Voici pourquoi la restauration menée par les Autochtones après des feux de forêt fonctionne

Le Canada vit sa pire saison d’incendies de forêts depuis la tenue de registres, et avec des prévisions d’Environnement Canada mentionnant des températures anormalement chaudes cet été, la sécurité et le bienêtre de plusieurs communautés et écosystèmes forestiers sont en péril. Néanmoins, les efforts de restauration de la Secwépemcul’ecw Restoration and Stewardship Society (SRSS) montrent des avancements obtenus grâce à la restauration après-incendies menée par des Autochtones.

First Nations woman standing in a forest in the fall
Angela Kane, présidente-directrice générale de la Secwepemcúl’ecw Restoration and Stewardship Society © SRSS

En 2017, près de 200 000 hectares de territoire secwépemc à proximité de Kamloops en Colombie-Britannique ont brulé durant le feu d’Elephant Hill. Celui-ci et d’autres incendies dans les environs ont détruit des vastes étendues d’habitat forestier et ont laissé le sol vulnérable à l’érosion et aux glissements de terrain. Dans certains endroits, le sol était tellement calciné que la repousse naturelle des arbres et des plantes était impossible.

Le WWF-Canada soutient la SRSS par un partenariat pluriannuel qui met de l’avant les systèmes de savoir et les approches autochtones de la gestion des forêts. Pour en savoir plus sur le travail de restauration mené par les Autochtones après les incendies, nous avons parlé à la présidente-directrice générale de la SRSS, Angela Kane.

Comment les membres des communautés secwépemc et vous avez vécu l’incendie d’Elephant Hill?

Ça a été un moment vraiment traumatisant. Voir les panaches de fumée se rapprocher de jour en jour, entendre les hélicoptères jour et nuit, c’était presque comme vivre en temps de guerre. Vous vous sentez constamment en mode survie. C’est une expérience dévastatrice. Certain.e.s membres de notre communauté ont perdu leur maison, d’autres leur mode de vie. Beaucoup comptent sur le territoire pour pratiquer leurs traditions et leur culture – et quand les feux sont passés, tout cela est parti en fumée.

Quels sont vos objectifs ambitieux pour la restauration des forêts endommagées par le feu sur le territoire secwépemc?

Quand notre groupe s’est formé, huit communautés [secwépemc] se sont rassemblées pour parler de rétablissement des espèces et de ce en quoi ça consistait. Nous avons bâti des relations avec le gouvernement provincial et nous avons commencé notre premier projet de réparation des habitats essentiels du saumon dans les zones brulées.

À travers ce projet, nous avons identifié l’importance de la restauration après incendie d’une perspective autochtone – et ce n’est pas à des fins économiques, mais bien à des fins écologiques. Nous voyons trop souvent des exploitant.e.s de forêt ou des grandes compagnies replanter des épinettes noires et des sapins pour des débouchés économiques à terme. Mais ce qui n’est pas fait, c’est de remettre la forêt en état comme elle l’était. Nous pensons à des plantes médicinales et nourricières, à des habitats pour les espèces. Nous voulions récupérer la façon de vivre d’origine, ou un système forestier historique, et c’est le centre de notre plus grande attention depuis quatre ans.

Burned trees from a wildfire in BC
Arbres brulés durant le feu de forêt d’Elephant Hill dans le territoire secwépemc situé au centre-sud de la Colombie-Britannique. © SRSS

De plus, nous en sommes venu.e.s à considérer les autres façons par lesquelles nous pouvons aider la régénération et la restauration de nos zones riveraines. Nous voyons de plus en plus d’incendies de forêt accompagnés de glissements de terrains et de perturbation dans nos zones de cours d’eau essentiels. Nous considérons aussi de ramener des castors dans nos cours d’eau comme une façon naturelle de restaurer les ruisseaux et les habitats. Nous considérons la restauration projet par projet, mais aussi avec la perspective de l’ensemble du bassin versant.

De quelles façons les valeurs culturelles et la sécurité alimentaire sont-elles utilisées en tant que principes de base dans les activités de restauration et d’intendance?

Les sources de nourriture et les plantes culturellement significatives sont notre priorité. Durant la récolte après les incendies, nous trouvons que beaucoup de sources de nourriture, de plantes et de plantes médicinales sont perdues. Notre objectif est d’essayer de restaurer autant de plantes culturelles que nous pouvons, et pas seulement pour maintenant, mais aussi pour les prochaines générations. C’est généralement l’endroit où les grands-parents ou les ainé.e.s ont appris comment trouver leur nourriture et les plantes médicinales depuis des milliers d’années, alors c’est extrêmement important que nous remettions ces zones en état parce que c’est leur façon de vivre. La forêt est leur pharmacie et leur source de nourriture.

Pourquoi les efforts communautaires pour planter diverses espèces d’arbres, incluant des arbres feuillus, sont-ils si importants?

Nous trouvons qu’un écosystème sain est un écosystème équilibré. Le mélange d’espèces, des conifères et des feuillus, est important parce qu’elles jouent toutes leur rôle dans un écosystème sain. Quand les feuillus sont à leur place, les feux de forêt brulent à une température plus basse. Les feuillus présentent aussi un frein aux feux – ils aident à ralentir les incendies et, dans certains cas, aident à arrêter le feu selon la quantité d’eau contenue dans les arbres au moment de l’incendie.

Two people planting trees in a burned forest
Des travailleur.se.s replantent des arbres sur des terrains touchés par le feu en territoire secwépemc © WWF-Canada

Pouvez-vous nous parler de votre projet de culture d’une collection de semences et ce que cela signifie pour la croissance du programme et l’inclusion d’espèces de feuillus?

Un des éléments clés que nous avons identifié au début de notre travail de restauration est l’accès aux semences de feuillus. Il y a peu de gens qui récoltent ces graines – il faut attendre le bon temps de l’année pour les récolter, puis il faut les traiter, les sécher, les trier et les emmagasiner pour un usage futur, et toutes ne germeront pas.

Il est vital que nous récoltions nos propres semences si nous voulons avoir accès à ces espèces. Nous sommes en recherche de formation pour que des membres de nos communautés apprennent ce processus. Nous voulons créer notre propre programme de collecte afin de pouvoir récolter nos propres graines spécifiques à la région et à nos communautés.

Souvent, les communautés ont un inventaire de plantes et de plantes médicinales qu’elles utilisent traditionnellement dans une région donnée. Les identifier – et sortir en collecter des graines avant qu’un évènement dévastateur arrive – nous- permettra d’avoir accès à des semences auxquelles nous n’aurions autrement peut-être jamais plus accès.

close-up of a tree-planter's shovel
Un jeune arbre est planté dans le sol durant la reforestation du territoire secwépemc © WWF-Canada

Un incendie de forêt a détruit un des entrepôts de semences de la SRSS. Quels sont vos plans pour réduire cette menace?  

Il n’y a pas assez d’infrastructures de culture et d’entreposage dans la province pour soutenir la quantité de travail de restauration nécessaire. Avec la menace continue de feux de forêt et de glissements de terrain, un accès à de jeunes plants va devenir de plus en plus difficile. Ce que nous espérons faire, c’est de nous associer avec une pépinière qui nous a déjà aidé.e.s avec notre culture et les aider à grandir. Nous leur parlons aussi d’avoir un entrepôt réfrigéré directement sur leur site.

Notre objectif est d’avoir accès à nos jeunes plants, d’avoir un entrepôt réfrigéré et d’avoir notre propre processus de récolte de graines et que nous ayons tout au même endroit, afin que nous n’ayons pas à nous tourner ailleurs pour avoir accès aux plantes nécessaires à la restauration. C’est notre objectif ultime, l’autosuffisance.

Est-ce qu’il y a d’autres projets en cours entre la SRSS et le WWF-Canada? Quelle est l’étape suivante pour la SRSS? 

An aerial shot of a burned forest and a non-burned foresy
Une photo par drone de l’endroit où le feu de forêt a été freiné en territoire secwépemc © WWF-Canada

Le WWF nous a beaucoup aidé à bâtir nos projets de restauration. Son personnel nous a soutenu.e.s avec une initiative carbone et le logiciel qu’il.elle.s développent va nous aider dans le travail que nous continuons à faire. Le WWF nous aide à planter 250 000 arbres cette année, et 500 000 arbres l’année prochaine. Nous considérons la création d’un programme continu avec le WWF grâce auquel nous pourrions commencer à planter en 2025-2026 plus d’un million d’arbres, en cheminant vers notre grand objectif de dix millions d’arbres d’ici 2030.
C’est un objectif audacieux, mais nous avons franchi tant d’obstacles jusqu’à présent que cela me donne la confiance que nous pouvons l’atteindre ou être très près de l’atteindre au bout du chemin. Il y a des occasions [avec le WWF-Canada] pour la réalisation de notre pépinière et notre entrepôt réfrigéré, nous allons donc être partenaires pour un certain temps.