Migration des oiseaux : comment aider nos amis à plumes

par Emily Giles et Peter Ewins
La vie n’est pas simple pour les oiseaux chanteurs. Prenez par exemple la paruline, ce petit oiseau qui fait osciller l’aiguille de la balance autour de 10 grammes à peine. La paruline migre deux fois par an, et doit à chaque fois couvrir une distance de plusieurs milliers de kilomètres. C’est un voyage considérable pour une si petite créature! À l’automne, les oiseaux chanteurs migrent vers le sud pour aller passer l’hiver aussi loin qu’en Amérique du Sud. Et au printemps, ils reviennent dans leurs territoires de nidifications au Canada.

Une paruline jaune (Setophaga petechia). Les parulines sont des oiseaux migrateurs qui sont souvent victims de collisions mortelles avec des fenêtres ou des bâtiments. © James Frankham/WWF
Une paruline jaune (Setophaga petechia). Les parulines sont des oiseaux migrateurs qui sont souvent victims de collisions mortelles avec des fenêtres ou des bâtiments. © James Frankham/WWF

Malheureusement, l’existence de ces oiseaux se complique toujours davantage : la prédation par des chats ainsi que les collisions avec les fenêtres des bâtiments sont deux des principaux facteurs de mortalité liés aux êtres humains que doivent subir les oiseaux. Seulement au Canada, entre 16 et 42 millions d’oiseaux meurent, année après année, en raison de collisions avec des bâtiments (Machtans et al. 2013). Les grandes villes posent un problème incontournable pour les oiseaux migrateurs. La ville de Toronto, par exemple, compte plus de 950 000 bâtiments enregistrés ayant le potentiel de tuer entre un et neuf millions d’oiseaux annuellement (FLAP, 2015). La lumière artificielle des lampadaires ou d’autres sources lumineuses urbaines constituent un problème pour les oiseaux migrateurs, puisque plusieurs espèces migrent durant la nuit et sont guidées par la lumière émise par la Lune ou par des étoiles. Les lumières vives dans les villes interfèrent avec la navigation des oiseaux et les fait dévier de leur route, ce qui cause parfois des collisions avec des fenêtres ou des bâtiments.
Le jour, les oiseaux frappent les fenêtres en raison des attributs transparents ou réfléchissants du verre. Ils ne sont pas en mesure de détecter la présence de la fenêtre, et voient plutôt la réflexion d’un couvert d’arbres ou d’un passage libre.
Lors de la période migratoire de l’automne dernier, nous avons étudié les collisions d’oiseaux avec les fenêtres du bureau-chef du WWF-Canada, à Toronto. Une petite équipe de bénévoles a patrouillé le périmètre du bâtiment et inspecté toutes les corniches et les rebords de fenêtres visibles, une fois tôt le matin et une autre fois en fin d’après-midi. Nous avons colligé l’ensemble des données – que ce soit quelques plumes retrouvées à proximité du bâtiment ou bien carrément des oiseaux (vivants ou morts), au sol ou sur le bord des fenêtres. Les fenêtres du bureau-chef sont entourées d’une corniche de plus d’un mètre de large, ce qui fait en sorte que les oiseaux qui entraient en collision avec le bâtiment tombaient souvent sur la corniche, ce qui nous permettait de les observer facilement. Nous pouvions donc déterminer s’ils succombaient à leurs blessures, ou alors s’ils réussissaient plutôt à s’envoler de nouveau.

Emily observant un junco ardoisé après sa collision avec une fenêtre donnant vers l’est, au 4e étage de notre bâtiment © Pete Ewins
Emily observant un junco ardoisé après sa collision avec une fenêtre donnant vers l’est, au 4e étage de notre bâtiment © Pete Ewins

Notre étude a révélé quelques faits intéressants (qui ont d’ailleurs été publiés ce mois-ci dans la revue Ontario Birds). Au cours des six semaines analysées, nous avons noté 93 collisions et identifié 11 espèces d’oiseaux différentes. L’emplacement des collisions était intimement relié à la présence d’arbres à proximité de la surface réfléchissante des fenêtres. Nous avons également noté un comportement digne de mention d’un couple de corneilles, qui ont élu résidence dans le coin et s’attaquaient aux oiseaux assommés. Ils utilisaient même possiblement le bâtiment pour attraper de petits oiseaux : nous les avons aperçus en train de rabattre un roitelet vers les fenêtres en le chassant dans les airs, avant de le dévorer après qu’il se soit assommé sur le bâtiment!

Corneilles d’Amérique déplumant une victime d’une collision avec une fenêtre de notre bâtiment © Pete Ewins
Corneilles d’Amérique déplumant une victime d’une collision avec une fenêtre de notre bâtiment © Pete Ewins

La bonne nouvelle est la suivante : de plus en plus de gens se préoccupent de la question des collisions d’oiseaux avec les fenêtres de nos édifices. Le design et l’architecture incluent désormais ces facteurs, à travers les différents codes du bâtiment. Par exemple, à Toronto, FLAP a créé le BirdSafe™ Building Standards and Risk Assessment, et fournit des services de consultation à quiconque désirant rendre son immeuble BirdSafe™ d’une manière efficace et économique, en se concentrant sur les façades où la plupart des collisions ont lieu. De nouvelles fenêtres sont aussi disponibles sur le marché, qui « cassent » la réflexion des arbres dans la fenêtre et font donc en sorte que les oiseaux ne confondent pas l’image et la véritable végétation.
Pour d’autres idées afin de rendre votre résidence ou votre bureau plus respectueux des oiseaux, visitez le site de FLAP (en anglais seulement), ici.
Références:
FLAP. 2015. Fatal Light Awareness Program Canada. https://www.flap.org/faqs.php 
Machtans, C.S., C.H.R. Wedeles and E.M. Bayne. 2013. A first estimate for Canada of the number of birds killed by colliding with building windows. Avian Conservation and Ecology 8(2):6. https://www.ace-eco.org/vol8/iss2/art6/