L’état actuel de la science – et celle dont nous avons besoin pour mettre fin au déclin des espèces

Le Rapport Planète vivante Canada – une étude parmi les plus complètes sur les tendances de populations d’espèces vertébrées jamais réalisées au pays – a révélé la profondeur et l’ampleur de la perte, inattendue dans un pays qui s’enorgueillit de son image de vaste territoire regorgeant d’endroits sauvages. D’un point de vue scientifique, le travail ne fait que commencer. Quelle est la suite?

Paruline du Canada perchée sur une branche. (Paul Reeves Photography)

 Les données actuelles
L’étude est fondée sur l’Indice Planète vivante (IPV), un indicateur revu par les pairs des tendances cumulées concernant les populations d’espèces parmi les groupes d’espèces vertébrées, et développé par la Société zoologique de Londres (SZL). Au cours des 18 derniers mois, nos experts et analystes du WWF-Canada ont rassemblé les données et les études scientifiques sur les mammifères, oiseaux, poissons, amphibiens et reptiles à travers le pays.
En nous basant sur les données disponibles publiquement sur le portail de données de l’Indice Planète vivante (en anglais seulement), nous avons pu compiler un ensemble national de données actualisées pour le Canada comprenant 3 689 registres de populations pour 903 espèces. Cet ensemble de données inclut également de nouveaux registres compilés par la SZL, ainsi que par le programme des Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement (ICDE) d’Environnement et Changement climatique Canada.
Nous avons par la suite ajouté des données de 418 espèces, plus de 2 000 populations et 86 sources de données. Ces données proviennent de la littérature scientifique revue par les pairs, de la surveillance gouvernementale (par exemple, les relevés au chalut de Pêches et Océans Canada) et de la science citoyenne (par exemple, le Relevé des oiseaux nicheurs de l’Amérique du Nord). Les critères d’inclusion des données dans l’étude respectent l’approche établie par la SZL (en anglais seulement), et un critère supplémentaire a été ajouté concernant les espèces indigènes pour notre analyse nationale. L’analyse de l’Indice Planète vivante a été adaptée à partir de l’ensemble de statistiques de la Société zoologique de Londres, disponible publiquement. (Plus de détails concernant les modifications de l’analyse pour l’adapter à un contexte national pour le Canada sont décrits dans notre annexe technique – en anglais seulement.)
Avec l’IPV, nous avons réalisé une analyse systématique des tendances générales des espèces au pays selon cinq régions géographiques et par groupes d’espèces principaux (taxons).

Les résultats de notre étude révèlent de fortes baisses pour les mammifères, les poissons marins de l’Atlantique, les amphibiens et reptiles, et certaines espèces d’oiseaux (principalement les oiseaux de prairies et de rivage). Il révèle également un manque considérable de données dans de nombreuses régions. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est le manque de données pour un secteur majeur, l’eau douce, et pour un environnement fondamental, l’Arctique.
Les données dont nous avons besoin
Considérant l’interconnectivité des écosystèmes terrestre, d’eau douce et marin (tel que démontré par l’importance vitale du saumon quinnat en tant que proie principale pour les épaulards résidents du Sud au large de la côte de la Colombie-Britannique), il est primordial de posséder des données fiables pour ces trois secteurs, ainsi que pour tous les principaux groupes taxonomiques du pays.
Combler les lacunes en s’impliquant
Les citoyens de partout au pays peuvent résoudre ce déficit de données par la science citoyenne, en collectant des informations à la fois sur les espèces et leurs habitats. Ces informations devraient être un élément essentiel d’un système national de surveillance, qui pourrait être créé par les communautés, les institutions de recherche, les groupes environnementaux et les gouvernements. Ces données pourraient être utilisées pour éclairer les décisions demandant de connaître les besoins les plus pressants – quelles sont les espèces qui ont le plus besoin d’une attention urgente, quels sont les habitats qui nécessitent une protection ou une restauration immédiate et quelles actions vont, de façon quantifiable, être les plus efficaces pour mettre fin au déclin plus rapidement.
Adopter les nouvelles technologies
La qualité et la quantité des données peuvent être considérablement améliorées et augmentées si nous adoptons les nouvelles technologies telles que l’ADN environnemental (en anglais seulement). Ces nouvelles technologies amélioreront radicalement la valeur des efforts en science citoyenne parce qu’elles permettront de livrer des résultats pertinents plus rapidement, avec lesquels les décisions concernant les actions appropriées en conservation et en gestion des habitats peuvent être prises.
Changements climatiques – des facteurs aggravants
En possédant des données de meilleure qualité et comparables, nous serons dans une position sensiblement plus favorable pour cibler les actions en conservation qui auront une efficacité maximum. C’est d’autant plus important considérant le contexte actuel d’augmentation et d’accélération des effets provoqués par les changements climatiques. Nous savons que les modèles climatiques se modifient, déclenchant au mauvais moment ou annulant complètement certains évènements du cycle de la vie tels que l’accouplement, la migration et le frai. Nous savons que les feux de forêts, les sécheresses, les inondations et les évènements de pluie/gel ont déjà un impact direct sur la nature. Et nous savons que les espèces sont déjà en déplacement parce que leur aire de distribution s’étend ou se restreint, ou que leurs habitats deviennent inhabitables. Les espèces indigènes sont actuellement en train de lutter contre les espèces envahissantes et contre les espèces qui migrent en raison des changements climatiques.
L’amélioration de la recherche sur les impacts des changements climatiques, ainsi que les réponses appropriées, sont essentielles pour comprendre comment les espèces et leurs habitats sont et seront affectés, pour qu’ainsi nous ne prenions pas de décisions inefficaces. Les aires de distribution se modifient, les espèces proies se déplacent, et même de nouvelles situations entre prédateurs et proies se dessinent (comme c’est le cas entre les narvals et les épaulards en Arctique – en anglais seulement). De plus, même à un niveau très élémentaire, nous ne savons tout simplement pas à quel point l’accumulation dans l’atmosphère du gaz carbonique contribuera au déclin des espèces. En prenant en considération le fait que les deux écosystèmes les moins bien étudiés – eau douce et Arctique – sont les deux zones qui devraient être les plus durement touchées par les changements climatiques, la nécessité de disposer de données devient encore plus criante.
Faites partie de la solution
Rassembler les connaissances est la première étape et la plus importante pour la résolution de problèmes complexes. Considérant la plupart des pressions subies par les espèces (perte et fragmentation d’habitats, pollution, changements climatiques et plus) qui sont causées par l’activité humaine, nous voulons tous faire partie de la solution. À travers le pays, les citoyens peuvent faire une différence en s’impliquant dans le mouvement grandissant de la science citoyenne afin d’aider les groupes communautaires, les institutions de recherche et les gouvernements à rassembler l’information, particulièrement dans les régions géographiques ou pour les groupes d’espèces sous-représentés, pour ainsi agir de façon efficace et déterminée.