Comme une bouffée d’air frais : le leadership du WWF-Canada mène à la réduction des émissions par les navires dans l’Arctique
Les communautés et les espèces arctiques au Canada peuvent pousser un soupir de soulagement : l’Organisation maritime internationale (OMI) a récemment annoncé son approbation d’une zone de contrôle des émissions.
Ce statut, qui impose des règles strictes sur la quantité de pollution atmosphérique que les navires peuvent produire lorsqu’ils traversent la région, est obtenu au terme de plus de deux ans d’efforts du WWF-Canada visant à sensibiliser le public et à susciter une vague de soutien au Canada et à l’étranger.
« Nous avons plaidé avec des parties prenantes et des titulaires de droits, écrit des articles, élaboré des documents de politiques et organisé des interventions auprès de l’OMI », explique Sam Davin, spécialiste sénior de la navigation et de la conservation marine au WWF-Canada, qui a assisté aux rencontres de l’OMI à Londres le mois dernier. « Ce statut de zone de contrôle des émissions de l’Arctique canadien constitue une victoire pour les gens et les espèces qui vivent dans la région. »
La proposition, soumise par le gouvernement canadien, demandait que la côte de l’Arctique obtienne une protection dont bénéficient déjà les côtes est et ouest du Canada depuis 2013 : des règles internationales robustes et applicables concernant les émissions des navires qui couvrent sa zone économique exclusive de 200 milles marins.
Pour cette région particulièrement vulnérable aux effets de la pollution atmosphérique et où le transport maritime a plus que doublé au cours des 10 dernières années, cette décision ne pouvait arriver assez tôt.
Les zones de contrôle des émissions (ZCE) sont la réponse de l’OMI au problème de la pollution atmosphérique planétaire générée par les navires propulsés aux combustibles fossiles, qui contiennent notamment des oxydes de soufre, des oxydes d’azote et des matières particulaires. Les navires qui se déplacent dans les zones de contrôle des émissions sont tenus d’utiliser des carburants à faible teneur en soufre et de mettre en place des mesures d’atténuation de la pollution à bord. Les navires se conforment soit en passant à des carburants à faible teneur en soufre avant d’entrer dans la zone de contrôle des émissions ou, solution plus problématique, en utilisant des technologies qui « épurent » certains polluants des gaz d’échappement avant de les relâcher dans l’air. (Nous y reviendrons plus bas.)
« Mis à part leurs importants avantages pour la santé humaine comme une meilleure qualité de l’air, poursuit Sam, ces mesures atténueront l’acidification de l’océan, la surcharge en éléments nutritifs et les émissions de carbone noir – un puissant polluant atmosphérique de courte durée qui accélère la fonte des neiges et de la banquise – dans certaines des eaux les plus vulnérables du Canada. »
L’acidification de l’océan se produit lorsque des composés comme le soufre, l’azote et le carbone se combinent à l’eau de mer, la rendant plus acide et moins hospitalière pour la vie marine, en particulier pour les mollusques, les crustacés et les coraux.
La surcharge en éléments nutritifs se produit lorsque l’excès d’éléments nutritifs provenant de polluants comme l’azote et le phosphore produit un effet fertilisant, entrainant ainsi la prolifération d’algues qui absorbent les réserves d’oxygène essentielles et nuisent à la santé des espèces marines et de leurs écosystèmes.
Le carbone noir provient de la combustion des combustibles fossiles, des biocarburants et de la biomasse, qui produit des particules fines ressemblant à de la suie. Ces particules favorisent l’absorption de la chaleur du soleil lorsqu’elles se déposent sur la neige et la glace, et en accélèrent ainsi la fonte.
Le statut de zone de contrôle des émissions revêt une grande importance puisqu’il permet à un pays de règlementer la pollution jusqu’à 188 milles marins au-delà des 12 milles marins de sa mer territoriale. Alors pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour que l’Arctique obtienne le statut de zone de contrôle des émissions? Lorsque le gouvernement canadien a proposé les zones de contrôle des émissions au sud du 60e parallèle en 2009, il a déclaré qu’il n’y avait pas suffisamment de recherches et de modélisations pour justifier la même demande dans les eaux arctiques.
Mais les données cumulées depuis sont sans équivoque : les impacts environnementaux du transport maritime dans l’Arctique sont de plus en plus importants, en particulier avec l’augmentation des activités d’extraction des ressources dans la région et la prolongation de la saison de navigation pour les cargos et les paquebots de croisière en raison de la disparition de la banquise.
Au terme de nombreuses années d’accumulation de preuves et d’appels aux décideur.se.s, la zone de contrôle des émissions de l’Arctique canadien entrera en vigueur en 2026. Cela aidera à combler ce que Kailee Scott, spécialiste de la conservation marine au WWF-Canada, qualifie de « fossé flagrant en matière d’égalité sociale » qui a laissé les habitant.e.s du Nord et les espèces de l’Arctique moins bien protégé.e.s que leurs homologues plus au sud.
Mais maintenant que nos appels ont été entendus, le travail commence pour veiller à ce que cette importante règle internationale soit accompagnée d’une diligence appropriée au pays, soutient Sam Davin. Pour que la zone de contrôle des émissions soit le plus bénéfique possible, les navires doivent se conformer en utilisant du mazout léger, comme du gazoil marin, ou d’autres solutions de rechange moins polluantes, plutôt que des combustibles résiduels « lourds » comme le mazout à très faible teneur en soufre, qui répond aux exigences relatives au soufre, mais qui rejette du carbone noir dans l’air et des eaux résiduelles toxiques dans la mer.
« Le Canada doit accompagner l’approbation de cette zone de contrôle des émissions de ses propres mesures fortes, ajoute-t-il, telles qu’une interdiction complète, au niveau national, des épurateurs, une technologie qui convertit la pollution atmosphérique produite par un navire en pollution de l’eau et qui est, de mon avis et de celui de nombreux.ses autres expert.e.s de la conservation, une faille règlementaire qui fait plus de mal que de bien. »
Et, bien sûr, le gouvernement doit s’assurer que l’augmentation des couts de navigation découlant de ces mesures ne soit pas transférée aux communautés nordiques, qui doivent déjà composer avec des défis économiques tout en étant les plus touchées par les dérèglements climatiques et les moins responsables de ceux-ci.