Nouvelle étude du WWF-Canada : comment le pays peut mieux préserver les espèces et se préparer aux changements climatiques

Arctique

TORONTO, le 22 avril 2019 – Protéger les espèces et ralentir les impacts des changements climatiques est possible, selon la plus récente analyse nationale du Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada). Cette nouvelle étude pancanadienne, intitulée Protection du territoire pour les espèces : une crise nationale en matière d’habitats, identifie les sites potentiels pour la création d’aires protégées qui répondent aux besoins vitaux des espèces, mais qui sont aussi capables d’adsorber du carbone, réduisant les impacts des changements climatiques. Ces milieux naturels peuvent, s’ils sont protégés, nous outiller pour équilibrer le climat.

Le climat canadien se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. L’étude propose un plan essentiel pour ralentir la perte de biodiversité tout en limitant les effets des changements climatiques. Compte tenu de la crise actuelle, nous devons nous assurer que nos aires protégées puissent en faire plus pour la nature et les communautés. L’étude révèle que :

  • 84 % des habitats abritant des concentrations élevées d’espèces en péril (au moins 10) sont inadéquatement ou pas du tout protégées.
  • En même temps, les puits de carbone du Canada (qui absorbent puis stockent le carbone) sont inadéquatement ou pas du tout protégés : 77 % des habitats à densité élevée de carbone dans le sol et 74 % des habitats à densité élevée de biomasse forestière ne sont pas suffisamment protégés.

Une évaluation environnementale pointue
Afin de relever les lacunes inhérentes au réseau canadien d’aires protégées, le WWF-Canada a créé un nouvel outil pour évaluer la représentation écologique. Celle-ci est une composante clé de l’engagement du Canada pour 2020 dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Elle témoigne de la nécessité de représenter l’ensemble des habitats physiques au sein d’un même réseau d’aires protégées, si l’on veut y préserver les espèces efficacement. Les critères utilisés incluent la superficie couverte, l’intégrité, la connectivité avec les autres habitats, le rivage d’eau douce et l’altitude protégée.

Pour identifier les régions prioritaires à protéger, le WWF-Canada a comparé les aires inadéquatement ou nullement protégées avec les aires hautement prioritaires, soit celles qui accueillent de fortes concentrations d’espèces en péril, stockent une quantité importante de carbone dans le sol, ont des densités élevées de biomasse forestière et/ou servent de refuges climatiques.

Megan Leslie, présidente et chef de la direction du WWF-Canada 
« Cette recherche nous offre une toute nouvelle façon de penser à la création d’aires protégées et à d’autres mesures de conservation pour traiter simultanément les problèmes de la perte de biodiversité et des impacts des changements climatiques. Le Canada s’emploie activement à atteindre l’objectif international de 17 % de protection terrestre et aquatique. Maintenant, grâce à cette nouvelle recherche, les gouvernements de tous les niveaux seront aussi en mesure de donner la priorité aux territoires ayant cette double fonction pour les espèces et le climat. »

James Snider, vice-président du programme Science, recherche et innovation
« En utilisant les meilleures données disponibles pour cartographier le carbone dans les sols, les tourbières et la biomasse forestière, nous sommes en mesure de présenter une estimation prudente et réaliste de la force de la nature canadienne pour aider à contrôler les changements climatiques et cela, tout en protégeant les espèces et la biodiversité. La nature pourrait être l’un des outils les plus puissants dans notre préparation aux impacts des changements climatiques et jusqu’à présent, elle a été largement négligée. »

Où sont les endroits qui nécessitent le plus de mesures de protection?
Certains des territoires les moins protégés sont pourtant les plus importants pour les espèces en péril, l’adaptation climatique et le stockage du carbone. Selon l’étude réalisée, cinq régions spécifiques devraient être priorisées en matière de protection.

  • Malgré leurs niveaux élevés de carbone dans le sol et de biomasse forestière, leurs importants refuges climatiques et leur grand nombre d’espèces en péril (incluant le caribou toundrique), le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont la proportion la plus élevée d’habitats physiques non protégées au pays.
  • L’Okanagan de la Colombie-Britannique n’est pas adéquatement protégé, bien qu’étant une région essentielle pour les espèces en péril (incluant la chauve-souris blonde et couleuvre nocturne du désert), un refuge climatique potentiel et une région à forte biomasse forestière.
  • Les Prairies, écosystèmes parmi les plus menacés au monde et siège d’une trentaine d’espèces en péril, dont le renard véloce et le pipit de Sprague au Canada sont, en grande partie, protégées inadéquatement ou pas protégées.
  • Les habitats du sud du Québec et de l’Ontario, siège d’une forte concentration d’espèces en péril comme la tortue serpentine, sont presque entièrement protégés de manière inadéquate, ou pas du tout.
  • Situé au Nouveau-Brunswick, le bassin versant du fleuve Saint-Jean n’est pratiquement pas protégé, même s’il accueille plusieurs espèces en péril (incluant la tortue des bois et l’esturgeon à museau court), même s’il contient des stocks importants de carbone dans le sol et la biomasse forestière, et même s’il comprend des refuges climatiques.

Principales conclusions des études nationale, provinciales et territoriales :

  • Les aires protégées ne sont pas assez vastes pour maintenir la biodiversité. Seulement 19 % des habitats physiques répondent adéquatement aux exigences en matière de superficie recommandée pour soutenir les espèces.
  • Nous ne protégeons pas la connectivité entre les régions afin de permettre aux espèces de se nourrir et de se reproduire. La connectivité entre 79 % des habitats physiques est inadéquatement ou pas du tout protégée.
  • Les écosystèmes et les espèces d’eau douce ne sont pas protégés. 91 % des habitats physiques ne jouissent d’aucune mesure de protection adéquate sur leurs rivages.
  • Dans les provinces maritimes en particulier, les mesures de protection sont trop petites et déconnectées pour soutenir la biodiversité. Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’île-du-Prince-Édouard ont la pire représentation écologique du pays.
  • Les aires protégées du Nord canadien sont de grande qualité, mais sont trop peu nombreuses et espacées. Les territoires du Nord ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador ont le pourcentage le plus élevé d’habitats physiques sans mesures de protection (entre 62 et 77 %).

Recommandations

Tout au long de notre étude Protection du territoire pour les espèces : une crise nationale en matière d’habitats, l’attention a été portée à la fois sur les besoins des espèces en termes d’habitats et sur les critères de captation des GES au sein de ces habitats, afin de ralentir les impacts des changements climatiques. Le WWF-Canada reconnaît que les aires protégées fournissent aussi des bénéfices culturels et sociaux importants. Le WWF-Canada milite la création de parcs pour ces raisons et plusieurs autres.

Afin de maximiser les bienfaits des nouvelles aires protégées pour les espèces, nous devons :

  • nous concentrer sur les habitats des espèces vulnérables ou en péril;
  • bonifier les mesures de protection pour y inclure les lacs, les rivières et les milieux humides;
  • préserver les aires à fort potentiel d’absorption et de stockage du carbone, en vue de ralentir les changements climatiques tout en fournissant un habitat aux espèces;
  • appliquer des règles strictes au sein des aires protégées, afin de maintenir leur intégrité et leur valeur.

Pour les habitats situés dans le sud du Canada, où le morcellement important du territoire rend la création de vastes aires protégées non fragmentées de plus en plus difficile, nous devons envisager d’autres mesures de protection, à la fois strictes et efficaces, pour les espèces et les habitats fragilisés, y compris sur les terrains privés pour assurer une connectivité importante. De plus, la restauration des habitats, la réintroduction d’espèces indigènes et un développement respectueux des habitats peuvent tous jouer un rôle important en matière de conservation.

— Le sommaire du rapport Protection du territoire pour les espèces : une crise nationale en matière d’habitats peut être consulté ici (PDF)

Qui a financé cette évaluation de la protection des espèces?
Le financement de cette évaluation de la protection de la faune par le WWF-Canada a été fourni par plus de 100 000 particuliers canadiens qui ont fait un don en vue de soutenir les travaux de conservation de la faune du WWF-Canada réalisés dans tout le pays.

Déclin des espèces au Canada
En 2017, le Rapport Planète vivante Canada du WWF-Canada révélait que les populations d’espèces subissent des déclins inquiétants. La moitié des populations d’espèces suivies au Canada (451 sur 903) sont en situation de déclin, et pour celles-ci, les chiffrent indiquent un déclin moyen de 83 %. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que l’état des espèces en péril qui sont protégées d’un point de vue légal est aussi critique, sinon pire.

À propos du Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada)
Le WWF-Canada propose des solutions aux grands défis de conservation qui nous tiennent tou.te.s à cœur. Nous menons des projets dans des lieux uniques et de grande valeur environnementale, afin que la nature, les espèces et les communautés puissent cohabiter en toute harmonie. wwf.ca/fr

Pour des renseignements supplémentaires
Laurence Cayer-Desrosiers, spécialiste des communications et événements
[email protected], +1 514-703-2409