de l’énergie communautaire de Kugaaruk. Il m’avait invitée, à titre de mentore, pour aider à démarrer le volet d’implication communautaire de l’Initiative autochtone pour réduire la dépendance au diesel du ministère des Ressources naturelles du Canada. Ce programme en trois étapes comprends une formation pour Alex, la planification communautaire de l’énergie propre pour le village et la mise en œuvre d’un projet d’énergie verte pour l’ensemble de la communauté.

La pandémie a retardé les plans pendant quelques mois, mais lorsqu’il a été de nouveau possible de voyager au Nunavut, je suis allée à Kugaaruk avec mon modèle de démonstration solaire pour aider les résident.e.s à comprendre quels sont les choix possibles en matière d’énergies renouvelables, savoir quels types de projets les intéressent et répondre à leurs questions.

Le travail d’Alex consistera à rassembler les résident.e.s pour des discussions, compiler des données sur l’utilisation de l’énergie à Kugaaruk et les idées qui intéressent la communauté, puis recueillir de l’information auprès de toutes les parties impliquées pour ensuite procéder à l’élaboration d’un plan d’action énergétique pour la communauté.

Évènement d’éducation à l’énergie solaire à Kugaaruk

De nombreuses personnes ont assisté à notre démonstration publique pour en apprendre davantage sur l’énergie solaire. Des propriétaires d’habitations étaient intéressé.e.s par l’installation de systèmes de panneaux solaires à leur chalet pour ne pas avoir à emporter autant de diesel lors de leurs déplacements. En hiver, l’énergie éolienne pourrait potentiellement être utilisée en complément de l’énergie solaire.

Même si ces projets sont de petite taille, ils aident les résident.e.s à comprendre le potentiel et les limites des énergies renouvelables, en plus de les aider à imaginer comment elles peuvent en venir à jouer un plus grand rôle dans l’approvisionnement énergétique de la communauté.

Un groupe se tient autour d'un panneau solaire, au Nunavut
Martha Lenio showcases a solar panel © Alex Ittimangnaq

Une communauté motivée

En 2018, un bateau de croisière s’est échoué près de Kugaaruk, déversant du diesel dans l’océan. Si le déversement s’est avéré limité, il a tout de même éveillé la communauté à la gravité des risques environnementaux reliés à la dépendance au diesel transitant par bateau.

De plus, la communauté de Kugaaruk s’accroît rapidement. L’épicerie coop s’agrandit, on parle d’ouvrir un magasin Northern et de nouvelles habitations sont construites.

Début octobre, les panneaux solaires de Kugaaruk ont finalement été connectés au réseau et ils pourront alimenter le congélateur communautaire en été. En revanche, la communauté de Cambridge Bay attend toujours.

Avec une population jeune et en croissance, et de nouvelles infrastructures projetées pour la communauté, il faut s’assurer que les besoins énergétiques soient comblés avec les systèmes d’énergie les plus propres et les plus écologiques possible afin de préserver les ressources environnementales locales pour les prochaines générations.