Ce que nous savons – et ne savons pas – sur le carbone bleu

Le WWF‑Canada a récemment lancé un important rapport collaboratif sur les écosystèmes de carbone bleu au Canada. Pour en apprendre davantage sur ce que le carbone bleu signifie pour la conservation, nous avons discuté avec Jessica Currie, spécialiste séniore des solutions climatiques basées sur la nature (SCBN).

© Lewis Jefferies / WWF-UK

Tout d’abord, qu’est-ce que le carbone bleu?

La plupart des gens savent que le Canada possède la côte la plus longue au monde : elle s’étire sur plus de 240 000 kilomètres! Par contre, ils n’ont peut-être pas conscience que les écosystèmes qui s’y trouvent – des marais salés, des herbiers marins et des forêts de varech – constituent un habitat très important pour les espèces, soutiennent l’adaptation face aux dérèglements climatiques en atténuant les dommages causés par les ondes de tempête et les inondations, et sont une source de bienfaits socioéconomiques et environnementaux allant de la pêche et du divertissement jusqu’à la filtration de l’eau et le cycle des éléments nutritifs.

Les régions côtières sont également importantes tant pour les nations et les communautés autochtones que pour les autres communautés locales qui entretiennent avec ces zones une relation étroitement interconnectée. Si ces habitats côtiers sont considérés comme des écosystèmes de carbone bleu, c’est en raison de la très grande valeur qu’offre leur capacité à séquestrer et à stocker du carbone en tant qu’élément de solution à la crise climatique.

Stalked kelp including Woody stemmed kelp, Pterygophera californica, and Eel Grass in the shallows at Browning Pass.

Peux-tu nous parler du rapport sur le carbone bleu et la raison qui justifie son importance?

Le carbone bleu a fait l’objet de relativement peu d’études au Canada. C’est pourquoi nous avons réuni plus de 40 expert.e.s provenant d’universités, d’organisations non gouvernementales, du gouvernement et d’autres secteurs pour rédiger et évaluer le premier rapport sur l’état des connaissances canadiennes sur le carbone bleu. Parmi les sujets qu’il couvre se trouvent le carbone dans les écosystèmes côtiers, les aspects financiers, stratégiques et juridiques de la conservation, et les recommandations dans un contexte de progrès.

L’intérêt est en pleine croissance, car nous devons veiller à ce que nos mesures de conservation répondent à la double crise de la biodiversité et du climat — et la protection, la gestion durable et la restauration des écosystèmes de carbone bleu pouvent bénéficier tant aux espèces qu’au climat.

Voilà le portrait de ce que nous savons; mais qu’est-ce que nous ignorons toujours?

Le rapport cerne également les lacunes en matière de connaissances. Le carbone bleu représente un domaine d’études assez récent où beaucoup est encore à découvrir et à mettre en œuvre. Par exemple, les politiques, les cadres et les lois du Canada ne mentionnent pas explicitement le carbone bleu côtier à l’heure actuelle, et cet aspect est essentiel à la protection de ces précieux habitats.

Il est également important de déployer des efforts pour suivre, cartographier et mesurer le carbone et la biodiversité dans les écosystèmes de carbone bleu. Les scientifiques ont recours à des méthodes comme l’imagerie satellite, les drones et les levés de terrain, mais celles-ci sont particulièrement difficiles à mettre en application dans un pays comme le Canada, qui présente une grande variabilité d’emplacements, de menaces auxquelles ces écosystèmes font face et de la quantité de carbone qu’ils peuvent séquestrer et stocker.

© Mike Ambach WWF-Canada

Les peuples autochtones côtiers entretiennent des relations de longue date avec leurs terres et leurs eaux, et ils possèdent une connaissance approfondie de la nature interconnectée des systèmes terrestres et marins. Dans notre quête de compréhension du carbone bleu, ces connaissances sont irremplaçables.

Comment le WWF Canada contribue-t-il aux efforts en matière de carbone bleu et comment compte-t-il aller de l’avant?

Nous soutenons la recherche scientifique ainsi que les efforts déployés par les Autochtones et les communautés pour assurer l’intendance et la restauration des écosystèmes côtiers de l’Ontario, de la Colombie Britannique et de Terre Neuve et Labrador. Ce rapport, qui fait office de guide de référence pour tous ceux et celles qui travaillent sur le carbone bleu et pour les décideur.se.s d’un océan à l’autre, constitue un pas dans la bonne direction.