La vie des arbres en milieu urbain
Écrit par : Alexandre Duval, rédacteur-blogueur pigiste pour le Réseau de l’action bénévole du Québec
Des arbres sous haute tension
Les arbres en milieu urbain n’ont pas la même chance que leurs confrères des forêts. Les sols dans lesquels ils vivent sont souvent pollués, mal aérés et très limités au niveau de l’espace. En fait, il arrive que les arbres plantés en ville, plus précisément ceux que l’on voit sortir des fosses creusées à même nos trottoirs, ne disposent que de quatre mètres cubes de sol; cette intense restriction empêche leurs racines de croître et de s’étendre comme le font naturellement celles des arbres en forêt, qui peuvent ainsi aller chercher tous les nutriments dont ils ont besoin.
(c) Istockphoto.com / WWF-Canada
Chercheuse au Service canadien des forêts, Isabelle Aubin explique que la vie souterraine a besoin d’oxygène pour convertir les substances minérales et organiques en matériaux assimilables par les arbres. Les sols en milieu urbain, malheureusement, sont souvent mal oxygénés et là où la quantité d’oxygène est trop faible, ce sont des bactéries anaérobiques qui prennent la relève. Ces dernières, plutôt que d’engendrer ce dont les arbres ont besoin pour s’alimenter, produisent des éléments toxiques pour les arbres, soit de l’acide et du méthane.
À ces facteurs qui minent la santé des arbres, il faut en ajouter une panoplie d’autres. Les mégots de cigarette qui sont laissés dans les fosses des trottoirs où sont plantés les arbres, le sel répandu sur nos routes pendant la saison hivernale, les blessures subies par les déneigeuses, les travaux de construction et le manque de civisme de certains citoyens sont autant de facteurs qui contribuent à miner la santé déjà fragile des arbres vivant en milieu urbain.
Ce n’est donc pas une surprise si l’espérance de vie des essences que l’on retrouve sur le territoire de nos villes est largement inférieure à celle des arbres qui croissent en milieu naturel. En fait, il semblerait que les arbres pouvant vivre jusqu’à 200 ans en forêt ne dépassent habituellement pas le cap des 30 ans lorsqu’ils sont plantés dans un parc urbain. Le plus effrayant, ils n’atteignent que très rarement la barre des 5 ans lorsqu’ils sont flanqués dans une fosse de trottoir!
D’innombrables bienfaits
Nos grands végétaux urbains sont très impliqués dans plusieurs aspects de nos vies. Ils ont en effet des fonctions sociales, écologiques, thérapeutiques, économiques, esthétiques, de confort et de sécurité. En plus d’être agréables à l’œil, ils jouent un rôle essentiel dans la purification de l’air ambiant, dans la régulation de la chaleur urbaine stagnante, dans l’interception des rayons du soleil nocifs pour la santé humaine ainsi que dans le niveau de stress des citoyens, autant de fonctions qui assurent un meilleur équilibre physique et psychique chez les citadins.
Les arbres des villes contribuent aussi à fournir des zones d’ombre aux bâtiments, diminuant ainsi leurs coûts de climatisation durant l’été. En hiver, lorsque les feuillus perdent leurs feuilles, les rayons du soleil peuvent alors atteindre la surface des bâtiments, ce qui limite les besoins en chauffage. Les économies d’énergie réalisées grâce à des arbres matures disposés stratégiquement autour d’un immeuble ou d’une maison peuvent être substantielles.
Les arbres ont aussi un impact sur la valeur foncière des propriétés. En effet, la mise en valeur d’un terrain ou d’un bâtiment grâce à la présence d’arbres peut hausser sa valeur de l’ordre de 10 % à 20 %, en plus d’avoir procuré aux propriétaires – pendant de nombreuses années – les avantages économiques énumérés ci-dessus. Les considérations qui amènent les citoyens ou les entrepreneurs à planter des arbres sur leur propriété sont donc aussi parfois économiques.
Les avantages financiers des arbres en milieu urbain ne se situent toutefois pas qu’au niveau privé : le public peut également grandement en profiter. En interceptant jusqu’à 22 % des eaux de pluie autrement destinées aux canaux d’évacuation, les arbres réduisent la quantité d’infrastructures de drainage nécessaires. De plus, les arbres augmentent la durée de vie des chaussées grâce à leur rôle thermorégulateur : en minimisant l’amplitude des rétractations et des extensions que subissent nos routes sous l’effet des contrastes de température, les arbres rallongent la vie utile de nos chaussées.
Qui peut faire quoi?
Les autorités publiques doivent prendre soin des arbres en milieu urbain, en s’assurant que ceux-ci puissent jouir d’un terreau fertile et en sensibilisant la population à l’importance de respecter les espaces dans lesquels croissent ces alliés de notre qualité de vie. Les administrations municipales doivent aussi éviter de planter la même essence partout, ce qui augmenterait les risques d’infestations et d’épidémies, comme ce fut le cas à Montréal au siècle dernier alors que la maladie hollandaise de l’orme tuait plus de 30 000 arbres de cette espèce.
Quant au citoyen, propriétaire d’une maison en ville ou administrateur d’un syndicat de copropriété qui cherche à planter des arbres sur son terrain, il doit prendre en considération le type de sol dont l’essence désirée a besoin pour grandir, l’espace dont il a besoin pour atteindre sa maturité ainsi que l’emplacement stratégique de l’arbre afin qu’il contribue à améliorer la qualité de vie des occupants tout en diminuant leurs factures d’électricité. Mais planter des arbres n’est pas tout : il faut aussi veiller au respect et à l’entretien de ceux qui enrichissent déjà notre quotidien en milieu urbain.
À propos de l’auteur :
Alexandre Duval est un rédacteur-blogueur pigiste pour le Réseau de l’action bénévole du Québec qui vise notamment à promouvoir le bénévolat et l’action bénévole à Montréal. Étudiant à la maîtrise en science politique et assistant de recherche à l’Université du Québec à Montréal, il détient son baccalauréat de l’Université Laval, à Québec. Il a également étudié aux États-Unis, en France, ainsi qu’à Toronto.