Creuser la question du carbone dans le sol ou comment le sol sous nos pieds peut aider à lutter contre la crise climatique

Si quelqu’un vous demandait où se trouve le plus de carbone dans la nature, vous penseriez probablement aux arbres. Il est vrai que le bois est essentiellement du dioxyde de carbone sous forme solide, et que dans les tropiques, les arbres font le gros du travail en matière de stockage du carbone. Mais ici au Canada, vous trouverez la vraie réponse en regardant vers le bas et non vers le haut.

C’est parce que le champion du carbone au pays, c’est le sol.

landscape of river and forest
Vue aérienne des méandres d’une rivière dans la forêt, Nord-Ouest de l’Ontario © Gordon Pusnik / Shutterstock

Notre récent rapport Cartographier le carbone des terres canadiennes a permis de constater que le Canada détient 327 milliards de tonnes de carbone, dont 94 % se trouve dans le premier mètre et 32 % dans les tourbières.

En fait, nos sols contiennent 20 % du carbone mondial dans le premier mètre de profondeur – ce qui est énorme – et le Canada ne représente que 6,7 % de la masse terrestre de la planète, c’est dire à quel point nos sols sont riches en carbone.

D’où vient tout ce carbone et où va-t-il?

Chaque jour à travers le monde, des milliers de milliards d’arbres, de fleurs, de brins d’herbe, de mousses et d’autres plantes s’occupent d’emmagasiner toujours plus de carbone. Durant leur croissance, ces plantes captent le carbone de l’air par la photosynthèse et le transforment en matériau végétal comme des feuilles, des tiges et des racines.

a handful of Peat in the Hudson and James Bay Lowlands
De la tourbe, dans les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James © Serena Maki

Le carbone du sol peut augmenter avec le temps, à mesure que les racines grandissent et que les plantes meurent et se décomposent, et ce carbone se retrouve « emmagasiné ». Ce stockage continu du carbone durant des années, des décennies, des millénaires s’appelle la « séquestration » du carbone. Et les écosystèmes qui emmagasinent plus de carbone qu’ils n’en relâchent sont connus sous le nom de réservoirs, réserves ou puits de carbone.

En d’autres mots, là où il y a des plantes, il y a généralement du carbone de sol. Cela inclut les prairies, les milieux humides, les forêts et en particulier les tourbières, qui sont des milieux humides avec de la végétation partiellement décomposée. Notre étude de cartographie du carbone a confirmé que les écosystèmes boréaux sont des réservoirs de carbone extrêmement importants – l’équivalent de 25 ans de gaz à effet de serres causés par les humains aux taux d’émission de 2019 – et que plus de 94 % de leur carbone se trouve dans les sols, les milieux humides et les tourbières, alors que moins de 6 % est stocké dans les arbres.

Les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James, juste au sud de la baie d’Hudson, sont reconnues mondialement comme des hauts lieux du carbone à cause de leurs tourbières qui en sont riches. Ce rôle a conduit certain.e.s ainé.e.s des Premières Nations locales du Mushkegowuk à appeler cette partie de leur territoire les « terres qui respirent ».

Aerial view of the landscape typical of the Hudson Bay Lowlands, Ontario, Canada
Les basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James © K. Rühland

Les tourbières peuvent emmagasiner le carbone beaucoup plus longtemps que les autres écosystèmes – des milliers d’années dans certains cas. Plus la tourbière est profonde, plus la quantité de carbone séquestré est grande, donc un mètre carré de tourbière peut stocker environ cinq fois la quantité d’un mètre carré de forêt tropicale. En revanche, c’est un lent processus : dans certains cas, accumuler un centimètre de tourbe peut prendre environ 10 ans.

Qu’est-ce que ça signifie pour les espèces?

Les espèces canadiennes – notamment des mammifères emblématiques comme l’orignal, le carcajou, le lynx du Canada, l’antilocarpe, le castor, le grizzly et l’ours noir – dépendent toutes d’écosystèmes qui emmagasinent de grandes quantités de carbone.

Quand ces terres sont converties (en routes ou en terres agricoles, par exemple), dégradées ou détruites – par des activités humaines comme l’exploitation forestière et agricole – cela n’affecte pas seulement les populations d’espèces, mais aussi le carbone séquestré qui peut alors être relâché dans l’atmosphère, accélérant les dérèglements climatiques.

D’un autre côté, assurer l’intendance des prairies, des forêts et des tourbières – tout en restaurant les écosystèmes dégradés par la plantation d’arbres et d’autres mesures – augmente la quantité de carbone emmagasiné dans la nature, contribuant à ralentir à la fois les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité.

Voici à quoi servent les solutions climatiques basées sur la nature : protéger, restaurer et gérer durablement nos importants écosystèmes de stockage du carbone.