Grandir avec les narvals

Two narwhal crossing tusks at sunset near Baffin Island, Nunavut
Des narvals (Monodon monoceros) croisent leurs défenses à la surface de l’eau. Île de Baffin, Nunavut, Canada.

« J’avais neuf ans quand j’ai vu mon premier narval, » a dit Max Kalluk de 33 ans à Brandon Laforest, spécialiste des espèces arctiques du WWF-Canada. Sauf que le narval n’était pas seul à cette occasion. « Des centaines de groupes de narvals sont venus au village, » dit-il, encore émerveillé par cet épisode qui avait duré trois jours.

Le village en question s’appelle Arctic Bay et il est situé à la pointe nord-ouest de l’île de Baffin. Le bord de la banquise qui entoure Arctic Bay est une des régions où les espèces sont les plus abondantes dans tout l’Arctique et les Inuit.e.s dépendent du narval tant pour leur propre subsistance que comme source de revenu et d’inspiration artistique. Chaque été, les narvals et les bélugas migrent par les eaux de cette zone, se nourrissant de morue.

Kakiak Point, situé en face d’Arctic Bay, de l’autre côté du bras de mer Admiralty, est l’un des endroits où Kalluk pêche le narval. Au cours des années, il a vu augmenter le nombre d’épaulards dans la région et ils semblent s’y installer.

Inuk man, Max Kalluk, looking at the dea ice of Arctic Bay, Nunavut
Max Kalluk, résident d’Arctic Bay, regardant la banquise © Janice Kautainuk

Cependant, les orques ne représentent pas l’unique péril menaçant les narvals. Kalluk a expliqué que les habitant.e.s d’Arctic Bay et de Pond Inlet s’inquiètent des impacts de la navigation commerciale. « La compagnie minière Baffinland envoie aussi régulièrement quatre ou cinq bateaux par jour et je pense que cela a un impact sur la façon dont les narvals choisissent leur route. J’ai remarqué qu’à Pond Inlet, ils commencent à suivre la côte pour éviter les bateaux. »

Pour les narvals, la côte est un endroit sûr. Quand ils ont peur, que ce soit des bateaux, des humains ou même des épaulards, ils se rendent près de la côte. Ils y viennent aussi pour se nourrir. À chaque fois qu’il les voit, Kalluk en est émerveillé.

« Quand je regarde les narvals, je repense souvent à la première fois que je les ai vu se nourrir près du rivage, » se rappelle-t-il. « C’était vraiment fantastique. Quel spectacle! Ils tenaient leur nageoire caudale [queue] dans les airs en gardant leur tête sous l’eau. C’étaient comme s’ils se balançaient sous l’eau. Puis ils se sont mis à nager la tête en bas en se nourrissant sans effort. »

A pod of male narwhal in Nunavut, Canada
© Paul Nicklen / National Geographic Stock / WWF-Canada

Comme la plupart des Inuit.e.s, Kalluk a appris de ses aîné.e.s comment traiter le narval. « Mon grand-père m’a répété plusieurs fois de ne pas prendre le premier narval que je voyais et de laisser les femelles et les petits tranquilles. »

Le grand-père de Kalluk lui a aussi enseigné que les narvals ont une vue incroyable et une ouïe exceptionnelle, et que s’ils laissaient les femelles, les petits et les leaders passer, les autres narvals se sentiraient en sécurité et reviendraient dans la région. En prenant seulement ce dont ils avaient besoin, les pêcheurs locaux travaillent de façon à conserver la population de narvals saine et abondante.

Kalluk en a aussi appris beaucoup de l’espèce elle-même. « Nous avons tellement l’habitude de les voir tout le temps, que nous avons appris leurs habitudes et leurs détails, » dit-il avant d’ajouter qu’il a vu plusieurs narvals femelles avec des défenses, même s’il s’agit de prime abord d’une caractéristique masculine. Il explique que ce n’est pas la défense qui aide à identifier le genre du mammifère, mais plutôt d’autres caractéristiques corporelles telles que la couleur et la taille. « Quand ils vieillissent, ils blanchissent. Parfois, nous voyons un vieux narval avec une défense courte. On sait alors que c’est une femelle. »

Nous avons rencontré Kalluk lors de notre premier évènement du mercredi en direct sur Facebook (#WildlifeWednesday) que Brandon Laforest a tenu sur le narval. Kalluk commentait activement et répondait aux questions avant nous et interagissait avec le public en ligne. Il était tellement passionné de partager ses connaissances sur le narval et autres espèces arctiques que nous ne pouvions manquer de le contacter.

The landscapes and water of Kakiak Point during the summertime,
La pointe Kakiak pendant l’été © Brandon Laforest / WWF-Canada

« Les Inuit.e.s connaissent extrêmement bien les animaux de l’Arctique, mais la plupart du temps on nous laisse à l’écart de la conversation. J’espère que plus de ce savoir sera partagé avec le reste du monde, » a mentionné Kalluk, soulignant qu’il a probablement été en contact avec davantage de narvals que de personnes dans sa vie. « J’adore les narvals et je veux que tout le monde les voie de la même façon que moi. »

Cinq autres faits fascinants que nous a révélés Kalluk à propos des narvals :

  1. Plus la distance que le narval parcourt est grande, plus il aura tendance à être gros.
  2. Ils perçoivent les signaux de danger des phoques du Groenland, qui les avertissent de la présence des chasseurs.
  3. En plus d’émettre des cliquetis, le narval communique sur de longues distances par des sifflements rappelant les fantômes
  4. Ils dorment souvent, mais seulement par à-coups, et continuent de nager en dormant!
  5. Les narvals se déplacent en entourant les plus jeunes et les plus vieux des leurs. Ce sont des cétacés très sociables.