Les incendies de forêt, les espèces et ce que nous pouvons faire
Depuis plusieurs mois, de nombreux incendies de forêt ravagent le pays. De l’ile de Vancouver à Terre-Neuve, presque toutes les régions du Canada ont subi ce qui est déjà qualifié de pire saison d’incendies jamais enregistrée au pays.
Emily Giles, spécialiste séniore des espèces du WWF-Canada, explique pourquoi ces évènements se produisent, quelles en sont les conséquences pour les espèces et pourquoi les efforts de restauration sont si importants.
Les incendies de forêt se déclarent en nombre beaucoup plus important cette année que les précédentes, et de nombreuses régions inscrivent malheureusement déjà de nouveaux records. Les forêts sont moins résistantes aux incendies qu’elles ne l’étaient autrefois. Les dérèglements climatiques modifient les cycles de précipitations et produisent partout au pays des conditions plus chaudes et plus sèches qui sont propices à un risque accru d’incendies plus fréquents et plus intenses.
D’autres facteurs peuvent aussi avoir une influence sur ce risque, comme le dendroctone du pin en Colombie-Britannique, qui est maintenant capable de survivre aux hivers plus doux en raison du réchauffement planétaire. Ce coléoptère tue les arbres en santé et crée ainsi des zones riches en bois d’allumage qui présentent des conditions d’incendie optimales. En outre, la déforestation continue de contribuer à des conditions plus sèches et propices à la propagation du feu.
Nous savons à quel point il est difficile d’entendre parler de ces incendies et des conséquences qu’ils ont sur les gens et sur les espèces, mais il faut aussi se rappeler que certains incendies font partie des processus naturels de l’écosystème et de la nature. Beaucoup de plantes et d’animaux se sont adaptés au feu, et quelques-uns en dépendent même à certaines parties de leur cycle de vie.
Certains animaux sont également très habiles lorsqu’il s’agit de fuir des menaces telles que les incendies : les grands mammifères et les oiseaux peuvent réagir rapidement lorsqu’ils détectent du feu, tandis que les espèces plus petites ou moins mobiles comme les grenouilles, les tortues, les serpents et les petits mammifères peuvent se réfugier dans des terriers. Cependant, il devient de plus en plus difficile pour ces animaux de s’enfuir à temps alors que les incendies gagnent en taille et en intensité.
Les animaux qui réussissent à survivre doivent migrer vers un nouvel endroit ou s’adapter à la zone ravagée par le feu, puis chercher un abri et suffisamment de nourriture. Cet aspect pourrait s’avérer particulièrement difficile dans le cas des mammifères territoriaux qui occupent de vastes espaces et dont le déplacement les forcerait à livrer concurrence pour leur habitat avec d’autres de la même espèce – comme le carcajou, une espèce en péril habitant la forêt boréale canadienne. La fumée des incendies de forêt gêne les animaux autant que nous. Les quelques études menées sur les répercussions de la fumée sur les espèces ont démontré que les animaux sont susceptibles d’être touchés par des problèmes de santé graves ou chroniques.
Bien entendu, les espèces et les populations les plus vulnérables sont celles déjà exposées à des menaces comme la perte d’habitat, la pollution, les espèces envahissantes et la surexploitation. Toute vulnérabilité gagne en importance lorsqu’une population décline, car un seul évènement comme un incendie peut avoir d’importantes répercussions sur ce nombre déjà réduit. Certaines espèces comme le caribou des bois ou la chouette tachetée dépendent des forêts matures ou anciennes et pourraient continuer de décliner au fur et à mesure que ces habitats sont touchés. Le lichen est une importante source de nourriture pour le caribou des bois, mais le lichen s’enflamme très facilement et se rétablit lentement à la suite d’un incendie, ce qui restreint davantage les habitats convenables.
La restauration des habitats est l’une des façons d’atténuer les conséquences liées aux incendies. Nous pouvons contribuer à bâtir des forêts plus résistantes aux dérèglements climatiques en misant sur la diversité des espèces. Par exemple, le WWF-Canada soutient les efforts de la Secwepemcul’ecw Restoration and Stewardship Society (SRSS), qui souhaite accroitre la résilience au moyen d’une plus grande diversité d’arbres, surtout des feuillus, alors qu’elle reboise Elephant Hill, le site atteint des pires feux incontrôlés jamais constatés en Colombie-Britannique, ainsi que des sites avoisinants aussi touchés par des incendies. La SRSS a déjà planté 450 000 arbres cette année et tient compte de ces principes d’adaptation au climat dans le cadre de ses activités de restauration du territoire Secwepemc.
Nous devons être prêt.e.s, puisque les effets des dérèglements climatiques nous touchent déjà. Nous savons que nous continuerons de faire face à des incendies de plus en plus fréquents et de plus en plus graves, et que ceux-ci feront rage dans des régions qui ont jusqu’à maintenant été épargnées.
Nous devons veiller à ce que nos forêts – qui constituent un refuge pour de nombreuses espèces en péril et contiennent d’importantes réserves de carbone – soient adéquatement protégées et gérées afin qu’elles puissent continuer d’exister à l’avenir. Les mesures prises à ces égards doivent tenir compte des communautés autochtones qui assurent l’intendance des terres et des eaux de leurs territoires depuis des milliers d’années.