Des Inuit.e.s se prononcent contre l’expansion d’une mine de fer en Arctique – des communautés sont préoccupées par les impacts sur les espèces
Des audiences publiques ont eu lieu à Iqaluit et à Pond Inlet au sujet d’une proposition visant à plus que doubler la production de la mine de fer de Mary River, sur l’île de Baffin, dans l’est du Nunavut, faisant passer la production de 6 à 14,2 millions de tonnes par an. Sans balises environnementales fermes, cette expansion aura de conséquences négatives à long terme sur les espèces locales comme le narval et le caribou, ainsi que sur les communautés inuites.
Paul Okalik, spécialiste principal pour l’Arctique du WWF-Canada, participe aux audiences en tant qu’intervenant officiel et se fait l’écho des préoccupations des communautés. Il en appelle à des mesures strictes pour réduire les perturbations sur les espèces de la construction d’un chemin de fer et de la hausse considérable du trafic maritime.
Les membres de la communauté prennent aussi la parole
Un communiqué de presse émis par des communautés du nord de l’île de Baffin affirme que « la mine existante de Mary River et son expansion proposée causent de sérieuses préoccupations au sein des communautés du nord de l’île de Baffin. Bien qu’on en retire certains avantages, nous ne sommes pas convaincu.e.s que ces avantages dépassent les conséquences négatives. »
Voici d’autres points importants à savoir :
En quoi consiste la mine de Mary River sur l’île de Baffin?
Situé à la pointe nord de l’île de Baffin – son trafic maritime passe au cœur de Tallurutiup Imanga, une des plus récentes et plus vastes aires marines nationales de conservation – ce projet minier était déjà le plus grand développement industriel de l’histoire de l’Arctique canadien avant cette proposition d’expansion massive.
Le nouveau chemin de fer, le premier en Arctique canadien, menacerait le rétablissement du caribou
De nouvelles infrastructures, comme un chemin de fer dédié au transport du minerai du site minier au port, ont le potentiel de déstabiliser la migration et la santé de la harde de caribous du nord de l’île de Baffin. Cette harde a déjà décliné massivement et nous sommes inquiet.ète.s que les faibles signes de rétablissement – après des années de travail et de sacrifices pénibles par les Inuit.e.s – soient mis en péril par ce nouveau développement. Le développement industriel et les perturbations des aires de mise bas, qui se trouvent le long du tracé proposé pour le chemin de fer, sont des menaces significatives au rétablissement de la population.
Les routes maritimes proposées chevauchent de façon préoccupante l’habitat essentiel du narval
Une fois que le minerai est chargé à bord des cargos à Milne Inlet, il passe par le détroit d’Éclipse et le risque de déversement d’hydrocarbures, le bruit sous-marin et la pollution affectent les espèces qui migrent à travers cette zone. Actuellement, il y a 14 navires qui y transitent chaque semaine, mais avec l’accroissement de la production, les bateaux navigueront dans ces eaux 35 fois par semaine.
La recherche appuyée par notre Fonds pour la conservation des espèces de l’Arctique a identifié ces zones marines comme étant l’habitat de prédilection du narval. Pendant l’été, 90 % de la population mondiale de narvals migre vers cet endroit et autres eaux canadiennes, transformant les perturbations locales en préoccupation mondiale pour cette espèce en péril.
Les impacts sur l’approvisionnement en nourriture et la menace de déversements d’hydrocarbures inquiètent les Inuit.e.s locaux.ales
La récolte de phoques, de narvals et de poissons pour nourrir les familles est un mode de vie dans cette région. Les perturbations causées par le développement – ou pire, un déversement d’hydrocarbures – dévasteraient les communautés inuites du nord de l’île de Baffin, particulièrement Pond Inlet ou Mittimatalik, sous son nom Inuktitut.
Il est possible de réduire les impacts locaux pour les narvals et les Inuit.e.s
En dépit de ces menaces, il existe des mesures concrètes que la compagnie Baffinland Iron Mines Corporation peut déployer, ainsi que des conditions obligatoires que la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions peut mettre en place afin de réduire les risques pour les espèces et les communautés qui en dépendent.
Dans certains cas, ralentir l’échéancier de production permettrait à la compagnie de mieux consulter la population et d’assimiler le Qaujimajatuqangit inuit (savoir traditionnel inuit) pour comprendre les zones d’enjeux culturels ou environnementaux qui doivent être évitées. Le ralentissement faciliterait aussi les études scientifiques nécessaires pour éviter les impacts négatifs sur la harde de caribous de l’île de Baffin.
En ce qui a trait aux autres enjeux, comme les déversements d’hydrocarbures et le bruit sous-marin, de nouvelles pratiques et technologies doivent être mises en place pour atténuer les impacts marins. Plus précisément, le WWF-Canada demande à la compagnie Baffinland de réduire le trafic maritime, d’éliminer le rejet de déchets des bateaux, de procéder à la transition vers des carburants plus propres dans les navires pour éviter les risques reliés aux déversements, de suspendre la navigation quand les narvals sont présents, mettent bas ou allaitent leurs petits, et de ne jamais naviguer en brisant la banquise.
Un exemple spécifique des changements demandés est de remplacer le mazout lourd par un carburant plus propre qui réduirait, entre autres impacts, les émissions de carbone noir de 80 %. Le carbone noir, une sorte de suie, accélère la fonte de la banquise arctique, aggrave la crise climatique et menace les espèces qui habitent la banquise et les communautés qui en dépendent.
Ces audiences publiques ont lieu jusqu’au 6 février. La Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions rendra ensuite sa décision sur le rendement plus que douteux de la mine et en informera le ministre fédéral des Affaires du Nord, qui a le mot final sur l’avenir de la proposition de Baffinland.