Pour les baleines, le bruit sous-marin c’est aussi de la pollution
Loin d’être le « monde du silence » du fameux documentaire de Jacques Cousteau, l’océan regorge plutôt de sons naturels. Des vibrations acoustiques de la carapace du homard américain aux petits grognements de la morue de l’Atlantique, en passant par les clics d’écholocation à haute-fréquence de l’épaulard et les profondes vocalisations de l’immense baleine bleue, les sons de l’océan forment une véritable symphonie.
Puisqu’il voyage cinq fois plus vite dans l’eau que dans l’air, le son est le moyen de communication le plus efficace pour les espèces marines. Mais leurs notes musicales se perdent, lentement ensevelies sous une quantité grandissante de bruits causés par les activités humaines.
Suivant la croissance de l’industrialisation de l’océan ces dernières décennies – expansion des ports, intensification du transport maritime, exploration et développement minier et gazier – le bruit des activités humaines commence à dépasser le paysage sonore naturel de l’océan. Les impacts de ce phénomène sont maintenant documentés dans tous les écosystèmes marins, des baleines jusqu’au plancton.
La pollution par le bruit sous-marin a été reliée à la perturbation des comportements normaux et de la communication, à la détérioration de l’alimentation et à une augmentation des niveaux de stress. Elle peut même causer des blessures permanentes ou la mort. La combinaison de facteurs de stress existants comme la surexploitation, la pollution chimique et les conditions changeantes de l’océan contribue au déclin des espèces et à la dégradation des écosystèmes. De telles pertes sont ressenties presque immédiatement par les communautés autochtones et côtières qui dépendent des ressources de la mer pour leur santé et leur subsistance.
Comment baisser le volume au profit des espèces marines
Bordé par trois océans, le Canada a la responsabilité mondiale d’être un leader audacieux dans la prévention de la pollution par le bruit sous-marin et de favoriser les innovations technologiques qui créent des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux. Reconnaissant ce besoin, le gouvernement fédéral a commencé à développer une Stratégie sur le bruit dans les océans qui guidera et coordonnera les efforts de gestion du bruit sous-marin pour la prochaine décennie.
Toutefois, pour réduire efficacement la pollution par le bruit sous-marin, une combinaison d’efforts de gestion dotés de cibles définies est nécessaire. Voici certaines des priorités que nous avons identifiées dans notre soumission au gouvernement canadien, lors de l’élaboration de sa stratégie. Pour lire notre commentaire complet, cliquez ici (en anglais seulement).
Établir des seuils basés sur les limites biologiques et le savoir autochtone et local. Si nous essayons de minimiser le bruit sans considérer les deux types de connaissances, nous n’atteindrons pas nécessairement ce dont la nature et les communautés ont besoin.
Favoriser les technologies plus silencieuses. L’industrie a un rôle important à jouer pour accélérer le développement et l’adoption de technologies plus silencieuses, et nous pouvons le lui rappeler régulièrement.
Développer des cibles de bruit selon les navires et selon les zones. Si nous devons limiter les émissions sonores provenant des navires, il faut aussi considérer que des zones différentes peuvent avoir besoin d’approches variées, comme par exemple le ralentissement des activités dans des habitats de fort trafic maritime où vivent les épaulards résidents du Sud ou les bélugas, ou pour préserver le paysage sonore arctique du rapide développement de la région.
S’assurer que les stratégies sont mises en place. La législation sur les protections marines n’inclut que très rarement des restrictions à la navigation et n’inclut jamais de restriction du bruit. À moins que la Stratégie sur le bruit dans les océans ne devienne juridiquement contraignante par des réglementations ou une autorité ministérielle, nous ne verrons probablement pas de région importante du point de vue biologique se libérer de la pollution par le bruit.
Le WWF-Canada continue de participer au processus de la Stratégie sur le bruit dans les océans pour s’assurer que le Canada crée des espaces silencieux qui permettent le retour au rythme naturel de l’océan.