Comment la restauration d’une rivière atténue le risque d’inondation à Edmundston
Au début de l’été 2023, dans le quartier Saint-Jacques situé dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, un orage soudain et intense a déversé 150 millimètres de pluie en une heure sur la petite ville d’Edmundston. Les crues éclair qui en ont résulté ont touché plus de 230 foyers, déclenché un glissement de terrain, forcé la fermeture de routes, détruit des ponceaux et causé des dommages totalisant 20,5 millions de dollars.
La ville d’Edmundston est située en amont du bassin versant du fleuve Wolastoq (Saint-Jean), un réseau complexe d’affluents, de lacs et de marécages qui sillonnent plusieurs villes du Nouveau-Brunswick. Les inondations de 2023 ne sont qu’un exemple des évènements climatiques extrêmes survenus dans la province au cours des dernières années.
En fait, les conséquences des inondations d’Edmundston sont relativement minimes lorsqu’on les compare à celles des inondations record du printemps 2018 dues aux crues nivales, associées au dégel – les deuxièmes de l’année après qu’un orage en janvier eût déversé 127 mm d’eau – qui ont entrainé la fermeture de 140 ponts, ponceaux et routes, touché 12 000 propriétés et causé 75 millions de dollars de dommages.
L’année suivante, la crue nivale – la pire des trois inondations de 2019 qui, ensemble, ont couté 93,2 millions de dollars – a fait monter le niveau du fleuve encore plus haut – il a atteint 8,37 mètres à Fredericton – et a touché 15 communautés. Plus de 1 200 personnes ont été évacuées et l’armée a dû être appelée en renfort.

Pourquoi cela arrive-t-il?
En raison du réseau hydrographique sinueux du Wolastoq serpentant jusqu’à la mer, le Nouveau-Brunswick a toujours connu des inondations, en particulier lors de la période de dégel printanier – mais pas comme celles-ci.
Les dérèglements climatiques ont fait augmenter l’intensité et la fréquence des inondations, qui laissent derrière elles bon nombre de maisons, d’infrastructures et d’habitats endommagés en raison d’un dégel trop rapide et d’embâcles, et ont multiplié les évènements de pluie extrême et d’ondes de tempête côtières. Une étude de 2019 estime que le volume des inondations au Nouveau-Brunswick pourrait augmenter de 30 à 55 % d’ici 2100.
Une atmosphère plus chaude fait également augmenter la température des masses d’eau, ce qui touche les espèces propres aux eaux froides déjà en péril comme le saumon de l’Atlantique, un poisson migrateur en voie de disparition confronté à un fort déclin en raison de la surpêche, de la pollution et de l’obstruction des voies migratoires. Le réchauffement des températures de l’eau et les hivers plus doux ont également contribué à la prolifération d’espèces envahissantes (comme la moule zébrée et la livrée des forêts) qui supplantent les espèces indigènes et perturbent les écosystèmes.
Ce qui nous ramène à Edmundston, où Stéphanie Paradis-Léger et son équipe de chez INNOV, le département de recherche appliquée du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, cherchent à réduire les risques d’inondation et à améliorer la résilience climatique.
L’étude de cas du bassin versant de la Rivière-à-la-Truite de Mme Paradis-Léger évalue et recommande des solutions basées sur la nature précises pour atténuer les risques d’inondation dans ce secteur du quartier Saint-Jacques . L’étude a déterminé que le canal érodé de la rue Demers, une section de 230 mètres de la rivière à la Truite, constituait une zone prioritaire pour la restauration de la plaine inondable en raison du haut risque d’inondation, du débit accru de l’eau et des signes visibles d’érosion sur les berges et le pont.
Grâce au soutien financier du WWF-Canada et de Wawanesa Assurance par l’entremise de son programme Champions du climat, INNOV et la ville d’Edmundston ont restructuré le canal. L’équipe a notamment construit une série de structures rocheuses qui contrôlent l’élévation et la pente du canal.

Cette stratégie aide à réduire l’érosion du lit du cours d’eau, à prévenir l’approfondissement excessif du canal et à gérer le transport des sédiments dans différentes zones afin d’éviter des problèmes de drainage ou d’inondation. Les berges érodées ont également été remodelées à des hauteurs appropriées et des arbres et arbustes indigènes ont été plantés dans les plaines inondables afin d’atténuer l’impact des inondations lorsqu’elles se produisent.
Pour fournir des habitats aux espèces de la région, l’équipe a planté une vaste gamme d’essences indigènes, comme l’érable argenté, le peuplier faux-tremble, le cornouiller et le sureau. Certaines ont été choisies pour leur tolérance aux conditions humides et/ou pour la rapidité à laquelle elles développent des systèmes racinaires, afin d’aider le sol à absorber plus d’eau et à gérer l’érosion.
Ces plantes augmentent également la rugosité de la surface du sol, ce qui contribue à ralentir l’écoulement de l’eau en cas d’inondation. Les arbres qui fournissent de l’ombre aux rivières contribuent à limiter la température de l’eau, pour le plus grand bénéfice des espèces propres aux eaux froides.
« Les solutions basées sur la nature, malgré le fait qu’elles nécessitent plus de temps pour stabiliser la situation, ont un cycle de vie indéfini et requièrent peu d’entretien au fil des ans, ce qui les rend très intéressantes », explique Mme Paradis-Léger, en mettant l’accent sur les résultats à long terme de la restauration.
« Nous espérons voir des effets domino avec d’autres initiatives comme celles-ci mises en place dans la région pour atténuer les risques d’inondation et les problèmes d’érosion. »